C’est un personnage discret au rôle clé. Sa nomination à la Direction Technique Nationale de la Fédération Française de Cyclisme en juin 2017 avait été mise au second plan par l’arrivée de Cyrille Guimard à la tête des bleus. Cependant, le « Druide » a vite laissé place à Thomas Voeckler, alors que l’isérois est resté. En charge de redresser l’équipe de France après des Jeux Olympiques de Rio catastrophiques, celui-ci prend alors les problèmes tricolores aux racines pour viser un Paris 2024 flamboyant. Ancien coureur au parcours atypique, passé par la route avant de rejoindre précocement le VTT, avant de réussir une reconversion remarquée dans de multiples fonctions tournant autour de la Petite Reine. Bon cycliste sans grandes gloires, sa trajectoire est avant tout celle d’un passionné, déterminé à toujours faire du vélo son métier. Portrait de Christophe Manin.Christophe Manin | © L’Equipe
Son Parcours :
Christophe Manin n’a pas connu cette ascension fulgurante devenue coutumière aujourd’hui, projetant les jeunes au monde professionnel en passant par la case « Pôle Espoirs ». L’isérois, lui, s’il est reconnu athlète de haut-niveau pendant son service militaire, doit faire un détour par la vie active. Educateur sportif adjoint dans la cité alpestre d’Annemasse, c’est sous le maillot du club local qu’il s’illustre également chaque week-end sur le calendrier amateur national, dans une existence à l’emploi du temps bien chargé. Rarement récipiendaire des bouquets mais trustant les podiums, ses résultats l’envoient alors en équipe de France de la catégorie, avant qu’il ne finisse par taper dans l’œil d’équipes professionnelles.
Recruté sur le tard par la RMO de Bernard Vallet en fin de saison 1989, au terme d’une année marquée par sa médaille de bronze obtenue sur les championnats du monde amateurs, le français crée la surprise six mois plus tard, en se hissant sur le podium des championnats de France professionnels. Cependant, cette prouesse n’est que l’éclaircie d’une entame de carrière vouée aux autres, se muant logiquement en gregario pour ses leaders Charly Mottet, Ronan Pensec, ou encore Thierry Claveyrolat, les accompagnant jusqu’aux routes du Tour de France. En 1993, le français traverse l’Atlantique pour un passage d’un an chez les américains de Motorola, où il découvre en avant-première les exploits du « boss » Lance Armstrong, loin de suspecter ce dernier des pratiques dont il s’est avéré coupable une vingtaine d’années plus tard. Finalement, c’est dans la modeste formation naissante de Vincent Lavenu, sous le maillot de Chazal, que Christophe Manin conclut sa brève carrière sur route en 1994 et 1995, sans véritablement briller.Christophe Manin dans la roue de Lance Armstrong et d’Andrew Hampstein durant son année passée chez Motorola
Quittant les pelotons professionnels avant-même d’avoir passé le cap de la trentaine, l’isérois se reconverti alors en pilote de cross-country professionnel, s’engageant successivement dans les écuries MBK, American Eagle puis Cilo, remportant au passage la Coupe de France ou encore un Roc d’Azur au prestige naissant.
La bicyclette officiellement raccrochée, Christophe Manin persiste cependant dans le cyclisme. Grâce à ses contacts noués auprès de Vincent Lavenu et son staff, le natif de Saint-Marcelin devient directeur sportif dans le tout nouveau Centre de Formation Cycliste de Chambéry, antichambre d’AG2R-Prévoyance. Chargé de la gestion du programme de course, de l’organisation et de l’encadrement des compétitions, il y reste alors de 2002 à 2007, tout en diversifiant ses activités, en véritable touche-à-tout du vélo. Effectivement, durant ce laps de temps, Christophe Manin est aussi pigiste au Vélo Romand Magazine, chargé des aspects techniques d’essais de matériel, tout en effectuant des vacations auprès d’ASO sur Paris-Nice et la Grande Boucle, officiant au service hébergements. Son réseau s’étend, ses compétences se multiplient, atteignant alors une connaissance rare du cyclisme.
Ce constat l’amène alors à rejoindre la Direction Départementale de la Jeunesse, des Sports et de la Cohésion Sociale du département des Yvelines en 2008, devenant alors responsable d’un portefeuille de treize disciplines, de l’expertise au montage de projet en passant par le conseil. Deux ans plus tard, l’isérois met à profit cette expérience au Ministère des Sports et à la Fédération Française de Randonnée en tant que conseiller technique national, responsable de la formation. Au cours de cette période, Christophe Manin multiplie les formations et cumule les certifications pour bétonner son CV, loin des portes grandes ouvertes aux champions en reconversion. Certifié coach professionnel ou encore praticien PNL (Programmation Neuro Linguistique), l’isérois poursuit son petit bonhomme de chemin pour vivre de sa passion au plus haut niveau possible.
Après tant d’années de labeur passées dans l’ombre, son salut vient alors de la Ministre des Sports du gouvernement d’Edouard Philippe, Laura Flessel, qui le nomme à la prestigieuse fonction de Directeur National du Cyclisme à la FFC. Il remplace alors Vincent Jacquet, sali par les déboires des bleus à Rio, pour redonner de l’impulsion à une équipe de France en perte de vitesse, ayant à rebâtir un groupe réduit en ruines par les échecs et dissensions du passé.
Son statut aujourd’hui :
En poste depuis trois ans, Christophe Manin a vu sa première échéance majeure être repoussée d’un an, avec le report des JO de Tokyo en 2021, à cause de la pandémie de Covid-19. Premier grand test d’une mission s’étendant jusqu’aux olympiades de Paris 2024, celui-ci aurait été révélateur de son travail à la Direction Technique Nationale, alors que les récents mondiaux de piste n’ont pas été fameux pour les bleus (une médaille d’or seulement, pour un total de 5 breloques).
Mais il serait erroné de juger son action à court-terme. A ce jour, seule la vague de nominations de cadres à des postes clés de la Fédération peut réellement compter dans son bilan. Mais l’ampleur des tâches confiées à un DTN s’avère particulièrement large, et repose notamment sur la formation, dont Christophe Manin a fait l’un des piliers de son mandat. Celui-ci s’attache à redorer le blason tricolore en contre-la-montre, véritable talon d’Achille des français en quête de maillot jaune, mais aussi à féminiser un sport encore trop machiste. Alors que les françaises peinent à percer l’hégémonie néerlandaises chez les professionnelles, la révolution doit en effet partir de la source, des clubs locaux, pour augmenter drastiquement le nombre et la part de licenciées FFC, car les champions d’une nation ne sont que représentatifs de la qualité de sa formation. Cet axe de priorité, posé comme ligne directrice de la stratégie française pour Paris 2024, nécessite donc de longues années de mises en pratique avant que les premières évaluations ne puissent être effectuées, et Christophe Manin jugé.
Par Jean-Guillaume Langrognet