La nouvelle est tombée il y a une semaine : Cofidis réintègre le World Tour à compter du 1er janvier 2020, dix ans après sa disparition de l’élite internationale. Dix ans de galère pour l’équipe nordiste, un bilan famélique sur le Tour de France, de piètres résultats sur les plus grandes épreuves mondiales, mise à part la Vuelta comme lot de consolation, où les rouges et blancs sont parvenus à glaner 6 succès et trois classements de la montagne, en comptant notamment sur leur homme fort des terres hispaniques, David Moncoutié. Trop peu cependant pour cacher la forêt d’échecs. Mais il n’aura fallu que deux petites années à un connaisseur de la maison au soleil pour faire disparaître ce massif des esprits, s’attachant à effacer ces mauvaises saisons avec autant d’ardeur qu’un ouvrier sur un front pionnier amazonien. « C’est un nouveau départ » a-t-il déclaré mardi dernier lors de la publication du communiqué de l’UCI, se présentant en porte-parole de sa formation. Si cette remontée en World Tour marque bien la concrétisation d’une nouvelle opportunité de briller pour ses hommes, elle symbolise à titre personnel l’aboutissement de sa troisième vie. Après avoir connu la glorifiante existence de coureur de renom puis de consultant de talent, le voici désormais manager d’exception. Portrait d’un homme qui a visité tous les recoins de l’immense chapiteau du cyclisme, d’un artiste aux multiples dons, portrait de Cédric Vasseur, actuel manager de l’équipe cycliste Cofidis.Cédric Vasseur au micro de Vélo 101 | © Vélo 101
Son Parcours :
En effet, si l’on prête davantage d’attention à la liste des 85 coureurs français ayant porté le saint sacrement du maillot jaune, apparait après les prestigieux patronymes de Bernard Thévenet, Bernard Hinault ou encore Laurent Jalabert, mais aussi avant le bien célèbre Julian Alaphilippe, celui de Cédric Vasseur. Ainsi, le 10 juillet 1997, Alain Vasseur, vainqueur d’étape 27 ans plus tôt, voit son fils réaliser une prouesse relevant du sensationnel, de l’extraordinaire, du monstrueux, constitué d’un raid solitaire long de près de 150 kilomètres, pour s’offrir un magnifique coup double à La Châtre : bouquet du jour et tunique dorée. Rien que ça. Ce jour-là, en même temps qu’il se révèle au grand public grâce à ce coup d’éclat fracassant, il découvre la magie du maillot de leader, doté du pouvoir de faire rêver tant d’enfants et de continuer à émerveiller les plus âgés. Le propulsant dans un grand cirque médiatique, le plaçant au centre de toutes les unes, de toutes les pages sportives de la presse nationale et locale, le maillot jaune lui fait pétiller les yeux et lui ravive les jambes, pour qu’à cette étourdissante émotion succède une bravoure infinie. Héroïque dans le premier périple pyrénéen, il parvient même à repousser l’extase de 24h, histoire de passer une dernière nuit dorée, avant d’être contraint de se soumettre face à un jeune et virevoltant Jan Ullrich.
Si le nordiste ne connaîtra plus jamais le bonheur de se vêtir tout de jaune, il renouvellera toutefois l’expérience du succès d’étape 10 ans après. En effet, en 2007, sur la Canebière, il règle avec autorité son compatriote Sandy Casar au sprint, pour goûter une deuxième et ultime fois aux joies du podium protocolaire, avant de tirer sa révérence des pelotons professionnels.
Cependant, entre ces deux sacres, ouvrant et fermant magistralement la carrière du français au plus haut niveau, se cachent honteusement des années tumultueuses, marquées par les scandales et les suspicions, laissant une affreuse amertume dans sa bouche, d’autant plus qu’ils l’ont éclaboussé erronément de leur infame puanteur. D’abord écarté de l’US Postal de la Grande Boucle 2001 pour avoir refusé de s’inscrire dans l’ignoble système de dopage collectif mis en place au sein de la formation pleinement dévouée au « Boss », il est à nouveau contraint de céder sa place à un coéquipier pour l’édition 2004, emporté injustement par le tourbillon de l’affaire Cofidis. De cette série rocambolesque, ponctuée d’épisodes aussi ahurissants les uns que les autres, où les contre-expertises se succèdent, il sort finalement indemne, innocenté de traces de cocaïne trouvées dans un échantillon de cheveux et de procès-verbaux avérés falsifiés. Si son casier juridique reste indemne, l’homme n’oubliera jamais.
