Derrière l’assureur réputé se cache un simple passionné. Magnat du monde des affaires français, homme surdiplômé, il entretient avec un plaisir sincère le sponsoring liant son entreprise avec le peloton professionnel. Inconditionnel de la bicyclette avant de ranger le cuissard pour se saisir d’un costard, il voit dans le vélo un prodigieux moyen de s’évader et de rêver, un formidable instrument de découverte du paysage, indispensable pour flâner à travers les vignes et les colombages de son Alsace natale. Désormais parisien accommodé, ce personnage n’en reste pas moins attaché à ses racines et au sport qui lui a permis de les explorer. Portrait d’un homme qui voit le côté populaire du cyclisme avant de se pencher sur l’aspect financier, portrait d’une personne qui voit le passage du Tour de France comme une véritable fête avant de penser aux revenus générés. Portrait d’André Renaudin, directeur général d’AG2R La Mondiale.
Son parcours :
André Renaudin a été trahi par sa naissance. Alsacien de pur-sang, le cœur lié pour l’éternité à la région des cigognes, il a vu le jour dans la maternité de Vincennes, à près de 500 kilomètres de la ville de son enfance, Sélestat. Aujourd’hui citoyen d’honneur de la cité du Bas-Rhin, il a toujours été fier de son vignoble exceptionnel, de ses colombages typiques, et de ses petites ruelles chaleureuses. Fier de l’histoire de cette partie tant jalousée de la France, il a aimé durant sa jeunesse la parcourir de fond en comble, pour en découvrir tous les recoins, et y révéler chaque secret. Armé de sa bécane et de sa curiosité inassouvie, il partait régulièrement à la rencontre de la richesse de sa région en y arpentant campagnes et villages, vallées et montagnes. Escaladant les ballons vosgiens, traversant les multiples localités pittoresques grâce à la seule force de ses cuisses matraquant son pédalier, il s’approprie ainsi l’Alsace en apprenant à la connaître en profondeur.
André Renaudin est véritablement un homme du terroir, une de ces personnes qui n’oublie jamais d’où elle vient, voyant même dans l’éloignement physique un rapprochement affectif. Parti étudier à Palaiseau dans les rangs de l’Ecole Polytechnique, le mal du pays l’a longtemps rongé. Eprouvé par un service militaire ardu, il saisit son goût naissant pour les assurances comme une bouée de sauvetage dans une nasse de sciences de l’ingénieur, comme un phare lui indiquait soudainement clairement l’horizon. Contrôleur des assurances au sein du Ministère de l’Economie, des Finances et du Budget à la sortie de l’école, sa carrière prend véritablement son envol lorsqu’il est appelé par Pierre Bérégovoy pour rejoindre son cabinet en tant que conseiller assurance. Dépité par la démission de Jacques Delors qu’il devait rejoindre quelques jours plus tôt, le voilà désormais au cœur du pouvoir !Photo de profil d’André Renaudin sur son compte twitter | © Compte Twitter d’André Renaudin
Il n’en faut pas plus à André Renaudin pour que celui-ci saisisse sa chance à pleines mains, et navigue durant de nombreuses années de carrière sur les flots des plus hauts postes de direction dans les assurances. D’abord globe-trotteur en tant que directeur international d’AGF, il se sédentarise sur la capitale en rejoignant la FFSA, avant qu’une vieille connaissance de ce nouveau monde ne le demande à son chevet. En effet, Patrick Peugeot, président des assurances La Mondiale, souhaite en faire son successeur à terme. Celui-ci laisse finalement aux sélestadien les rênes de cette société reine de la discipline deux ans plus tard, en 2007, après l’avoir laissé prendre la tête de l’opération de la fusion avec le groupe paritaire de protection sociale AG2R. Ainsi devenu Directeur Général de l’entreprise, André Renaudin n’a cessé de collectionner les titres honorifiques depuis. Distingué de l’Ordre National du Mérite en 2011, nommé Officier de la Légion d’Honneur en 2016, l’alsacien collectionne les récompenses, tel les Jacques Anquetil ou Raymond Poulidor qu’il admirait dans sa jeunesse. Désormais, le champion, c’est lui.
Son statut aujourd’hui :
Toujours à la tête d’AG2R La Mondiale, André Renaudin a vu son année 2019 entachée d’un mariage tumultueux avec la Matmut. Après seulement 5 mois d’union, un douloureux divorce a sonné l’échec de l’association de ces deux géants de l’assurance française, petit caillou dans le beau soulier de la carrière de l’alsacien.
Côté cyclisme, ce dernier s’est appliqué à perpétuer le sponsoring entamé par ses prédécesseurs avec la formation de Vincent Lavenu, non sans enthousiasme. Depuis que le Sélestadien a pris les commandes de la compagnie d’assurance, l’équipe cycliste éponyme a vécu ses plus belles années. Du podium de Jean-Christophe Péraud aux exploits de Romain Bardet en passant par la semaine en jaune de Rinaldo Nocentini sur la Grande Boucle, André Renaudin a vu ses investissements dépasser amplement ses espérances. Architecte majeur d’une bande de guérilleros qui a fait rêver la France du vélo depuis 2014, il a largement embelli le blason d’AG2R La Mondiale. En associant les prouesses des coureurs terre et ciel au nom de l’assurance, il est parvenu à obtenir des rentrées d’une valeur représentant le quadruple des sommes dépensées. Autrement dit, pour 15 millions d’euros investis par an, la compagnie établie boulevard Haussmann en reçoit plus d’une centaine ! Comme quoi, cyclisme et affaires sont tout à fait compatibles…L’équipe cycliste AG2R La Mondiale | © AG2R La Mondiale
C’est ainsi qu’André Renaudin peut aujourd’hui pleinement contribuer à nourrir à et faire le grandir le sport qu’il aime et qu’il pratique toujours aussi assidument que durant ses années lycées. Et nul doute ne persiste quant à la fierté qu’il affichait cet été quand 50 ans plus tard, il voyait le maillot de sa propre entreprise défiler au sein du peloton dans les rues animées de Sélestat. Les yeux brillants, il discernait dans la foule des milliers d’enfants à l’excitation palpable. Et à travers chacun d’eux, il se souvenait de la dernière visite de la Grande Boucle à la cité alsacienne, en 1961, quand le fils aîné d’un médecin de l’hôpital local n’imaginait pas encore qu’il serait dans le futur l’homme qui l’y ferait revenir.
Par Jean-Guillaume Langrognet