Warren, vous venez de conclure votre premier Critérium du Dauphiné, qu’en retenez-vous ?
D’abord les séquelles de ma chute vendredi entre La Léchère et Grenoble ! Je suis tombé à 60 km/h et ça a fait très mal. C’est une erreur de ma part. Le coureur devant moi a fait un écart, comme ça arrive des dizaines de fois pendant une course, sauf qu’à ce moment je m’étais retourné et j’étais dos à la course. J’ai ressenti des douleurs jusqu’hier encore. Beaucoup ont abandonné, moi je n’ai pas voulu. Samedi, je me suis aussi fait la frayeur de ma vie. Au moment de basculer avec les meilleurs et d’engager un virage, j’ai failli faire un tout droit alors que mon boyau a crevé juste au moment où je freinais ! Au-delà de ces mésaventures le bilan est très positif. J’ai été présent tous les jours, de la première à la dernière étape.
Vous vous classez 18ème du Dauphiné et 2ème Français après Alexandre Geniez 12ème, c’est forcément une satisfaction ?
18ème c’est pas mal, mais je sais que j’avais le potentiel pour terminer dans les 15 premiers, ce qui pour moi aurait été plus parlant. C’est évident que si je bascule avec les meilleurs samedi quand je crève, ça fait la différence. Au final, je me serais retrouvé dans les 15. Malgré tout j’ai été présent tous les jours : 13ème à Champéry, 8ème à Oyonnax, 17ème à Tarare… C’est évidemment une très bonne expérience pour moi, sachant que je n’avais eu que quatre jours pour me préparer à la montagne, résidant en Bretagne.
On vous a vu vous lancer à la poursuite des échappés hier dans le col de Vars. Sans succès…
En fait j’aurais bien aimé être dans l’échappée du jour, mais j’étais mal placé sur la ligne de départ, et l’échappée est partie juste après le départ. Dans la descente du col de Vars, j’étais intercalé derrière les échappés, mais j’ai préféré jouer la prudence et ne pas prendre de risques. Pas question de se tuer dans une descente, ça ne reste que du vélo ! Ensuite, j’ai trouvé la montée vers Risoul trop roulante. Ça se monte sur le 39×28, je préfère nettement des cols plus durs comme celui de Vars.
La pluie était présente hier en montagne. Comment réagissez-vous au froid ?
J’ai plutôt bien géré ça. Il faisait 7° aux sommets, c’est encore acceptable, néanmoins il faut être très bien couvert. On a vu beaucoup de coureurs sans gants, et c’est mieux car ça évite de conserver le froid à partir du moment où les gants sont imbibés d’eau. J’en avais pris conscience le mois dernier au Tour de Bavière, quand j’ai vu Heinrich Haussler en manches courtes et sans gants par 0°. Contre le froid humide c’est parfois la moins mauvaise des solutions.
En tant que néo-pro on peut considérer que chaque course vous apporte ce type d’enseignement nouveau ?
On retire des choses positives sur chacune des courses auxquelles on participe. Le vélo évolue très vite, les tactiques aussi, mais la plus grosse différence entre le monde des pros et celui des amateurs, pour moi, se situe en bosse, où ça monte réellement plus vite. Sur le plat, quand on est dans les roues, la différence ne se voit pas forcément, par contre dans les montées ce sont les watts qui parlent. Et à ce propos j’ai trouvé les Sky vraiment impressionnants. Ils courent très juste et ne paniquent jamais.
Vous n’irez pas au Tour de France pour votre première année chez les pros mais disputerez la Vuelta. Etait-ce votre choix ou celui de la direction d’Argos-Shimano ?
Non, c’est moi qui ai choisi la Vuelta en début de saison. Mon choix a été suivi par l’encadrement. Les directeurs sportifs m’ont dit que c’était une bonne idée et, qui plus est avec les pépins physiques que j’ai eus en début de saison, ce sera forcément très bien pour moi. Je vais en outre avoir un bon mois pour prendre le pédalage de la montagne contre quatre jours pour le Dauphiné.
L’équipe Argos-Shimano s’appuiera sur ses sprinteurs Marcel Kittel et John Degenkolb durant le Tour, comment vont-ils se répartir les rôles ?
Dès le début de la saison les choses ont été parfaitement établies. Marcel Kittel sera là pour les arrivées destinées aux purs sprinteurs, et John se mettra à son service sans aucun souci. Je ne pense pas qu’il sera son dernier lanceur mais en tout cas il sera dans son train. A l’inverse sur les arrivées qui présenteront de la bosse, ce sera pour John et chacun se mettra à son service.
Avant tout cela, il y aura les Championnats de France sur vos terres finistériennes, à Lannilis. Que représente cette échéance ?
Avec Argos-Shimano, on ne sera que quatre au départ puisque Matthieu Sprick a fait un AVC. Certes ce n’est pas facile à gérer mais nous ne serons pas les seuls dans ce cas. 251 kilomètres, c’est du costaud ! Ça va vraiment valoir la peine d’attendre jusqu’au bout plutôt que partir dans une échappée et griller une cartouche, n’étant que quatre coéquipiers. Ce sera forcément un parcours pour costauds, il faudra être très fort dans le final. On sait que Thomas Damuseau va vite, je n’hésiterai pas à me sacrifier pour lui.
Connaissez-vous le ribin qui en fera sa particularité ?
Je n’ai jamais roulé sur celui de Lannilis. Je ne connais que ceux où j’habite, autour de Quimper. Je ne sais pas s’il est plutôt sablonneux, terreux ou caillouteux. Une chose est sûre, c’est que ce secteur de 900 mètres à passer treize fois sera bien plus difficile à appréhender qu’une bosse qui hiérarchiserait les costauds. Avec le risque de crevaisons, il y aura plein d’éléments extérieurs qui rentreront en ligne de compte.
Qui voyez-vous comme favori ?
Je vois bien Sylvain Chavanel, qui sera très motivé. Il a bien coupé et sera assurément un des favoris sur ce Championnat de France.
Six mois après avoir intégré l’équipe néerlandaise Argos-Shimano, considérez-vous avoir fait le bon choix pour progresser sereinement ?
Je suis très content d’avoir intégré cette équipe qui laisse les jeunes évoluer à leur rythme. L’atmosphère est vraiment très bonne, à la différence de ce que je pu sentir dans d’autres équipes. Il y a des Hollandais, des Belges, des Allemands et des Français, et tout se passe sans aucun souci. On parle anglais quand on est ensemble, et même avec les autres coureurs français parfois ! C’est évident que pour des jeunes comme nous c’est super d’évoluer au contact d’autres cultures. Ça permet vraiment d’appréhender ce qui se passe à l’extérieur.
Propos recueillis le 10 juin 2013.