C’est là que commence la deuxième vie de Cédric Vasseur. En parallèle de passages par la présidence de l’association internationale des coureurs cyclistes professionnels puis par des postes de chargé de mission pour Amaury Sport Organisation, il découvre le métier de consultant audiovisuel aux commentaires des plus grandes épreuves du calendrier, des classiques pavées au Tour de France en passant par les Ardennaises. Officiant d’abord en Belgique pour la RTBF, le natif de Hazebrouck franchit occasionnellement la frontière de 2009 à 2013 sur les courses par équipes nationales afin de remplacer Laurent Jalabert, occupé par son poste de sélectionneur. L’essai étant concluant, Cédric Vasseur plaisant par la qualité de ses analyses ainsi que par sa quasi-omniscience du cyclisme, son rôle s’accroît sur France Télévision jusqu’à devenir le consultant principal de Thierry Adam en 2013 sur la Grande Boucle. De même, il anime les courses italiennes, des classiques au Giro, aux côtés d’Emmanuel Barth sur BeIn Sport, devenant ainsi l’un des commentateurs cyclistes les plus actifs du PAF ! Salué par les téléspectateurs, reconnaissants de la finesse de sa lecture de la course ainsi que de la sympathie qu’il dégage, il conclut cette parenthèse audiovisuelle avec une réussite sans conteste, avant d’être appelé à la tête de Cofidis, quelques mois après l’arrêt de diffusion de la Petite Reine par la chaîne qatarie.
Son statut aujourd’hui :
Le voilà ainsi entamer sa troisième vie en octobre 2017, en reprenant les rênes de la formation sponsorisée par la Banque de Crédit en Ligne, en succession d’Yvon Sanquer. L’ampleur de la tâche est alors de taille pour le nordiste. L’équipe sort d’une saison extrêmement terne, dans l’ombre des classements, plongée dans une infernale spirale négative. Si Nacer Bouhanni, recruté à grands frais deux ans plus tôt, a bien réussi à glaner sept bouquets, ses prestations sur les épreuves de renom sont extrêmement pâles. Et bien peu de ses coéquipiers ont pu compenser ces manquements…
Alors, armé de sa connaissance sans faille du sport cycliste et s’imposant avec autorité à ses hommes, Cédric Vasseur redresse la barre vers l’archipel du succès. Dès l’année suivante, la pêche est d’ailleurs bien plus fructueuse, et le chalutier revient à bon port le sourire aux lèvres, le filet empli de 21 bouquets multiples et variés, couronnés par la victoire d’étape de Nacer Bouhanni sur la Vuelta, la première sur un Grand Tour depuis 4 ans.
Misant sur un recrutement international, complétant celui des frères Herrada en 2018, ainsi que sur l’affirmation de Christophe Laporte, Cédric Vasseur place la barre haut pour la saison 2019. Précisément aux portes du World Tour. Le nordiste n’est pas déçu. Alors que Jesus Herrada ouvre le compteur de la formation basée à Bondues, Christophe Laporte écrase l’Etoile de Bessèges quelques semaines plus tard. Les deux hommes portent alors avec éclat leur équipe jusqu’en automne, s’adjugeant notamment 4 des 5 étapes du Tour du Luxembourg, cumulé au gain du classement général. Mais le feu d’artifice Cofidis a lieu en montagne, d’abord sur les pentes du Mont Ventoux, où le coureur espagnol se joue de Romain Bardet, puis à Ares del Maestrat, où ce dernier se montre trop fort pour Dylan Theuns, pourtant vainqueur un mois et demi plus tôt à La Planche des Belles Filles. Il n’en faut pas plus à l’UCI pour que ces prestations de haut niveau, additionnées à un dossier budgétaire bien ficelé, propulse la formation nordiste dans la catégorie élite, aux côtés des grosses cylindrées du Team INEOS ou du « Wolfpack » de Deceuninck Quick-Step. La consécration de la troisième vie de Cédric Vasseur, qui rêve désormais des plus hautes cimes. A voir s’il pourra les atteindre dans les prochaines années, que ce soit avec Elia Viviani, Guillaume Martin ou d’autres !
Par Jean-Guillaume Langrognet