Politique de profession et cycliste de passion, il est l’homme qui n’a jamais perdu une élection. De la mairie de Sarzeau au sommet de la FFC, de conseiller départemental du Morbihan à président de l’UCI, il enchaîne les postes d’élus à une allure ahurissante, sans jamais que l’échec ne croise sa route. En pleine ascension de carrière, rien ne semble lui résister, quelque soit la position visée. De chef d’entreprise à cycliste amateur de niveau régional en passant par le comité d’organisation du Grand Prix de Plumelec, ce breton n’a cessé de multiplier les engagements pour s’offrir le luxe d’une vision quasi-globale de la planète vélo. Ce dimanche, portrait d’un personnage devenu incontournable au sein des institutions de ce monde merveilleux, portrait de David Lappartient.
Son Parcours :
Avant qu’il n’entame sa riche et longue carrière politique locale et sportive, David Lappartient fut comme beaucoup un étudiant émérite. Possédant déjà un goût acéré pour l’intérêt général, le natif de Pontivy se voit diplômé en 1998 de l’ESTP (Ecole Spéciale des Travaux Publics, du Bâtiment et de l’Industrie) à Paris et découvre le monde professionnel en s’inscrivant dans la lignée de cette formation. Également passé par l’Institut de Géoarchitecture à l’aune du XXIe siècle, il devient rapidement géomètre expert. Cherchant à concrétiser sa passion pour l’entreprenariat, il co-fonde alors le cabinet Géo Bretagne Sud à Vannes. Si David Lappartient a aujourd’hui laissé sa direction à d’autres collaborateurs, il a néanmoins contribué à la croissance de cette société d’arpenteur-géomètre comptant ainsi 3 bureaux de proximité en addition au siège central.
Cependant, l’appétence du morbihannais pour l’entreprenariat se transfère progressivement de l’économie vers la politique, le poussant ainsi à franchir le pas pour les municipales de 2008. Attaché à sa région natale et tout particulièrement à la cité de Sarzeau, il parvient à recevoir l’investiture de l’UMP dans la course pour la mairie de cette commune de la presqu’île de Rhuys. Elu avec plus de 40% des voix au second tour, il entame dès lors avec appétit sa carrière d’élu local, non sans enthousiasme. Voyant son penchant pour l’arène électorale enfler, il y retourne trois ans plus tard lors des élections départementales de 2011, au terme desquelles il décroche un poste au conseil général du département breton et s’y octroît même la fonction de porte-parole de la majorité conservatrice. Récompensé pour sa bonne gestion des affaires communales, David Lappartient écrase le premier tour des élections municipales de Sarzeau en 2014 en y recevant plus de 70% des voix. Hissé à la présidence de la Presqu’île de Rhuys dans la foulée, il continue son inarrêtable marche en avant électorale. Réélu conseiller départemental du Morbihan en 2015, il cumule aujourd’hui ce poste avec celui de maire de Sarzeau, marquant ainsi son dévouement aux affaires locales. Si avec un tel CV le breton aurait pu rechercher davantage de prestige dans les fonctions électorales briguées, c’est finalement en cyclisme qu’il a atteint le toit du monde.David Lappartient dans son bureau à la mairie de Sarzeau | © Commune de Sarzeau
En effet, si la Petite Reine a bercé toute sa jeunesse, David Lappartient n’a pas souhaité en être un simple spectateur, mais bien d’être acteur de ses changements et de son évolution durant l’ouverture d’une nouvelle ère, celle de la modernisation accélérée de ce sport. Président du Vélo Sport de Rhuys alors qu’il n’a même pas encore quitté son statut d’étudiant, il devient par la même occasion membre du conseil d’administration de la Fédération Française de Cyclisme (FFC). En parallèle de sa carrière politique locale naissante, il y gravit alors à bride abattue tous les échelons, de trésorier général à vice-président, en passant par une élection au Comité Directeur de l’Union Cycliste Internationale. C’est en 2009 que son parcours déjà bien nourri s’élève vers les cieux de la grande gouvernance du cyclisme. En se payant le scalpe de Cyrille Guimard et Michel Callot dès le premier tour de l’élection, il accède à la présidence de notre fédération nationale, avant d’y voir le conseil lui renouveler sa confiance en 2013. Cherchant à tirer le vélo français vers l’excellence et à redorer en particulier le blason de la piste tricolore, il est à l’initiative de la construction du vélodrome national à Saint-Quentin-en-Yvelines, considéré désormais comme un véritable joyau de la FFC, qui n’a d’ailleurs pas hésité à le remettre rapidement à l’honneur en y recevant de nombreuses compétitions d’ampleur mondiale.David Lappartient a enchaîné deux mandats à la présidence de la FFC | © FFC
