Ce n’est certainement pas le plus grand champion du peloton professionnel français, ni même le plus victorieux. Sprinteur de second rang, il n’a jamais levé les bras en World Tour, frôlant seulement un succès sur le Tour à la suite d’une défection massive de ses concurrents les plus redoutables. Le Grand Public ne le connaît quasiment pas, ou peu, ses participations aux épreuves majeures étant rares, et ses apparitions aux premiers rangs étant discrètes. Pourtant, avec 15 victoires depuis 2018, il s’est montré plus fructueux que Nacer Bouhanni, Bryan Coquard et même Arnaud Démare, ses compatriotes qui lui ont longtemps barré le leadership en sélection. En effet, alors que les tous les yeux étaient centrés sur ces trois dernières pépites du cyclisme tricolore, c’est ce quatrième larron qui semble aujourd’hui rafler la mise, à l’image de ses récentes sélections sur les championnats du monde et d’Europe. En s’accaparant nombre de bouquets du calendrier Continental local, portant notamment son équipe jusqu’au cercle fermé du World Tour, nul doute désormais qu’il fait, dans l’ombre, le cyclisme français. Portrait de Christophe Laporte, sprinteur du Team Cofidis.
Christophe Laporte sous le maillot du Team Cofidis | © Team Cofidis
Son parcours :
Formé au VS Hyérois, Christophe Laporte est d’abord un déçu du VTT. Venu sur la route en quête de nouvelles sensations sur une bicyclette, il s’y découvre alors une prestance naturelle, et se surprend rapidement à briller dans de multiples domaines. S’il a gardé des montées incessantes du cross-country sa capacité à faire parler son punch pour passer les bosses, il met aussi à profit sa maîtrise de la technique pour mettre les descentes à son avantage. De même, accoutumé à la tension des mass-start et aux circuits parfois exigus, il se montre rapidement apte à frotter parmi ses concurrents pour se maintenir à sa place dans le peloton, et fait preuve d’une explosivité époustouflante lorsque la ligne d’arrivée est en vue. Dans cet itinéraire à la Peter Sagan, le sudiste se distingue du slovaque par son humilité, gardant constamment les pieds sur terre dans un océan de succès.
En effet, Christophe Laporte dénote vite par sa simplicité, vivant sa passion au jour le jour, sans jamais chercher à griller les étapes. Dans cet itinéraire d’insouciant, le varois pose une première fois les pieds dans le monde professionnel en août 2012, en signant comme stagiaire au sein de l’équipe continentale La Pomme Marseille, après des débuts remarqués en DN1 sous le maillot de l’AVC Aix-en-Provence. Si l’essai n’est pas concluant, le natif de la-Seyne-sur-Mer garde la tête froide, et profite de la saison suivante pour faire définitivement ses preuves. Effectivement, en glanant notamment la médaille d’argent sur la course en ligne des Jeux Méditerranéen, Christophe Laporte est remarqué par l’équipe Cofidis, séduite par ses performances.
A 21 ans, voici donc le provençal propulsé chez les professionnels, sous les couleurs rouge et blanche de la formation nordiste. S’il officie logiquement en tant qu’équipier dans un premier temps, il saisit progressivement l’occasion de parcours trop ardus pour des purs sprinteurs ou de faillites de ses leaders pour faire une discrète apparition dans le haut des classements, à l’image de son brillant Tour de Wallonie, conclu avec trois tops 10 dans la musette.
En 2015, l’arrivée en fanfare de Nacer Bouhani dans l’écurie nordiste et la construction d’un train de sprint accompagnant un tel transfert le place au service de l’ancien champion de France. Tantôt simple équipier, tantôt poisson-pilote, il est ainsi amené à faire ses premiers pas sur le circuit World Tour, comme sur les premières classiques belges ou Milan – San-Remo. A l’été, c’est sous ce même statut qu’il prend part à sa première Grande Boucle, et profite de l’abandon du lorrain pour signer une belle septième place à Valence, après avoir récupéré les manettes du train de sprint. Cet accessit est d’ailleurs précurseur de son premier succès professionnel, acquis au Tour de Vendée en fin de saison, en devançant Yauheni Hutarovic et Thomas Sprenger dans le final.Christophe Laporte lors de sa première victoire professionnelle sur le Tour de Vendée en 2015
Après les grandes premières de 2015, vient alors la confirmation de 2016. Si le provençal n’y renoue pas avoir la victoire, il y fleurte en revanche avec les grands du sprint, en profitant une nouvelle fois des mésaventures de Nacer Bouhani. A nouveau gregario en début de saison, Christophe Laporte se voit promu à la hâte leader de Cofidis sur le Tour de France, après la blessure stupide du sprinteur numéro 1 de la formation nordiste la veille des championnats de France. La balle est alors dans son camp, et le natif de La Seyne-sur-Mer la saisit à pleine poire. 6e et premier français dès l’entame de la Grande Boucle à Utah Beach, il fait preuve d’une régularité exceptionnelle tout au long des trois semaines de courses, en glanant au total pas moins de six tops 10. En effet, 8e à Angers au coude à coude avec Marcel Kittel, le varois se classe ensuite 5e à Montauban et Montpellier, 9e à Villars-les-Dombes, et enfin 8e sur les Champs-Elysées, pour terminer une Ronde de Juillet particulièrement aboutie, devenant sa référence pour la suite de sa carrière, comme en témoigne sa sélection pour les mondiaux de Doha en fin de saison.
