C’est un véritable globe-trotter dans le monde du cyclisme français. Entré chez les professionnels grâce à un sponsor japonais, il est ensuite passé de l’autre côté de la barrière en s’occupant de coureurs du Pays du Soleil Levant, avant d’être missionné en Chine et aux Bermudes, puis d’entamer une carrière de directeur sportif dans sa région natale, avant de franchir bien vite les frontières hexagonales pour s’exiler ici et là, en Suisse, au Danemark, en Italie ou encore à Bahreïn, puis de revenir au bercail sous la coupe de Marc Madiot. Multicompétent et polyglotte, il apporte ainsi à la structure française une expérience de l’international fort enrichissante, en plus d’une approche essentiellement humaine qui a fait sa réputation. Loin des itinéraires tout tracés de coureur à directeur sportif d’existences rectilignes, ce viennois a dû faire le tour du monde pour trouver sa voie. Portrait d’un homme brillant au parcours étonnant, portrait de Philippe Mauduit.Philippe Mauduit en 2014 | © Vélo 101
Son Parcours :
Drôle de vie que celle de Philippe Mauduit. Mais si ce mignanxois aurait pu actuellement occuper un poste de professeur de carrosserie en lycée professionnel, sa passion inépuisable du cyclisme l’y a fait revenir, à l’heure où il pensait s’en détourner. En effet, le natif de Tours est biberonné dès le plus jeune âge par la Petite Reine. Issu d’une famille de coureurs, il est encore allaité lorsqu’il est amené et baladé sur les courses régionales. Ainsi imprégné, il garde alors pour l’éternité ce lien presque maternel avec le vélo, même si leur relation n’est pas exempte de tumultes. D’ailleurs, sous l’autorité paternelle, Philippe Mauduit garde une certaine distance avec sa bicyclette durant son enfance, à cause du prétendu danger des deux roues, et se lance plutôt dans l’athlétisme, qui ne lui apporte plus de blessures que de joie. Le cap de la majorité à peine franchi, il décide enfin de sauter le pas et d’enfourcher sa machine, pour son plus grand plaisir. Débarrassé de ses pépins physiques en série, le français se découvre même des talents cachés, vraisemblablement héréditaires de la ligné Mauduit. S’il n’a pas connu la longue ascension des catégories de jeunesse, il ne tarde pas en revanche à grimper dans le monde amateur, passant du local VC la Riche au reconnu VC Roubaix, passé aujourd’hui sous statut professionnel. Exilé dans le nord mais conservant fièrement ses racines viennoises, il est ensuite appelé par la sélection du Poitou-Charentes pour arpenter le calendrier amateur sous le maillot régional. C’est alors qu’il croise la route de Jean-René Bernaudeau, et rejoint en voisin le naissant Vendée U, devenu aujourd’hui l’antichambre du Team Total Direct-Energie. Un an plus tard, c’est dans le Puy-de-Dôme qu’il poursuit sa route en DN1 sous le maillot du VC Aulnat 63. Vivant uniquement de sa passion depuis son passage par Roubaix, entre primes de courses et petit salaire, Philippe Mauduit voit cependant la chance inespérée de passer professionnel se présenter à lui. En effet, les chaussures Besson, sponsor du club auvergnat, s’associent au début de l’année 1999 à la société japonaise Nippon-Hoddo pour créer une équipe professionnelle promotionnelle, en vertu du principe institué par Daniel Baal, président de la FFC, en 1993. Si cette mesure a permis d’inscrire durablement la formation Auber 93 dans l’élite, elle a aussi eu pour conséquence majeure de favoriser l’apparition de structures éphémères, rendant les carrières de nombreux professionnels précaires. Philippe Mauduit en fait effectivement l’objet.Philippe Mauduit sous le maillot de la sélection du Poitou-Charentes | © Le Site du Cyclisme
Ainsi promu au sommet de la hiérarchie du cyclisme, cette aventure fait en réalité davantage office de parenthèse que de carrière. La trentaine passée, le viennois ne voit pas son contrat se poursuivre l’année suivante, et son équipe retournera intégralement chez les amateurs dès la fin de la saison 2000. Lassé du vélo après tant d’années à arpenter les pelotons, Philippe Mauduit pense un temps retourner à sa profession d’avant, auprès des apprentis en carrosserie, mais saisit finalement une formidable opportunité proposée par Nippon-Hoddo. En effet, avec le soutien du sponsor japonais, le mignanxois monte sur ses terres poitevines une pépinière japonaise, à l’esprit familial et à l’envergure modeste, où il partage son domicile avec ses coureurs, également étudiants à l’université de Poitiers. Ainsi pionnier du cyclisme nippon, qui jouit aujourd’hui d’une structure en division Continentale, le viennois voit ressurgir de cette expérience la plénitude de son amour pour la Petite Reine.
