Laura, on sait de toi que tu es double championne de France de cyclo-cross et championne de France Junior sur route. Peux-tu nous retracer ta carrière ?
J’ai 17 ans, je suis Juniors 2ème année. Je cours au CC Etupes et je suis étudiante au Pôle Espoir de Dijon où je fréquente également Manon Bourdiaux. En tout, nous sommes une douzaine de routiers. C’est la troisième année que j’allie route et cyclo-cross l’hiver. J’ai commencé le vélo par le BMX pendant sept ans, mais c’est complètement terminé pour moi. Je suis passée à autre chose.
Que t’a apporté cette discipline ?
C’est surtout intéressant au niveau technique. Grâce au BMX, j’ai appris à frotter. C’est d’une grande aide en cyclo-cross, mais aussi sur route, en peloton. En tout cas, je n’ai absolument pas peur de frotter, notamment lors des sprints. Cela m’a également beaucoup apporté en explosivité. Pour les départs en cyclo-cross, cela aide énormément. En revanche, paradoxalement, mon gros défaut sur route, c’est de tirer très gros alors que l’on est obligés de mouliner en BMX.
Tu étais pratiquement chez toi pour la première manche de Challenge National, mais l’air breton ne t’a pas trop réussi à Quelneuc il y a deux semaines.
L’explication est simple : j’ai fait la saison sur route jusqu’au bout et j’ai même participé au Championnat du Monde à Florence. Et je n’ai pas du tout coupé entre la saison de route et la saison de cyclo-cross. J’ai enchaîné la première manche du Challenge National à Saint-Etienne-les-Remiremont sur la forme que j’avais pour les Mondiaux. Ensuite, j’ai coupé deux semaines. J’ai senti que mon corps en avait besoin. J’étais très fatiguée et mentalement j’avais besoin de cette coupure. Pendant cette période, je n’ai pas du tout fait de sport. J’ai même pris entre deux et trois kilos. À Quelneuc, j’étais déboussolée, je n’avais pas mes repères, car j’ai changé quelques petites choses avec mon entraîneur.
Lesquelles ?
Je n’avais pas perdu mon foncier et j’ai donc pu rattaquer les intensités assez tôt. Je me suis aperçue assez rapidement que c’était en fait trop tôt. Après Quelneuc, je me suis rendu compte qu’il fallait mettre l’accent sur le renforcement musculaire, la course à pied, la force, plutôt que trop insister sur le vélo. À ma reprise, je pense que je ne faisais pas assez d’entraînements hors vélo. C’est ce que je privilégie maintenant avec mon entraîneur, Paul Herman, l’entraîneur du Pôle de Dijon.
Que penses-tu de la performance d’Emeline Gaultier, 1ère Junior à Quelneuc et 3ème du scratch ?
Je pense qu’elle est sa place. Mais si j’avais été en forme, j’aurais très certainement pu faire la même chose. La retraite de Christel Ferrier-Bruneau et l’hospitalisation de Pauline Ferrand-Prévot nous rapprochent, nous les Juniors du podium des Élites. Grosso modo, on peut dire qu’il y a deux places sur le podium qui sont, sauf grosse surprise, pour Marlène Morel-Petitgirard et pour Lucie Chainel. Mais pour la dernière place, les débats sont ouverts ! C’est à double tranchant. D’un côté, c’est motivant pour des Juniors comme moi, ou comme Emeline de se dire que l’on peut monter sur le podium. De l’autre, c’est vrai que c’est toujours bon de se frotter au plus haut niveau pour progresser. C’est en travaillant avec les meilleurs que l’on passe des caps.
Quel est ton programme en dehors des manches de Challenge National ?
Je cours avant tout sur des cyclo-cross régionaux. J’aurais pu faire les Championnats d’Europe, mais j’ai préféré refuser ma sélection par rapport à ma coupure. Par contre, je serai aux manches de Coupe du Monde de Namur et de Heusden-Zolder les 22 et 26 décembre. Ce sera clairement dans l’objectif de me préparer pour la finale du Challenge à Flamanville le 29 décembre où j’espère gagner la course et le général. Emeline Gaultier et moi, nous serons toutes les deux à notre vrai niveau ce jour là. Ce sera aussi en vue des Championnats de France à Lignières où je compte bien défendre mon titre.
Tu passeras donc des fêtes de fin d’année très studieuses.
C’est sûr que pour mes repas de réveillon ce sera des pâtes avec du blanc de poulet plutôt que foie gras et chocolat ! Je compte bien profiter des manches de Coupe du Monde pour me frotter aux meilleures mondiales et faire du bon travail.
Comment occupes-tu tes semaines ?
Tout dépend du prochain objectif. Si c’est une semaine après l’un de mes gros objectifs, c’est une semaine plus ou moins tranquille. Par contre, sur mes grosses semaines, je fais de gros volumes d’intensité. Parfois je peux même faire des intensités trois fois dans la même semaine. Par contre, ce n’est pas forcément du volume sur la route. Je fais souvent du 30″-30″. C’est un travail de relance. Je fais aussi pas mal de blocs de 4 à 5 minutes à très grosse allure. Je fais aussi des entraînements techniques avec des petits dévers, des portés de vélo et de l’intensité cardiaque pour apprendre à monter très haut. Mon maximum cardiaque est de 193 BPM, mais je ne l’obtiens que sur la route, car il y a énormément de relances, de contre-attaques. En cyclo-cross, l’intensité cardiaque est importante au départ, mais ensuite, comme les différences se font assez rapidement, tout se nivelle assez vite et c’est plus facile de gérer sa course.
Dans quel domaine estimes-tu devoir encore progresser en cyclo-cross ?
Je pense que je dois d’abord travailler le physique. C’est à dire savoir rouler plus longtemps à allure plus soutenue, pour bagarrer et tenir la distance sans craquer. En revanche, l’un de mes points forts, c’est l’explosivité que je dois à ma pratique du BMX. Mon autre grosse qualité, c’est le mental. Je ne lâche rien. Quand je suis en tête, je me mets l’obligation de gagner, quoi qu’il arrive. Ce mental en cyclo-cross est très différent de celui de la route, car le plus fort n’est pas toujours celui qui gagne.
Propos recueillis le 26 novembre 2013.