Effectivement, ce Tour de France 2016 bouleverse le statut de Christophe Laporte. Dès l’entame de la saison 2017, il reçoit déjà le statut de leader sur l’Etoile de Bessèges, et l’honore en ne quittant jamais les dix premières places des étapes. De même, c’est en tant que dernière fusée du train Cofidis qu’il participe à Paris-Nice, où il décroche à nouveau deux tops 10, face à une concurrence particulièrement relevée. Si la participation de Nacer Bouhani à la Grande Boucle le prive des manettes de la fusée rouge et blanche, l’abandon du lorrain et ses talents de puncheur le hissent à la 5e place à Valence, sur un tracé à la première partie escarpée. Vainqueur pour la seconde fois du Tour de Vendée en fin de saison, Christophe Laporte y pose alors les prémisses de sa fantastique collecte de victoires à partir de la saison suivante.
En effet, en 2017, il ne lui faut que deux jours de course pour mettre la balle au fond, à l’occasion de la deuxième étape de l’Etoile de Bessèges, qu’il termine à la seconde place du classement général. Une semaine plus tard, c’est sur le Tour La Provence qu’il plane, en y remportant les deux sprints massifs. A Meudon sur Paris-Nice, il se hisse sur le premier podium d’étape de sa carrière, vraisemblablement délivré par ses succès passés, ainsi que la suppression de la tutelle de Nacer Bouhani, en relative méforme sur les routes de la course au soleil. Au printemps, il s’adjuge alors le prestigieux Tro Bro Léon, avant de voir ses qualités contre-la-montre récompensées sur le chrono du Tour de Belgique. Une nouvelle victoire sur le Tour du Luxembourg le lance idéalement vers le Tour de France, où il pointe régulièrement son casque à l’avant des sprints massifs avec trois 5e places, et surtout une seconde position à Pau, où il échoue de peu face à son compatriote Arnaud Démare, pour signer un doublé tricolore ahurissant dans l’exercice.
D’ailleurs, le provençal ne cesse de monter en puissance. En effet, en 2019, il survole littéralement l’Etoile de Bessèges, en y remportant un sprint et le chrono final, pour s’adjuger le premier classement général de sa carrière. Moins en réussite sur Paris-Nice que les années précédentes, il se rebiffe sur le Tour du Luxembourg, dont il remporte le prologue et la première étape. De nouveau aligné par son équipe sur le Tour de France, il est alors contaminé par une maladie touchant plusieurs membres de la formation, et doit abandonner sur la route de Saint-Etienne. Mais le français revient en force au mois d’août sur le Tour du Poitou-Charentes, terre de sprinteurs, en y glanant les deux premières étapes et le contre-la-montre, pour grimper logiquement sur la première marche du classement général final, avant d’être de nouveau sélectionné sous le maillot tricolore pour des mondiaux du Yorkshire pour le moins compliqués pour les bleus.
Son statut aujourd’hui :
Comptant désormais 17 victoires professionnelles à son compteur, dont 15 obtenues sur les trois dernières années, Christophe Laporte s’est bel et bien imposé dans le gotha des sprinteurs français, à défaut de régner parmi les hommes les plus rapides du monde. En faisant siennes de nombreuses courses du calendrier Continental national, le provençal a ainsi démontré sa capacité à lever les bras et faire triompher son équipe, en figurant même comme son élément le plus prolifique.
Toutefois, Cofidis ayant maintenant obtenu sa licence World Tour et recruter la star Elia Viviani pour l’honorer, Christophe Laporte se retrouve de nouveau dominé dans la hiérarchie du sprint interne, alors que les déboires de Nacer Bouhani l’avaient délivré. Si une vilaine chute au Tour de San Juan dès l’entame de la saison puis l’arrêt des courses l’ont empêché pour le moment de briller en 2020, le varois va devoir continuer d’empiler les succès et améliorer leur prestige pour exister face à son coéquipier italien dans les épreuves majeures, ou se satisfaire de participations à des courses de renommée moindre. Mais alors que le train Cofidis pêchait à lancer ses sprinteurs dans de bonnes conditions jusqu’à récemment, il faut souligner les progrès de la formation nordiste en la matière, capable de fournir des fusées de qualité à ses deux hommes de pointe, comme en témoignent les excellents résultats de son poisson-pilote, Piet Allegaert, en Argentine à la suite du retrait de son leader. Alors on a hâte que la saison reprenne, ou commence enfin pour le Provençal, pour assister à ses nouvelles victoires, en espérant qu’il puisse désormais en conquérir en World Tour.
Par Jean-Guillaume Langrognet