C’est l’histoire d’un homme modeste, simple et passionné, celle d’un personnage reconnu pour sa fidelité et sa discrétion. Coureur à la propreté irréprochable sous l’ère Armstrong, il a su préserver son honnêteté inviolée pour ne pas céder à la tentation, celle de pouvoir rendre les choses plus faciles, de gagner plus et plus vite, d’accéder aux sommets plutôt que de rester dans l’ombre du peloton, dans l’anonymat des classements. A l’heure où les affaires éclataient en masses, où des équipes entières voyaient soudainement leurs pratiques illicites être découvertes, où l’authenticité des exploits faisant la beauté du cyclisme était fortement mise à mal, lui résistait, gardant son honneur absolument intact, dans un peloton où regorgeaient des bandes de tricheurs. Sorti admiré de ce périple homérien, où il est parfois irrésistible d’écouter le doux chant des sirènes de la gloire, il a fini par s’illustrer grâce à ses formidables qualités de grimpeurs. Quadruple vainqueur du maillot de meilleur grimpeur sur la Vuelta, il avait fait des pentes abruptes des montagnes espagnoles son terrain de jeu favori. Désormais retraité du monde professionnel et consultant chez Eurosport, il illumine l’audience de ses analyses fines et réfléchies, reflétant la richesse de son expérience. Dans la tonalité de sa voix, défilent à chacune de ses prises de parole les paysages secs des Pyrénées, du Pays Basque ou des Asturies, dont il avait fait son jardin. Portrait d’un drôle homme blanc à pois bleu : David Moncoutié
Son parcours :
Durant son enfance, ce n’étaient pas les Merckx, les Hinault ou les Lemond qui animaient le domicile des Moncoutié, mais bien les coups francs de Michel Platini, les buts de Paolo Rossi ou les prouesses et coups de génie de Diego Maradona. C’est à l’âge de 16 ans qu’une sortie entre amis s’est transformé en véritable élément déclencheur, un de ces instants qui change une vie. Lui, le footballeur en herbe, enfourchant sa vieille bécane, face à une bande de cyclistes amateurs équipés de vélos de courses de la dernière génération, allait se découvrir un fabuleux don ! Dès les premiers tours de pédale lors desquels il s’échappe aisément, il prend conscience qu’il n’est « pas trop mauvais », comme il l’explique d’un air innocent à Vélo, en septembre 2002. Quelques mois plus tard, lorsqu’à peine licencié il remporte la deuxième course à laquelle il participe, il s’aperçoit même qu’il est plutôt bon ! L’histoire de David Moncoutié est alors lancée.
Du ballon rond, il jette désormais son dévolu sur la Petite Reine. Son admiration pour l’équipe de France en Coupe du Monde se transmet aux exploits de Luis Herrera sur la Grande Boucle. Déjà, David Moncoutié possède l’âme du grimpeur. Originaire de Provins, en Seine-et-Marne, il se rapproche d’ailleurs des Pyrénées en rejoignant le club amateur du GSC Blagnac en 1995, à l’âge de 20 ans. Passionné et amusé, il prend à ses débuts la bicyclette comme un jeu, qu’il ne trouve qu’encore plus excitant lorsque la route s’élève. Ainsi, s’il peine à s’affirmer sur la scène internationale, David Moncoutié s’envole dans les massifs français que les pelotons espoirs traversent. Enlevant les 3e et 4e étapes du Tour d’Auvergne en 1996 ou se classant 3e de la réputée Ronde de l’Isard d’Ariège cette même année, il réussit à taper dans l’œil du légendaire Cyrille Guimard, qui finit par venir le voir un contrat à la main. Le Français rejoint dès lors le monde professionnel au sein de la formation Cofidis en 1997. Il ne quittera jamais la formation nordiste.
Pourtant cette forte fidélité est malmenée à plusieurs reprises durant les premières années de sa carrière, les affaires des dopages éclaboussant largement le Team Cofidis. D’ailleurs, quand éclate avec fracas en 2004 l’affaire de dopage éponyme, Philippe Gaumont présente David Moncoutié comme l’un des deux seuls coureurs ayant résisté à l’appel de cette pratique illicite. Dans cette période de troubles dévastateurs, écrivant à l’encre noir les pages les plus sombres du cyclisme français, aux côtés de l’affaire Festina, le francilien n’en ressort que grandi, tel le héros innocent d’une histoire sanglante.
