Précédemment dans cette rubrique des 101 qui font le cyclisme français, Titouan Carod a eu droit à son portrait. Ce jeudi, c’est au tour de son compatriote et coéquipier au sein du Team Absolute Absalon. Incarnant également la génération dorée de jeunes vététiste tricolores découvrant le circuit élite international, il est parvenu à se faire une place sur les divers championnats et coupe du monde, au point de s’inviter régulièrement dans le top 5 du gratin mondial, à quelques longueurs seulement de l’exceptionnel Nino Shurter ou du surdoué Mathieu Van der Poel. Triple champion du monde du relai mixte, il a d’ailleurs ajouté sa pierre au splendide édifice de la force collective française, régnant sur la discipline en véritable pépinière de jeunes talents. Meilleur pilote tricolore de l’édition 2019 de la Coupe du Monde de Cross-Country, il représente peut-être les meilleures chances nationales de revenir au sommet de la hiérarchie planétaire, quatre ans après le dernier triomphe de Julien Absalon. Alors que le gargantuesque suisse commence doucement à vieillir, que le hollandais volant approche de l’heure du choix entre route, cyclo-cross et VTT, l’heure de gloire de ce stéphanois s’apprête possiblement à sonner. Voici donc son portrait, celui de Jordan Sarrou.Jordan Sarrou | © Jordan Sarrou
Son parcours :
Il y a un fort lien entre les biographies de Jean-Christophe Péraud, esquissée sur nos pages mardi, et celle de Jordan Sarrou. En effet, si leurs parcours sont divers et leurs choix loin d’être communs, les deux hommes ont toujours mis leurs études au même niveau que leur cursus de sportif de haut niveau. Cette décision, celle de la maturité et de la sagesse, a également celle de la persévérance et du courage, dans une société où les efforts requis impliquent généralement une spécialisation.
Ainsi, en 2012, à l’heure où il devient champion de France espoir de cross-country et tutoie déjà les sommets mondiaux du relai mixte, le forézien occupe ses journées sur les bancs de l’université de Besançon, où il suit une licence de STAPS. Logique, à la vue de sa carrière de pilote naissante. Pris sous l’aile du pôle France, couvant avec affection et excellence l’avenir olympique de la nation, le ligérien en est encore aux balbutiements de ses choix de carrière, entre route et chemins, entre sport et commerce, mais il s’affirme déjà comme une éventuelle relève du légendaire Julien Absalon.Jordan Sarrou en 2012 | © Vélo 101
Dans cet élan prodigieux, 2013 est d’ailleurs l’année de la confirmation pour l’espoir du VTT français. Après un début de saison compliqué, le stéphanois renaît lors des championnats d’Europe à Berne. Désireux de prendre sa revanche personnelle sur ses soucis de forme et ses ennuis mécanique, il s’affiche comme littéralement déchaîné sur les collines suisses encore humides de rosée matinale. S’emparant de la tête de la course dès les premières minutes, il impose alors un rythme infernal, voire insupportable pour ses concurrents, lâchant un à un. Résistant à leur retour dans le final, il s’adjuge au passage de la ligne le merveilleux maillot étoilé, de quoi mettre des paillettes dans les yeux des suiveurs du cross-country tricolore. Également cinquième de la coupe du monde espoir et vainqueur d’une manche cette même année, le ligérien s’attire les doux regards du Team KMC Ekoï SR Suntour, avec qui il signe son premier contrat professionnel, aux côtés de ses prometteurs compatriotes : Maxime Marotte et Stéphane Tempier.
