Son ton grave et posé retentit chaque été dans des millions de foyers français, devenant en juillet un compagnon de route privilégié pour le peuple bleu-blanc-rouge. En cabine de commentateurs du service public depuis trois ans seulement, il a immédiatement su conquérir le cœur de ses auditeurs, et faire revenir sur France Télévision tous les déçus de Thierry Adam qui s’en étaient allés l’écouter sur Eurosport. Son formidable trio avec Laurent Jalabert et Marion Rousse cartonne, ses commentaires vifs et enjoués s’accordent parfaitement avec les analyses de ses deux consultants. Aujourd’hui, son talent est à la hauteur de l’évènement, et sa voix sur les images d’archive feront à coup sûr frissonner longtemps. Ce dimanche, portrait du prodigieux Alexandre Pasteur.Alexandre Pasteur | © France TV Sports
Son parcours :
Dès le plus jeune âge, Alexandre Pasteur est vivement animé par deux passions : le ski et le cyclisme. La première discipline fait en effet référence à son origine géographique, le Jura, où il baigne continuellement dans une atmosphère imprégnée par ces compétitions hivernales, à flanc de montagnes. En outre, issu d’une famille de dirigeants dans le ski, c’est tout naturellement que le natif de Pontarlier tombe la tête la première dans la marmite, découvrant slaloms et autres épreuves de descente alors qu’il n’est qu’un marmot. Pourtant, le cyclisme tiraille également le cœur du doubiste. S’il adore le ski, il pratique davantage le vélo, qu’il étrenne sur les routes et tournois régionaux jusqu’en catégorie cadets. Dans une déclaration-poignard au sport familial, il déclarait d’ailleurs sur nos pages en 2011 « avoir davantage une culture vélo qu’une culture ski. ».
Désireux de faire de ses passions son métier, mais trop juste sportivement, Alexandre Pasteur s’oriente alors vers le journalisme sportif, afin d’avoir le luxe de suivre à plein temps ses disciplines fétiches. Ses débuts dans l’exercice le prédestinent cependant à une carrière modeste, loin de l’éclat des feux des projecteurs qui l’éclairent désormais. En effet, en sortant de l’incontournable école de journalisme, le franc-comtois effectue quelques CDD dans la presse locale-régionale, sans réellement décoller. Avant qu’il ne soit soudainement propulsé aux sommets (alpins). Connu pour sa passion pour le ski, après avoir bassiné pendant de longues années ses amis à propos de l’actualité de la discipline, un copain travaillant chez Eurosport l’enjoint de postuler auprès de la chaîne, en remplacement de Christophe Josse. Bruno Poulain, rédacteur en chef d’Eurosport France, en fait alors son… poulain. Fasciné autrefois par le commentateur romand Boris Acquardo, Alexandre Pasteur se voit dès lors suivre les pas de son modèle, et tente même s’inspire de son style à ses débuts face au micro.
Mais progressivement, la copie laisse place à l’innovation, à l’apparition d’un ton propre au doubiste, fort apprécié chez l’ensemble des fans de ski français. Course après course, année après année, il s’impose comme une figure phare de la chaîne européenne, en brillant aux commentaires. Sa passion, sa connaissance du sport et des pistes de la Coupe du Monde, cumulées à des paroles tantôt apaisantes, tantôt enivrantes, le rendent ainsi incontestable à son poste. Et son talent, désormais amplement reconnu, incitent les dirigeants d’Eurosport à l’essayer dans d’autres disciplines, comme l’athlétisme au cœur des années 2000, puis le cyclisme, à la suite du départ du mythique Patrick Chassé en 2010.Alexandre Pasteur et Jean-Pierre Vidal dans la cabine de commentaires de sports d’hiver d’Eurosport | © Eurosport
D’une passion commentée, le doubiste cumule ainsi les deux au cours de saison bien chargée. Officiant auprès des pistes l’hiver, il revient du côté des routes d’Europe lorsque les beaux jours pointent leur nez, partageant initialement les quelques 170 jours d’antenne proposés par Eurosport avec Guillaume Di Grazia et Jacques Leunis. Mais c’est bien le franc-comtois qui prend en charge les compétitions phares, comme le Tour de France, qu’il commente aux côtés de l’excellent Jacky Durand et du populaire Richard Virenque. Ainsi, Alexandre Pasteur se fait rapidement un nom (et aussi une voix), auprès des amoureux de la Petite Reine, découvrant cet inconnu faisant figure de star du côté des skieurs. Des ardennaises aux championnats du monde en passant par la Vuelta, le natif de Pontarlier accompagne à merveille les passionnés de cyclisme sur l’ensemble de la saison internationale, soulignant les défauts de Thierry Adam, son acolyte de France Télévision, plaisant là où ce dernier agace. En outre, le fantastique duo qu’il forme avec Jacky Durand détonne et fait l’atout numéro 1 du cyclisme sur Eurosport, offrant aux téléspectateurs une retransmission alliant légèreté et qualité des analyses.
Au fil des années, la côte d’Alexandre Pasteur et le flux de perte d’audience de France Télévision à Eurosport croîent tellement que le doubiste est approché par le service publique, plus riche en moyens, et change finalement de cheval (ou plutôt de vélo) à l’amorce de la saison 2017, pour faire ses débuts sur Paris-Roubaix 2017. Le coup de foudre est alors immédiat du côté des téléspectateurs, la relation s’engage dès lors sur le long-terme.
Son statut aujourd’hui :Alexandre Pasteur avec Marion Rousse et Laurent Jalabert pour commenter le Tour sur France TV | © France TV Sports
En effet, trois ans plus tard, Alexandre Pasteur semble indéboulonnable de son poste tant il y excelle. Si son association avec Jacky Durand était franchement exceptionnelle, son trio avec Laurent Jalabert et Marion Rousse l’est tout autant, formant ainsi une bande de commentateurs talentueux et complices à l’antenne. Si le doubiste suit la course à la perfection, reprenant le micro pour chaque moment animé et accompagnant l’action d’un ton toujours juste, il sait aussi très bien meubler les longs moments de plaine, lorsque la situation échappée – peloton est figée à l’issue de l’étape inéluctable, en s’appuyant sur ses consultants, en cabine ou sur les motos, pour apporter aux téléspectateurs d’intéressants éclairages sur le sport cycliste. De même, ses « passes » régulières à Franck Ferrand font parfaitement la balance entre sport et culture, complaisant ainsi à tous les publics.
Pour conclure, le Tour de France était parfois devenu pénible à regarder sous l’ère Thierry Adam, et la tentation de fuir chez le voisin Eurosport grande. Le picard mis sur une moto et remplacé par Alexandre Pasteur en cabine, coïncidant également avec l’arrivée de Marion Rousse sur le service public, et le renouveau de France Télévision fut immédiatement entamé, dans une entreprise réussie de séduction des déçus. A ce titre, la Grande Boucle 2019 fut réellement un grand cru, tant par les prouesses françaises que par la qualité de son animation télévisuelle. Et de ce point de vue, il est indéniable qu’Alexandre Pasteur figure désormais parmi les grands protagonistes de la France de juillet. S’il ne fait pas la course en elle-même, il l’a fait vivre, et c’est tout aussi important.
Par Jean-Guillaume Langrognet