C’est avant tout le médecin d’une grande famille, celui de la trentaine de coureurs composant l’effectif de la Groupama-FDJ. Proche de chacun, respecté pour son expérience et ses qualifications, il exerce sur les hommes de Marc Madiot ce rôle de sage paternel veillant à leur éthique de vie tout en les accompagnant au sommet de la performance. Tout au long de l’année, il s’attache en effet à prêter attention au moindre signe viral, aux moindres symptômes grippaux, à la moindre douleur précurseuse d’une blessure plus grave. Les saisons des cyclistes professionnels sont généralement centrées sur une poignée de rendez-vous, voire sur l’unique Tour de France pour certains. Être fatigué, malade ou blessé le jour J annihile l’ensemble des efforts d’un an, et a tendance à laisser à l’avenir des traces dans l’esprit, décourageant les coureurs de mener cette vie de sacrifices. Les dires de Thibaut Pinot à la suite de son abandon sur la dernière Grande Boucle en sont la preuve. A ce titre, Dans un article publié par Slate le 23 juillet 2019, intitulé « S’ils ne sont plus dopés, pourquoi les coureurs du Tour de France roulent-ils toujours aussi vite ? », Frédéric Grappe expliquait qu’entre les années 90 et aujourd’hui, l’entraînement avait progressivement remplacé les substances illicites chez les coureurs, pour parvenir finalement à des performances similaires. Mais le directeur de la performance de la Groupama-FDJ oubliait en revanche de citer tous les gains marginaux annexes, tels l’importance croissante diététique ainsi que la multiplication des moyens de récupération, opérant dès lors une scientifisation inédite de ce sport. En introduisant dans le cyclisme français des procédés révolutionnaires, Jacky Maillot a de ce fait contribué à le faire grandir, jusqu’à ce que son poulain franc-comtois frôle une cime qu’un français n’avait plus tutoyé depuis Bernard Hinault. Ainsi, ce mardi, portrait d’un personnage fondamental de la Groupama-FDJ, et référent de la médecine sportive dans le milieu du cyclisme tricolore, portrait de Jacky Maillot.
Son parcours :
Naturellement sportif, adepte de l’effort physique, Jacky Maillot fait une drôle d’entrée dans le monde du cyclisme français. En effet, le 26 novembre 1988, alors qu’il n’est qu’interne en gynécologie à l’hôpital de Montbéliard, complétant son cursus de médecine, le franc-comtois s’occupe de la mise au monde d’un certain Arthur Vichot. De cette manière, il change alors sans s’en apercevoir le cours de l’histoire du cyclisme français, en attribuant au nouveau-né le maillot tricolore de la saison 2013, puis celui des championnats de France de Vesoul, en 2016. Progressivement, en dépit de liens d’amitiés entre les familles, les parcours des deux hommes divergent et se perdent de vue. En effet, Jacky Maillot obtient brillamment un poste à la Pitié Salpêtrière en médecine du sport, l’éloignant de sa région natale, avant d’y revenir quelques années plus tard pour y installer son propre cabinet, à quelques kilomètres de Melisey.
C’est là que le destin insiste, et que le cyclisme professionnel vient frapper une seconde fois à sa porte. Cette fois, c’est Thibaut Pinot qui a recours à ses services, recherchant un médecin du sport pour l’accompagner dans sa prodigieuse ascension des catégories de jeunes. Rapidement, une relation complice et amicale se noue alors entre les deux voisins, et les exploits du haut-saônois propulsent malgré-lui Jacky Maillot dans le monde professionnel, et ce de manière définitive.
En effet, le praticien s’engage en parallèle du côté du Team Cofidis, pour accompagner de temps à autre la formation nordiste sur les épreuves auxquelles elle participe, et veiller ainsi à la santé des coureurs. Cependant, il conserve son cabinet jusqu’en 2015, date à laquelle une formidable promotion l’envoie à temps plein du côté de la FDJ. Effectivement, pour son lien avec Thibaut Pinot et Arthur Vichot, conscient du lien intime qui les unit, mais aussi et surtout pour la qualité de ses services et ses méthodes pionnières, le franc-comtois est recruté en tant que directeur médical par Marc Madiot. Le début d’une avancée spectaculaire de la médecine sportive dans le cyclisme français.
Sa vie aujourd’hui :
En effet, Jacky Maillot ne tarde pas à imposer sa patte innovante et perfectionniste au sein de l’équipe tricolore. S’il officie 140 jours par an sur les courses internationales pour garder un contact avec la pratique et forger des liens avec les coureurs, son travail se tient également à Besançon, où il assure le suivi médical de l’effectif. Là, il a développé deux axes, l’éthique et la diététique, et s’appuie sur deux hommes forts : Denis Riché et Marc Retali. Si le premier intervient en réponse à l’abandon de Thibaut Pinot sur le Tour 2013, malade à cause d’une nutrition négligée, le second s’attache à fendre les corps dans l’air, pour métamorphoser les coureurs en véritables petits bolides sur leurs bicyclettes. L’incroyable succès du morgelot sur le chrono du Tour de Romandie 2016 en a d’ailleurs marqué l’aboutissement, surclassant ce jour-là avec fracas Tom Dumoulin et Chris Froome, pourtant maîtres en l’exercice.Benoît Drujon, hygiéniste, est même chargé de nettoyer la climatisation du bus de la Groupama-FDJ | © Groupama-FDJ
En outre, alors que le champion de la Groupama-FDJ a la santé fragile, accumulant et multipliant les pépins physiques au cours de sa carrière comme personne, Jacky Maillot s’est acharné à tout mettre en œuvre pour que son talent dépasse enfin ses faiblesses. S’il a notamment introduit en France les récupérations dans des bains d’eau froide (environ 12°C), son dernier fait d’arme égale le Team INEOS avec Christopher Froome. En effet, le franc-comtois a mis au point une étude du sommeil de son leader, et est allé jusqu’à prendre entièrement en main des chambres d’hôtel, de leur désinfection totale à l’installation systématique d’un matelas adapté à la morphologie de Thibaut Pinot. En clair, il s’agit pour Jacky Maillot d’optimiser le temps de récupération entre deux étapes, pour que les petites différences d’une nuit deviennent des écarts de fraîcheur significatifs dans les dernières journées décisives. Et ça, personne ne l’avait fait aussi minutieusement que lui.
Par Jean-Guillaume Langrognet