De plus, il parvient à se détacher partiellement de ces évènements perturbateurs pour réussir, en bon grimpeur, une ascension progressive au sein du monde professionnel, au train, sans à-coups ni régressions. Ainsi, après deux années difficiles, il s’affirme peu à peu comme un excellent baroudeur des montagnes en remportant en 1999 son premier bouquet, lors d’une étape s’achevant à la station de Passy Plaine-Joux, après avoir notamment repris une minute en quelques kilomètres à Cédric Vasseur.
A partir de l’an 2000, David Moncoutié découvre les joies du Tour. S’il effectue ses deux premières participations dans un anonymat relatif, acquérant une indispensable maîtrise des Grands Tours, il réalise sa première performance majeure lorsqu’il vient se hisser à la 13e place du classement général en 2002, après une édition qu’il marque par sa régularité dès que la route s’élève.
Pourtant il faut attendre 2004 pour voir s’entamer la légende Moncoutié. Vainqueur d’étape sur la Grande Boucle cette année-là à Figeac, il renouvelle l’opération l’année suivante en s’imposant un 14 juillet, goûtant ainsi à la saveur d’une fête nationale consacrée par un succès tricolore sur l’épreuve reine du cyclisme.
Cependant, l’histoire qui lie David Moncoutié au Tour de France finit par virer au désamour. Trop dangereuse, trop nerveuse, trop peu montagneuse, le francilien finit par lui préférer le Tour d’Espagne. Le coup de foudre est d’ailleurs immédiat. Dès sa première participation en 2008, il y glane une splendide étape de montagne, gardant 34 secondes d’avance à l’arrivée sur Alberto Contador et Alejandro Valverde. Deux semaines plus tard, le maillot de meilleur grimpeur vient accroître sa satisfaction à Madrid. Il l’y conserve durant quatre ans, quatre succès au classement de la montagne, qu’il sublime à chaque fois par un retentissant succès d’étape. Peu à peu, l’Espagne devient son jardin, et la fin de l’été sa période de grâce. Ses échecs répétés aux Tours de France et d’Italie sont systématiquement réconfortés par sa gloire hispanique, où il règne en maître sur des pentes ingrates et abruptes qu’il affectionne tant. Sous la chaleur du soleil espagnol, il multiplie les envolées dans les cimes, garnissant à chaque sommet sa besogne de pois bleus, afin d’en orner son maillot blanc. Peu à peu, David Moncoutié s’inscrit pleinement dans ce paysage d’août, à la végétation desséchée et aux champs arides. Il le peuple de son abnégation à remplir son objectif, éclaboussant au passage le public de ses talents de grimpeurs. Si bien qu’au terme de sa carrière, après un baroud d’honneur sur cette épreuve qui lui a tant apporté, il voit un hommage lui être rendu dans les rues de la capitale madrilène. Preuve que si la Vuelta a fait Moncoutié, Moncoutié a aussi fait la Vuelta. Et elle lui en sera toujours reconnaissante.
Son statut aujourd’hui :
D’ailleurs, David Moncoutié n’a jamais réellement quitté le Tour d’Espagne. S’il n’y participe plus en tant que coureur, il y plonge chaque été des milliers de téléspectateurs grâce à son timbre de voix si particulier, reflétant son calme et son humilité. Tout en conservant cette discrétion qui le caractérise, le francilien a pu progressivement s’affirmer au sein de la chaleureuse équipe des Rois de la Pédale, où règnent l’humour et la bonne humeur. Toujours là pour dispenser de temps en temps une analyse intéressante ou une anecdote croustillante, il complète parfaitement les dires de son collègue Jacky Durand. La relative rareté de sa parole en fait d’ailleurs la valeur, et ses interventions n’en sont rendues que plus marquantes et percutantes. Quelque fois, on retrouve même le coureur qu’il était, avec le plaisir qu’il prend à commenter les ascensions, son goût pour l’offensive ou encore sa maîtrise des stratégies de course.
Finalement, le David Moncoutié commentateur n’est pas bien différent du coureur. Personnage discret, amoureux de la Vuelta, il continue d’embaumer les fans de cyclisme de sa passion pour l’épreuve espagnole, qu’il fait désormais vivre au travers de ses mots, s’inscrivant à merveille sur les déserts d’Andalousie, dans les cités balnéaires ou dans les fameux « repecho », qu’il a marqué de son empreinte pendant de nombreuses années. Et c’est par conséquent avec hâte que nous le retrouverons en cabine d’Eurosport tout au long de la saison 2020 !
Par Jean-Guillaume Langrognet