Cette ascension au sein de la gouvernance du cyclisme française lui accorde suffisamment de confiance pour qu’il se lance à l’assaut du continent. Sur la lancée de son impressionnante série de victoires électorales, il vainc avec 74% des voix le président de la fédération moldave pour s’arroger la présidence de l’Union Européenne de Cyclisme. Elu parallèlement vice-président de l’UCI en 2013, David Lappartient accède même à la fonction suprême le 21 septembre 2017, lorsqu’il défait par les urnes au moyen d’une majorité sans conteste Brian Cookson, pour s’emparer seul des rênes de l’institution basée à Aigle. Premier français à occuper ce poste depuis 60 ans, il y détient un mandat de quatre ans, durant lesquels il doit gérer et mener une vague de réformes au sein du calendrier international et du système du World Tour.
Son statut aujourd’hui :
A mi-mandat, l’heure est déjà à un premier bilan pour David Lappartient. Et si tout n’est pas à jeter dans ses actes, tous les espoirs à son sujet n’ont pas non plus vu ses mesures leur faire prendre réalité. En succédant à Brian Cookson, le breton a hérité d’un calendrier World Tour extrêmement chargé suite à la réforme de 2017, composé aujourd’hui de 38 épreuves, dont les dates ont de plus en plus tendance à se chevaucher et les lieux géographiques à s’éparpiller. Au point que les contraintes pour les écuries faisant partie de cette élite mondiale deviennent parfois intenables, obligeant les managers à aligner trois équipes au même moment. Dans de telles conditions, difficile de rester compétitif… A ce titre, la présidence de David Lappartient n’aura donc pas été en mesure de ramener la situation à un stade plus humain, mettant ainsi en péril les formations de moindre budget, bataillant pour tenir ce rythme infernal d’une saison débutant en janvier en Australie pour se terminer fin octobre en Chine.
Instigateur d’une nouvelle grande réforme du World Tour pour la saison 2020, David Lappartient n’est pas parvenu à mettre en place tous les changements escomptés. Si la structure du système a été changée à ses marges, permettant au Team Cofidis de devenir la 19e équipe de l’élite (dans l’hypothèse de la confirmation de Michelton-Scott) ou encore au Team Total Direct-Energie d’avoir le luxe d’être maître de sa participation aux épreuves Wolrd Tour, toutes les mesures financières sont finalement tombées à l’eau. Alors qu’il avait été envisagé en octobre 2018 d’introduire un salary cap sur le modèle de la NBA, afin de limiter l’hégémonie des plus grosses cylindrées sur les courses majeures, aucune modification n’interviendra en fin de compte sur ce point-là.
En outre, la décision du français de mettre fin dans l’année à venir aux activités de la CADF, fondation antidopage spécifique au cyclisme, fait également l’objet de controverses. Créé en 2008, cet organisme avait mis au point l’un des programmes de lutte contre le dopage des plus sérieux et remarquables au monde, jouissant d’une notable indépendance vis-à-vis de toute autre institution. A l’origine de tensions croissantes avec cet organe, David Lappartient lui préfère désormais la jeune International Testing Agency, prônant que sa dimension omnisport est davantage en accord avec la réalité des réseaux de dopage.
Si ses tentatives d’ingérence dans les affaires de la CADF y avaient fait scandales, il semble surtout que cette réforme ait des sources plus personnelles, et apparemment peu masquées en privé. En effet, alors que le morbihannais semble regarder avec appétence la présidence du Comité International Olympique (CIO), c’est toute la marge d’action de l’UCI qui s’en trouve bridée.
Par Jean-Guillaume Langrognet