En 2014, le crack explose sous ses nouvelles couleurs, égayé par son nouveau statut. Régnant en empereur sur la Coupe du Monde Espoirs en accaparant la position du leader et en enlevant pas moins de cinq manches, il réussit également de flamboyants championnats d’Europe, renouvelant son union avec le maillot étoilé tout en ajoutant à son palmarès un premier titre continental en relais mixte, exploit qu’il renouvelle quelques mois plus tard à l’échelle planétaire. Surtout, il entre selon les mots de notre site « dans la légende » du VTT français, en s’inscrivant dans les prestigieux pas de Miguel Martinez, en remportant le Ric d’Azur du haut de ses 21 ans. S’envolant dès les premiers kilomètres d’épreuves en compagnie de son coéquipier Stéphane Tempier, le coureur du Team KMC profite des mésaventures de Julien Absalon et de Miguel Martinez pour s’offrir le plaisir d’une arrivée en solitaire au Bougnon, pluie de confettis à la clé. Nul doute alors, la relève arrive !Jordan Sarrou lors de son premier succès sur le Roc d’Azur en 2014 | © Vélo 101
2015 est la saison de la découverte de l’élite mondiale, avec une rétrogradation à une anecdotique 26e place du classement général de la Coupe du Monde, inscrite dans le cycle logique du franchissement des différentes catégories. A nouveau médaillé d’or aux championnats du monde de relais mixte, le forézien poursuit avec succès son apprentissage à très haut niveau, sur la planète des champions. D’ailleurs, l’ascension est fulgurante puisqu’il ne lui faut qu’un an au sein de la catégorie suprême du cross-country pour intégrer le top 10 du classement final de la Coupe du Monde, dernier maillon des armadas helvétiques et françaises trustant les premières places. Encore couronné en relais mixte à l’échelle internationale, il profite notamment de son association avec Pauline Ferrand-Prévot et Victor Koretzky pour planer sur la discipline, devenant par ce fait le recordman de victoires mondiales dans cette épreuve. Recordman, il ne l’est pas encore sur le Roc d’Azur mais il s’en rapproche. Extrêmement déçu de ne pas avoir été sélectionné pour les Jeux Olympiques, Jordan Sarrou ne s’est cependant pas démobilisé en fin d’année. A nouveau échappé en compagnie de Stéphane Tempier, le stéphanois parvient à se défaire de son ancien acolyte pour franchir une deuxième fois en trois ans la ligne d’arrivée avec le point rageur. Le tout, s’il vous plaît, en intégrant la reconnue Ecole de Management de Grenoble, après trois années effectuées sur les bancs de l’INSEEC.
Hissé au sein du top 5 mondial en 2017, le stéphanois confirme sa place au sein du gratin de la discipline. En dépit d’une année 2018 plus compliquée, Jordan Sarrou parvient à rejoindre l’écurie naissante de son mythique aîné, le Team Absolute Absalon, sous les couleurs duquel il officie en tant qu’unique pilote élite. Excité par l’aventure et motivé par sa stature de leader dans le projet du double champion olympique, le stéphanois parvient à se remobiliser durant l’hiver et à rebondir dès l’ouverture de la coupe du monde 2019 à Albstadt, où il monte sur la troisième marche du podium, derrière les intouchables Nino Shurter et Mathieu Van der Poel. Régulier tout au long de la saison, il emmagasine les accessits, tel un podium sur les championnats de France ou une médaille de bronze lors des mondiaux de relais mixte. Surtout, cette année du renouveau est couronnée de succès par l’égalisation du record de Miguel Martinez au panthéon du Roc d’Azur. Sur les sentiers provençaux, le ligérien a cette fois fait parler sa pointe de vitesse pour régler au sprint l’Estonien Peeter Pruuss et le champion de France Victor Koretzky, afin de franchir pour la troisième fois dans sa jeune carrière la pluie de confettis en premier. Jordan Sarrou sous le maillot du Team Absolute Absalon | © Jordan Sarrou
Son statut aujourd’hui :
Désormais, c’est avec son compatriote Titouan Carod ainsi qu’avec le Suisse Filippo Colombo que Jordan Sarrou va devoir partager le leadership élite du Team Absolute Absalon. Mais surtout, c’est avec davantage d’assurance et plus de confort que le français va pouvoir s’élancer dans cette année olympique, avec l’objectif d’éviter la désillusion de 2016. Si les prouesses de Nino Shurter ou de Mathieu Van der Poel rendent difficilement envisageable la médaille d’or, le podium reste en revanche tout à fait envisageable pour le coureur de 27 ans. Mûri par l’âge, affermi par l’expérience, cette saison 2020 pourrait d’ailleurs bien être celle de l’explosion au sein du peloton d’outsiders, se dégageant ainsi un leadership national. Avec le cumul des Jeux Olympiques et des Championnats du Monde, le mois d’août prochain s’annonce décidément clé pour Jordan Sarrou.
Par Jean-Guillaume Langrognet