Dans le monde du cyclisme amateur comme professionnel, ils constituent une masse anonyme incontournable. Lorsque les champions franchissent la ligne et que le grand cirque de la course replie petit à petit son chapiteau, leurs petites mains s’affairent à soigner, réparer et bichonner les vélos jusqu’au départ du lendemain. Absolument indispensables, ils parcourent des milliers de kilomètres chaque année pour suivre leurs coureurs par-delà des frontières, veillant dans l’ombre sur leur confort matériel, dans une nouvelle ère du cyclisme moderne où les gains marginaux sont devenus fondamentaux. Ajustant les hauteurs des selles, l’inclinaison des guidons ou encore la pression des pneus avec une précision méticuleuse, ils transforment peu à peu leurs équipes en de véritables écuries de Formule 1, où chaque détail peut faire la différence. A leur poste à l’heure des réglages des nouvelles machines en décembre à celle de leur vente en octobre, ils font intrinsèquement partie de la vie de leur formation, rappelant ainsi que si le vélo est évidemment une discipline physique, c’est également un sport mécanique. Cet article a dès lors pour objectif de leur octroyer quelques rayons de lumière du projecteur médiatique, comme Vélo 101 a coutume de le faire régulièrement. Ainsi, s’il s’agit du portrait de Jérôme Kowalski, mécanicien au sein de l’équipe cycliste continentale Natura4Ever-Roubaix-Lille Métropole, la description de son profil a aussi vocation à représenter l’ensemble des mécaniciens du monde de la Petite Reine.Jérôme Kowalski en action | © Equipe Natura4ever Roubaix-Lille Métropole
Son parcours :
Comme beaucoup d’enfants à son époque, Jérôme Kowalski aurait pu rêver de ballons ronds, s’élancer avec enthousiasme sur des terrains de gazons en quête de dribles et de buts. Pourtant, ce sont les roues qui suscitent son attention, plus précisément lorsqu’elles sont alignées par deux. Rapidement fanatique de moto, ce nordiste se découvre également un penchant pour son cousin à pédales, le vélo. Abreuvé d’images télévisuelles et de récits épiques des exploits de Laurent Fignon durant son enfance, il prolonge sa passion dans les années 1990 en supportant Laurent Jalabert dans ses sprints endiablés.
Désireux de mettre ses talents manuels au cœur de son métier et de faire de sa passion une profession, Jérôme Kowalski se lance dans un cursus court débouchant rapidement sur une entrée dans la vie active, diplôme de mécanicien dans la poche de la salopette. Cependant, le monde du travail constitue pour le jeune adulte la meilleure formation possible. Ayant peu travaillé sur des bicyclettes avant son premier emploi, il profite de ses premiers contrats dans des magasins de cycles du Nord-Pas-de-Calais pour parfaire sa connaissance et sa maîtrise de la mécanique du vélo. Là, il découvre les collaborations avec les équipes cyclistes, avec qui il collabore de temps à autres en s’occupant de leur équipement. Puis il se décide à passer le pas. Satisfaisant par la qualité de sa main d’œuvre, il s’engage auprès d’écuries amateures pour les suivre tout au long du calendrier saisonnier, sur des épreuves françaises comme européennes, s’afférant constamment à la préparation et à l’entretien des machines.
Progressivement, le nordiste goûte à la singularité de ce monde et à l’ambiance spécifique des compétitions, jusqu’à ne plus vouloir la quitter. Appréciant la relation avec les coureurs, l’atmosphère des courses mais aussi l’aventure humaine que constitue chaque saison, il s’engage sur le long terme dans cette fonction. Officiant d’abord pour des formations de Division Nationale Amateur de Dunkerque ou de Roubaix, il s’engage à l’aube du XXIe siècle au sein du Vélo Club de Roubaix-Lille Métropole, dont il ne s’est encore jamais séparé. C’est avec le mythique club roubaisien, ayant notamment compté dans ses rangs l’irlandais Stephen Roche ou le français Cédric Vasseur, que le nordiste va franchir le seuil du monde professionnel. En effet, lorsque Cyrille Guimard lance en 2007 le Team Roubaix-Lille Métropole, Jérôme Kowalski l’accompagne volontiers dans son aventure, 22 ans après la cession d’activité de l’équipe La Redoute, également issue du Vélo Club de Roubaix. Il y côtoie alors une petite bande de jeunes coureurs professionnels prometteurs, luttant avec leurs forces contre les grosses cylindrées, tenant constamment de déjouer les pronostics. Ainsi, Jérôme Kowalski voit défiler au cours des années Jérôme Pineau, Steven Tronet ou encore Rudy Barbier, tous trois appelés vers de plus hautes sphères dans la suite dans leur carrière, mais aussi des dizaines de talentueux amateurs peinant à confirmer lors de leur passage dans les rangs professionnels, et retournant parcourir les épreuves de DNA aussi rapidement qu’ils les avaient quittés.
Cette proximité avec les cyclistes, Jérôme Kowalski a conscience qu’elle est une chance et un luxe. En effet, quand les formations du World Tour comptent une trentaine de coureurs, lui n’a affaire qu’à une dizaine d’hommes, rentrant d’autant plus vite à l’hôtel qu’ils sont oubliés par les micros et les caméras. Alors dans cette petite famille cycliste où la proximité est plus forte qu’ailleurs, le nordiste se sent chez lui, dans un environnement confortable, au point de ne toujours pas ressentir la moindre lassitude, même après 19 ans de bons et loyaux services.Jérôme Kowalski en action 2 | © Equipe Natura4ever Roubaix-Lille Métropole
Son statut aujourd’hui :
Ainsi la vie de Jérôme Kowalski est celle d’un homme comblé de bonheur, mais aussi d’une personne à l’existence animée et chargée de travail. En déplacement plus de 200 jours par an sur les courses du continent, son attachement à sa formation le contraint aussi à s’éloigner trop fréquemment de ses proches et de ses amis, retrouvant sa famille de cyclistes pour délaisser celle de son foyer. Ainsi les années sont longues hors de son domicile, du montage des vélos lors des stages hivernaux à leur vente d’occasion au mois d’octobre, en passant par leur entretien perpétuel au cours de la saison.
Son quotidien est aussi celui de centaines de collègues et de confrères dans l’ensemble des équipes cyclistes du monde, de la route au cyclo-cross, du World Tour aux divisions amateures. Cette vie, passée à parcourir les routes du monde en assistance de ses coureurs, est partagée par de nombreux Hommes que l’amour pour la Petite Reine et sa mécanique conduit à faire passer parfois les affaires professionnelles avant les relations familiales et amicales. Ils sont l’essence même de la course cycliste et de ses perpétuels progrès matériels, agissant de manière désintéressée comme de véritables serviteurs de leur passion. Jérôme Kowalski en est ici l’exemple, mais son cas est loin d’être isolé. Toutefois, le nordiste n’a pas tout à fait été choisi au hasard. En effet, s’il consacre l’essentiel de son temps à ses activités de mécanicien, ses responsabilités dans le service course de l’équipe Natura4Ever-Roubaix-Lille Métropole lui confient également la gestion du stock des pièces détachées, la relation technique avec les partenaires techniques ou encore l’entretien du camion-atelier. Ainsi, au-delà de ses manœuvres de réparation des vélos, il est un véritable maillon essentiel de l’équipe, l’un de ses hommes forts, tel un leader de l’ombre.
Par Jean-Guillaume Langrognet