Son nom vous est sûrement inconnu, et il faut dire qu’il est acteur du cyclisme tricolore malgré lui. Succédant à Xavier Caïtucoli à la tête de Total-Direct-Energie, cet homme s’est retrouvé embarqué dans une aventure sportive engagée avec entrain par son prédécesseur, trouvant dans la Petite Reine un formidable moyen de promotion de sa société. Pour le comprendre, un retour aux sources semble nécessaire, avec un court voyage dans le temps jusqu’à l’été 2015. Au cours d’un Tour de France outrageusement dominé par Christopher Froome, l’inquiétude s’accroît dans les coulisses du côté de Jean-René Bernaudeau et ses hommes. Manager d’une équipe cycliste depuis 1991, d’abord dans les rangs amateurs puis promue chez les professionnels, celui-ci s’est amplement forgé sa place dans le paysage du cyclisme français, en participant continuellement au Tour de France depuis 2000, le marquant des deux épopées jaunes de Thomas Voeckler et de neuf victoires d’étapes (une dixième interviendra en 2017). Pourtant, à la suite de l’annonce du retrait de son sponsor principal, Europcar, son petit bonhomme de chemin semble s’orienter vers un cul-de-sac, une fin brutale. Sans annonce d’un projet concret de repreneur aux championnats de France, ni lors des deux journées de repos de la Grande Boucle, ni courant août, l’incertitude planant sur les têtes de Jean-René Bernaudeau et ses hommes en fait cogiter certains. Les plus fidèles restent, à l’image de Thomas Voeckler, biberonné dans cette maison vendéenne, ou de Bryan Coquard, jeune sprinteur plein d’avenir, mais d’autres cadres cèdent aux sollicitations de formations concurrentes, comme Pierre Rolland, parti chez Cannondale, ou Cyril Gautier, rejoignant également le World Tour avec AG2R La Mondiale. Mais à la mi-septembre, la signature d’un contrat avec un partenaire sérieux rassure tout le monde et récompense les fidèles. L’aventure continue, et reste fièrement sous pavillon français, grâce à l’investissement de Direct Energie, portée par l’enthousiasme de son PDG Xavier Caïtucoli. L’homme d’affaires s’étant envolé en septembre vers de nouveaux défis après avoir assuré le passage sous la bannière de Total, voici le portrait de l’homme qui se retrouve aux manettes de cette aventure économique mais aussi sportive : Sébastien Loux.
Son parcours :
Logiquement, Sébastien Loux ne possède pas le parcours universitaire et professionnel lié au cyclisme, mais a bien suivi une carrière d’entrepreneur porté par des diplômes en commerce. Effectivement, le baccalauréat en poche, il s’oriente rapidement vers ce domaine, au sein de l’Université Toulouse Capitole. Après une maîtrise en Gestion des Entreprises, lui inculquant ainsi les bases de son futur métier, il se lance dans un DEA en analyses économiques. Le diplôme obtenu, il parvient alors à intégrer la reconnue Toulouse Business School, pour y suivre un Mastère en audit interne et contrôle de gestion, dont il fait ainsi sa spécialité avant de plonger dans le grand bain du monde du travail.
Dès lors, c’est dans la continuité de cette dernière formation, et non sans un certain brio, qu’il rejoint le fameux cabinet de conseil et d’audit Deloitte, le plus grand du monde en la matière et le plus ancien du Big Four. Après trois ans de bons et loyaux services, il décide alors de se recentrer dans le domaine commercial, en rejoignant Quick Silver au prestigieux poste de Directeur Finances et Opérations, auquel il reste pendant plus de 15 ans.
Puis en 2009, il rejoint alors le fournisseur et producteur d’électricité et de gaz Direct Energie, en pleine expansion. Il y devient alors le « bras droit » de son PDG Xavier Caïtucoli, en tant que Directeur Général Délégué. Depuis son arrivée, la société grossit encore, en rachetant notamment en 2011 son concurrent belge Poweo, puis l’entreprise d’exploitation de centrales de productions d’énergies renouvelables Quadran en 2017, avant d’être elle-même rachetée par le géant Total en avril 2018, devenant ainsi « Total Direct-Energie » en avril 2019. Un changement remarqué par les fans de cyclisme, en raison de ses effets sur le maillot de l’équipe cycliste associée. Les couleurs actuelles du Team Total-Direct-Energie | © Team Total-Direct-Energie
Son statut aujourd’hui :
Comme avec le titre de champion de France obtenu par l’Olympique de Marseille en 2010, alors que Direct-Energie affichait son nom sur le maillot du club phocéen, Sébastien Loux considère également que le partenariat avec la formation de Jean-René Bernaudeau et sa participation annuelle à la Grande Boucle offre à la filiale de Total une notoriété qui lui manquait auparavant. De plus, alors que le manager vendéen considérait au moment de la signature du contrat, en septembre 2015, qu’il avait trouvé un investisseur qui lui ressemble, la société d’énergie peut aujourd’hui se glorifier d’avoir son nom associé à une équipe populaire dans l’esprit des français, à la mémoire encore reliée aux exploits de Thomas Voeckler. Cette proximité avec le public nouée par les coureurs se rapproche en effet de l’image que veut se donner Total-Direct-Energie, en s’adressant par ses services à l’ensemble des français, mais aussi aux belges, autre fameuse terre de cyclisme.
A ce titre, Direct Energie a connu son heure de gloire sur les routes du Tour de France en 2017, avec la victoire de Lilian Calmejane aux Rousses, après un final ardent et une bataille ardue contre Robert Gesink, ouvrant cette année-là le compteur des bouquets tricolores, un an après son succès sur la Vuelta sous les couleurs de ce même sponsor. Cependant, les dernières années ont été maussades pour les hommes de Jean-René Bernaudeau, minés par le départ de leurs leaders, à l’instar de Bryan Coquard (Vital Concept) et Thomas Voeckler (retraite) en 2018, ou Sylvain Chavanel l’année suivante (retraite). Sur ce même ton, les espoirs placés dans la nouvelle génération, censée reprendre le flambeau transmis par leurs ainés, ont finalement été déçus. Après ses débuts tonitruants dans le monde professionnel, Lilian Calmejane n’a pas eu les résultats escomptés. Quant aux arrivées en provenance de l’étranger de Niccolo Bonifazio et Niki Tepstra sur les grandes courses, elles n’ont pas été capables de changer la donne, entre malchance et manque de moyens.
Enfin, alors que Total-Direct-Energie accorde chaque année 7 millions d’euros à Jean-René Bernaudeau pour faire resplendir et briller ses couleurs sur les routes du calendrier professionnel mondial, la pandémie actuelle de coronavirus et ses conséquences financières attendues pourraient impacter violement le monde du cyclisme. En effet, équipes comme sponsors ne pourraient peut-être pas survivre à un arrêt prolongé des courses et de l’économie, et la publicité faite par les équipes pourrait se retrouver en première ligne d’éventuelles réductions des dépenses entrepreneuriales. Alors qu’une annulation du Tour de France serait particulièrement dramatique pour l’écurie vendéenne, misant toute sa saison sur cet évènement phare, Jean-René Bernaudeau et ses hommes pourraient-ils être sauvés par le type de services fournis par son sponsor, conservant comme rentrée d’argent la consommation de tous les ménages confinés à leur domicile ? Les interrogations se multiplient et les réponses se font encore rares à l’heure actuelle…
Par Jean-Guillaume Langrognet