Son nom rappelle tristement celui d’un célèbre basketteur accidentellement décédé au cours du mois de janvier, mais les parcours des deux hommes ne se rapprochent que par leur investissement dans le sport. L’un est une star internationale réputée pour ses prouesses sous le maillot des Lakers, l’autre est un fondu du vélo anonyme gérant discrètement un fabriquant historique d’équipements et de matériels cyclistes. Deuxième étranger à pénétrer dans cette rubrique des 101 personnes qui font le cyclisme français après Federico Musi (Look), lui vient du Royaume-Uni, comme semble déjà l’indiquer son patronyme aux consonnances anglophones. Fidèle du groupe Amer, numéro un mondial du matériel de sport, il est depuis 2017 à la tête de Mavic, enseigne bien connue dans le paysage du vélo tricolore. S’il s’agira évidemment d’évoquer la situation actuelle de l’équipementier savoyard, cet article est tout d’abord consacré à son manager général, Gary Bryant.
Son parcours :
Si Gary Bryant a fait carrière dans le commerce, il a été tout près de prendre la voie du vélo. En effet, fan absolu et pratiquant assidu de cyclisme, le grand-breton a fait halte quelques année en petite Bretagne pour vivre sa passion à bon train, à haut-niveau amateur. Si la transformation n’a jamais été conclue, l’essai est resté gravé dans son coeur, et le britannique continue de chevaucher fréquemment sa machine pour se défouler sur son pédalier, la contrainte des résultats en moins.
Ainsi, Gary Bryant est un ancien de chez Amer, un loyal du groupe finlandais. En effet, employé depuis 2004 de l’entreprise basée à Helsinki, le britannique débute dans les vêtements et équipements de sports de montagne, au sein de la société canadienne Arc’teryx. Officiant d’abord en tant que responsable de la corporation sur le continent européen, Gary Bryant est nommé en 2007 responsable des ventes, découvrant ainsi les postes décisifs dans leur diversité. A ce titre, fort d’une bonne gestion des activités commerciales et satisfaisant par ses résultats, il est promu vice-président de la branche produits & merchandising en 2011, s’installant alors à Vancouver.
La transition vers le monde du cyclisme a alors lieu en septembre 2017. S’il est toujours question de montagne, le britannique passe des saisons hivernales aux températures estivales, rendant la route aux coureurs désireux de se mesurer aux pentes des massifs. En effet, la société française Mavic appartenant depuis 2005 au groupe Amer, les transferts sont facilités entre les différentes filiales. Alors, quand le directeur général de l’équipementier de cycles, Bernaud Millaud, est sur le départ, Gary Bryant est appelé à la rescousse pour le remplacer. C’est Heikki Takala, le grand patron d’Amer, qui a tenu à cela. Désireux de récompenser la contribution du britannique au succès d’Arc’teryx, le finlandais joue alors la carte familiale en offrant aux talents de Gay Bryant un nouveau défi au sein du groupe, fort d’un niveau de responsabilité inédit jusque là dans sa carrière.
D’ailleurs, s’il subissait encore des ingérences de sa hiérarchie dans ses fonctions de direction de la société française, plus ou moins rattachée financièrement à Amer, le rachat de Mavic par le groupe d’investissement américain Regent LP à l’été 2019 renforce le pouvoir d’action de l’anglais. Désormais lancé dans une marche vers une large autonomie, Gary Bryant va tout d’abord devoir mener une véritable scission avec Salomon, autre filiale d’Amer et partenaire historique de l’enseigne jaune et noire, cohabitant actuellement avec l’équipementier de cycles dans leurs installations d’Annecy, réunissant environ 200 des 250 employés de l’entreprise. Revenue, selon les dires de son directeur général, à une forme de « start-up » – l’histoire en plus – Mavic s’apprête ainsi à retrouver son indépendance d’antan, perdue en 1994, sous les rênes de son leader britannique. Et les challenges accompagnant ce défi s’annoncent terriblement excitants pour ce dernier, à la carrière encore relativement jeune.
Son statut aujourd’hui :
Cependant, cette autonomie retrouvée doit s’accompagner d’investissement financiers pour faire grandir Mavic, et placer enfin la marque dans le gotha des équipementiers de cycles. En effet, si celle-ci a régulièrement peiné économiquement face à ses concurrents, enregistrant même une perte de 181 300€ sur l’exercice 2018, elle occupe une place prépondérante dans l’histoire de l’innovation cycliste, en faisant souvent figure de pionnier dans l’invention d’éléments révolutionnaires sur les byciclettes. A ce titre, l’impossibilité budgétaire de poursuivre la mise au point des dérailleurs électriques constitue l’un des plus grands regrets pour l’entreprise savoyarde. Effectivement, alors que le processus de R&D de ce mécanisme aujourd’hui commun dans le peloton a dû être interrompu pour des raisons financières après l’invention de premiers prototypes intéressants, Mavic a ensuite vu ses concurrents imposer leurs modèles sur le marché quelques années plus tard, raflant ainsi les bénéfices de l’innovation. Par conséquent, l’histoire de Mavic rappelle tristement que dans le monde du commerce, les idées ne suffisent pas toujours sans argent.
Côté sponsoring, alors que Mavic a remporté le Tour de France 1989 avec Greg Lemond, la société continue d’entretenir des partenariats avec des équipes de haut-niveau, comme Katusha, Garmin-Sharp et Liquigas-Cannondale au début des années 2010, ou encore AG2R La Mondiale actuellement. De plus, l’équipementier fait également figure d’assistance neutre sur les épreuves ASO tout au long de la saison, du Tour d’Oman en février à Paris-Tours en octobre en passant par l’incontournable Grande Boucle. En effet, présent depuis 42 ans sur les routes de la Ronde de Juillet, Mavic a permis à l’assistance neutre de connaître un développement d’une envergure majeure, en accord avec les évolutions du cyclisme moderne. Alors que l’épisode du Ventoux 2016, celui de la fameuse course à pied de Chris Froome vers le Chalet-Reynard, avait montré les failles d’un système qui ne s’adaptait pas aux cales des chaussures des coureurs, les vélos ont depuis été revus pour impressionner par leur adaptabilité. Dotés de tiges de selle télescopiques, les vélos Mavic peuvent désormais s’ajuster facilement aux différentes tailles des coureurs. De surcroît, grâce à une collaboration étroite avec l’ensemble des équipes du peloton, Mavic est passé d’un matériel standardisé à une forme de sur-mesure, prête à répondre aux besoins de n’importe quelle équipe. Et surtout, les voitures jaunes et noires transportent des mécaniciens au plus près des compétiteurs, prêts à les assister en cas de pépin technique, comme ce fut le cas en 2017 dans la descente du Mont du Chat, où un assistant Mavic a réussi à remettre correctement la patte du dérailleur de Rigoberto Uran, quelques kilomètres seulement avant que le colombien ne lève les bras à Chambéry.Les voitures d’assistance neutre de Mavic sur le Tour de France | © Vélo 101
Ainsi, en 42 ans de bons et loyaux services, les vélos jaunes ont fait l’histoire de la Grande Boucle, et ont connu nombres d’anecdotes. De quoi faire de Mavic un acteur majeur du Tour, mais aussi de la Petite Reine dans son ensemble.
Par Jean-Guillaume Langrognet