Avec 110 millions d’euros de chiffres d’affaires et 500 salariés, le groupe Selle Royal (Selle Royal, Fizik, Crankbrothers, Brooks) n’est plus tout à fait l’entreprise familiale fondée en 1954 par Riccardo Bigoli. A l’époque, désireux de concevoir des selles, c’est le soir que le fondateur italien s’attelait à cette tâche, travaillant à leur vente à la campagne avec ses amis pendant la journée. Le groupe familial a grandi année après année pour devenir l’entreprise gigantesque qu’il est aujourd’hui. Jusqu’à décider en 1996 de s’attaquer à un nouveau marché afin de proposer des produits haut de gamme, notamment en carbone. « Pour ce faire, il a été décidé de créer une autre marque afin de rester indépendant, de laisser libre cours aux idées, explique le directeur des activités Fizik Gaspare Licata. Une marque qui appartient au groupe Selle Royal mais qui travaille indépendamment, avec son manager, son équipe marketing, son équipe de vente, ses équipes de production. C’est ainsi qu’est née Fizik. »
Fizik ou fi’zi:k, si l’on opte pour l’orthographe retenue, qui n’est rien d’autre que l’écriture phonétique, telle qu’on la trouve dans un dictionnaire, du mot anglais fizik (physique). Le terme a été choisi en référence à l’être humain et pour sa connotation sentimentale. Gaspare Licata poursuit : « Fizik a créé des produits qui offrent un point de contact entre l’homme et la machine. La selle d’abord, puis la guidoline, les grips pour le VTT, et depuis trois ans les chaussures. Le triangle des points de contact est désormais complété. » Aussitôt, la jeune marque a bénéficié de l’héritage de Selle Royal, ses ingénieurs étant tous passés par le groupe auparavant.
Dès son arrivée sur le marché, la marque choisit d’adopter une stratégie propre à elle en se rapprochant du circuit professionnel. L’objectif : vanter les mérites de sa marque et bénéficier des retours des coureurs les plus exigeants. « Nous avons toujours pensé que le sponsoring était la clé du succès, soutient Gaspare Licata. Auprès du public mais avant tout pour les retours des coureurs pros, qui donnent beaucoup de crédibilité à nos produits. Si tu es capable de convaincre un pro que les produits sont bons, c’est gagné. » Fizik commence par équiper en selle la formation Batik d’Evgueni Berzin, qui bénéficiera d’une selle personnalisée en 1997. A cette époque, la marque se rapproche également de Giro pour affiner le design de ses produits de compétition et obtenir de l’aide sur la distribution. La coopération ne durera qu’une année, Fizik décollant rapidement.
S’il fallait retenir un produit marquant dans l’histoire du sponsoring de Fizik, c’est l’Arione, développée en collaboration avec les coureurs. « Nous avons compris que les règles de l’UCI référents à la longueur de la selle n’étaient pas adaptées, se souvient Gaspare Licata. En 2002, nous avons forcé la fédération internationale à modifier un règlement qui était devenu obsolète. Ça a profondément changé le cyclisme. » Avec l’Arione, Fizik remporte son premier Giro avec Gilberto Simoni et l’équipe Saeco en 2003.
L’Arione, c’est le produit qui fait décoller les ventes. Il y a dix ans, Fizik ne réalisait qu’un chiffre d’affaires de 2 millions d’euros, chiffre qui n’a décollé qu’au lancement de l’Arione en 2004 pour augmenter plus de dix fois en dix ans ! « Aujourd’hui, Fizik ce sont 22 millions d’euros de chiffres d’affaires sur les 110 millions du groupe Selle Royal, confie Nicolo Ildos, responsable marketing et communication de Fizik. Notre chiffre est issu à 75 % de la vente en magasin et 25 % de la première monte. »
Et sa réputation va crescendo, portée par les superbes performances des formations qu’elle parraine. Si Fizik admet injecter moins d’argent que d’autres dans les équipes qu’elle sponsorise (5 à 10 % de son chiffre d’affaires), elle garantit en contrepartie la fiabilité de ses produits. Huit équipes WorldTour étaient équipées par Fizik la saison dernière, à raison de 200 à 300 selles par équipes. Quand on sait que chaque selle est faite à la main, on imagine le coût que représente chaque partenariat.