La réussite de ses prestations en tant qu’entraîneur tapent alors dans l’œil de Lucien Bailly, directeur du Centre Mondial du Cyclisme, qui lui propose une mission en Chine. S’exilant dès lors en Asie pour y officier en tant qu’entraîneur d’endurance, dans ce pays où le cyclisme est encore un sport naissant, Philippe Mauduit traverse pourtant le globe quelques mois plus tard pour gagner les Caraïbes, fuyant une épidémie de grippe aviaire. De la Chine aux Bermudes, le poitevin devient ainsi une figure du développement du vélo dans des contrées où il en est encore à ses balbutiements, et participe à la mondialisation du cyclisme, à une époque où le Tour est marqué par l’hégémonie américaine de l’US Postal.
Après un retour en Chine conclu de façon précipitée et brutale pour des dissensions de salaire, Philippe Mauduit retrouve Jean-René Bernaudeau et le Vendée U, où il découvre la fonction de directeur sportif. Satisfaisant rapidement le manager vendéen, il rejoint en 2006 l’équipe professionnelle associée, les bleus et blancs de Bouygues Télécom, cheminant alors sur les courses les plus prestigieuses du calendrier international, à l’instar du Tour de France, auquel la formation française participe chaque année, et y remporte même ses trois premières victoires d’étapes sous la houlette du poitevin. Mais la France devient vite trop petite pour l’originaire de Saint-Etienne-de-Chigny, et le voilà à nouveau reparti à l’étranger, d’abord aux côtés de la formation suisse à connotation espagnole, Cervélo Test, où il dirige notamment Carlos Sastre ou Thor Hushovd, puis traverse la frontière danoise pour rejoindre l’équipe Saxo-Bank Tinkoff, où son arrivée concorde avec celle d’Alberto Contador. Si ces années scandinaves lu permettent de côtoyer de grands champions du sport cycliste, l’ingérence croissante du sulfureux magnat russe Oleg Tinkoff le convainc de démissionner, pour avoir fait passer l’argent et le succès avant l’humain. A l’hiver 2015, Philippe Mauduit trimballe avec son paquetage fourmillant d’expériences diverses et variées du côté transalpin, en devenant directeur sportif de la vieille Lampre, comptant notamment dans ses rangs l’ex-champion du monde, Rui Costa. Heureux dans cette aventure, aux résultats cependant modestes, le viennois fuit chez Bahrain-Merida lorsque la formation italienne passe sous pavillon émirati. Participant pour la première fois au lancement d’un projet, centré autour de Vincenzo Nibali, il déchante pourtant vite, résiliant son contrat au bout d’une saison. Son retour chez UAE-Emirates (ex-Lampre) n’est pas plus enchanteur, et Philippe Mauduit finit par retourner au bercail en 2019, du côté de la Groupama-FDJ.
Son statut aujourd’hui :Philippe Mauduit aux côtés du staff de la Groupama-FDJ | © Equipe cycliste Groupama-FDJ
En contact avec Marc Madiot depuis plusieurs années, le poitevin a ainsi cédé aux charmes de l’aventure tricolore, dans une formation aux sponsors fidèles, et au projet prometteur. D’ailleurs, dès sa première saison dans cette formation totem du cyclisme français, Philippe Mauduit a pu entrer au cœur de l’humain, en suivant les aventures de Thibaut Pinot, entre immenses exploits et grandes désillusions. Auprès de ce champion hors-normes, mais aussi à la simplicité et à l’humilité reconnue, le directeur sportif a ainsi pu tutoyer le toit du Tour tout en mettant largement en application ses principes philanthropes.
En outre, du côté de la Groupama-FDJ, son arrivée va de pair avec la montée en puissance de l’équipe et de ses leaders, autour d’une conquête de la Grande Boucle murie depuis plusieurs années, cumulée aux progrès sur les classiques des jeunes David Gaudu et Valentin Madouas. Fort de son expérience internationale, Philippe Mauduit est par conséquent à la mesure du standing grandissant de la formation française, ayant effectivement les épaules d’un directeur sportif jouant les avant-postes sur les épreuves du World Tour. S’il y perd légèrement du côté de son goût pour l’étranger, le poitevin gagne en revanche à s’engager en faveur de la continuité et de la confiance en l’avenir, accompagnant de plus ou moins jeunes leaders vers l’éclosion, la révélation, voire la consécration.