Tom, tu viens de conclure le premier cycle de ta saison, quel bilan en fais-tu ?
Je dresse un bilan mitigé de mon début de saison. D’un côté, j’ai réussi à être assez régulier d’un week-end sur l’autre. D’un autre, je m’attendais à avoir plus de résultats. Être régulier dans le ventre mou du peloton n’a que peu d’intérêt. Il y a eu quelques concours de circonstances un peu malheureux, comme les chutes ou les crevaisons en Coupe de France, mais mon niveau physique ne me permettait de toute façon pas d’exploit. Et les quelques fois où les jambes ont été vraiment bonnes, je n’ai pas su saisir l’occasion.
Tu n’es pas parvenu à atteindre ton premier pic de forme, comment l’expliques-tu ?
L’idée était de ne pas me presser pour ne pas prendre le risque d’accumuler la fatigue comme lors de ma première saison Elite. Seulement, je suis peut-être parti un peu trop doucement. En tout cas, je préfère ça plutôt que l’inverse. Au moment où la forme commençait à arriver, elle a stagné à un niveau moyen. Je suis déçu d’avoir été en retrait sur des courses comme le Grand Prix Saint-Etienne Loire ou les premières manches de Coupe de France, mais c’est un moindre mal. Je pense avoir une marge de manoeuvre et à présent, en revanche, je ne vais plus avoir vraiment d’autre choix que de l’exploiter, puisque le programme à venir s’annonce conséquent.
Au terme de ce premier cycle et avant ta reprise vendredi prochain au Circuit de Saône-et-Loire, tu as observé une coupure de vingt jours. En quoi a-t-elle consisté ?
Avec mon entraîneur Loïc Varnet, on a longtemps réfléchi sur la manière d’exploiter cette période de coupure. Elle était prévue au programme, c’est donc que nous maîtrisons bien les choses. Nous avons retenu un modèle de rupture avec la régularité du premier cycle, pour tenter de franchir un palier avant les échéances qui arrivent. J’ai coupé quatre jours sans vélo, puis j’ai alterné une sortie/un repos sur les quatre suivants, et enfin j’enchaîne deux blocs de trois jours très intensifs à la montagne. J’ai aussi perdu 3 kg, j’espère en perdre encore un. A l’issue du Circuit de Saône-et-Loire, je serai déjà en partie fixé sur la réussite ou non de ce programme. Mais je crois que cela peut fonctionner.
On sait que les manches de Coupe de France proposent souvent des circuits formatés, comment les juges-tu ?
Ce ne sont pas tant les circuits que le principe même de la Coupe de France des clubs qui participe au scénario souvent bridé des manches chaque année. Cela n’est pas pour me déplaire car cela convient à mes qualités, je sais frotter et je suis rapide. Je n’ai pas la caisse qu’ont certains autres de mes coéquipiers pour dynamiter la course. Je crois qu’il s’agit d’un problème sans trop de solutions : le barème de points, même s’il peut évoluer, fera toujours en sorte que dans toutes les situations de course ou presque, il y aura des équipes piégées. Quant aux circuits, le problème vient aussi du manque de candidatures, qui restreint forcément le champ des possibles.
Le Chambéry Cyclisme Formation présente un aspect formation en dehors du vélo, qu’y fais-tu et comment se décomposent tes semaines ?
Mon parcours est particulier. J’ai une moitié de licence de lettres appliquées, je sors d’un semestre de STAPS. Cette année, grâce au CCF, je travaille tous les matins de 8h00 à midi comme assistant communication au sein de la structure. En parallèle, je viens de terminer la rédaction de mon premier roman. L’écriture est mon autre passion. Mon cas de figure n’est pas trop représentatif du fonctionnement habituel mais cela me convient ainsi. L’an prochain, je reprendrai mes études de lettres.
As-tu été amené à déménager pour intégrer le Chambéry Cyclisme Formation ?
Oui, je vis sur Chambéry au quotidien, maintenant je ne rentre même plus les week-ends. J’ai quitté mes routes lyonnaises avec une pointe de regret mais ce n’est pas un adieu, et puis celles que je retrouve à Chambéry sont magnifiques également. Avec l’équipe, en début d’année, nous avions deux sorties foncières collectives, et une séance sur piste en plus d’un cyclo-cross. Le reste du temps je m’entraîne seul, j’ai aussi besoin de m’entraîner seul régulièrement.
L’effectif du CCF s’internationalise, comment le vis-tu ?
L’effectif de Chambéry a toujours comporté un petit tiers de coureurs étrangers, c’est une véritable richesse. Nous ne sommes pas concurrents, bien évidemment. A ce niveau, le sport nous permet de nous ouvrir au monde, parce que certains de nos coéquipiers sont étrangers, parce qu’on a l’opportunité de courir en-dehors de nos frontières, parce que nous courons régulièrement avec des coureurs étrangers. Il s’agit d’un prétexte supplémentaire aux échanges, à l’ouverture aux autres. Ce qui n’est pas toujours évident dans le monde du vélo, qui sous un certain angle, peut parfois dangereusement restreindre notre sphère sociale.
Le mois dernier, un nouveau coéquipier colombien, Eduardo Estrada, s’est installé avec toi à Chambéry. Comment se passe votre cohabitation ?
Eduardo est arrivé de l’autre côté du mur du jour au lendemain. Je me suis remis à l’espagnol. Je joue souvent le rôle d’interprête, puisque seul Maxime Le Lavandier et moi parlons un peu. Lui ne parle ni français, ni anglais. Pour nous deux, c’est très enrichissant. J’ai beaucoup de respect pour son parcours : il faut beaucoup de courage pour traverser le monde sans savoir vraiment où l’on va, sinon que l’on s’éloigne de ses proches et qu’on ne les reverra qu’à la fin de l’année. Pour le moment, il semble très à l’aise. Moi qui vivais seul dans mon appartement jusqu’ici, cela me met un petit coup de fouet.
De ces premiers échanges, quelles différences as-tu relevées entre la culture cycliste colombienne et la nôtre ?
La culture cycliste colombienne est très éloignée de la nôtre. Quand il est arrivé, Eduardo m’a demandé si le club courait le Tour de l’Avenir, ou plus récemment à quoi ressemblait le parcours de Liège-Bastogne-Liège. Croire que le cyclisme colombien est fortement lié au cyclisme européen, ou qu’il regarde le Tour de France à la télé comme veut nous le faire croire France Télévisions, est une grosse erreur. Le cyclisme colombien est très développé, mais indépendant. Il m’a expliqué qu’il n’a couru que dix courses l’an passé, mais beaucoup de courses par étapes, certaines avec les Espoirs. Au contraire de nous, ils n’enchaînent pas les jours de course, mais s’entraînent beaucoup. Et puis le climat et la topographie sont aussi très différents. Dimanche, à Dijon-Auxonne-Dijon, il a couru avec deux paires de chaussettes parce qu’il avait froid aux pieds. Il se moque aussi parce que nos cols sont faciles. Je lui ai dit d’aller monter le Relais du Chat !