Mais chez Fizik, on est fier d’être au contact du terrain, quand d’autres marques se contentent d’un partenariat lointain avec leurs équipes. « Nous nous déplaçons sur les événements, nous allons à la rencontre des coureurs, affirme le business director Gaspare Licata. Nous allons chercher les feedbacks pour tenir compte d’éventuels problèmes et pouvoir apporter notre service. »
On parle selle, mais aussi chaussures, dans un contexte dans lequel plusieurs équipes commencent à développer de vrais partenariats avec des marques de chaussures. C’est le cas de l’équipe Cannondale avec Sidi ou Lampre-Merida avec Gaerne. Chez Fizik, le projet n’est pas encore mûr : « nous y avons pensé mais il faut être prêt à le faire. Nous ne sommes entrés sur le marché de la chaussure que depuis trois ans et pour l’heure il nous est plus aisé de collaborer avec des coureurs individuels qu’avec toute une formation, estime Gaspare Licata. On se doit d’offrir le meilleur service, or nous ne sommes pas encore prêts à offrir un service complet à toute une équipe. »
Le partenariat signé entre la marque italienne et certaines équipes qu’elle sponsorise inclut la présence du logo Fizik sur le haut du cuissard, au-dessus du fessier. Un emplacement de choix pour la marque, qui y trouve la visibilité recherchée. Gaspare Licata : « pour nous, il est important d’avoir le logo à côté du produit, en l’occurrence la selle, afin de faciliter l’identification. Bien sûr quand nos coureurs gagnent, on ne bénéficie d’aucune visibilité, mais quand ils sont dans l’échappée, la caméra est toujours braquée sur l’arrière des coureurs et c’est bon pour nous. »
Au-delà des 5 à 10 % du chiffre d’affaires que représente le sponsoring, les investissements les plus importants de Fizik vont dans le marketing et la Recherche & Développement, deux domaines qui représentent au moins 20 % du chiffre d’affaires.
En France, la marque est distribuée directement par Fizik depuis l’Italie pour les chaussures (et les selles), et par Royal Vélo France (RVF) pour les selles. En Italie, la distribution est exclusivement menée par Fizik auprès des 700 revendeurs nationaux. « Depuis l’usine, nous livrons directement les selles et les chaussures. Chaque marché a besoin d’une structure commerciale propre, celui-ci nous convient bien », considère Nicolo Ildos, responsable marketing. L’Europe représente 40 % du business, dont 5 % pour l’Italie, 25 % pour l’Amérique et 35 % pour l’Asie/Océanie. « Nous avons rencontré cette année une croissance importante en Asie, mais nous avons également crû en Europe. »
En 2012, 25 000 chaussures (240 à 350 euros pour le haut de gamme) sont sorties des usines Fizik. « L’Arione aide beaucoup à la vente car c’est la selle qui a eu le plus de succès sur la route, rappelle Nicolo Ildos. Nous nous focalisons en premier lieu sur l’aftermarket et nous misons sur une croissance de 15 à 20 %, soit 550 000 à 600 000 selles, sachant que nous avons produit et vendu 500 000 selles en 2012. »
Fizik travaille sur du moyen terme : trois-cinq ans. Son ambition, à échéance, est de doubler son chiffre d’affaires pour atteindre 40 à 50 millions d’euros. « Nous l’avons doublé ces cinq dernières années et avons plus que doublé notre structure pour relever ce défi. » Pour cela, la marque entend avant tout stabiliser sa position sur le marché de la chaussure avant de se lancer sur de nouveaux projets comme le textile. Nicolo Ildos de conclure : « nous recevons beaucoup de sollicitations à ce sujet. Nous les étudions, mais la chose la plus importante, quel que soit le projet, est d’estimer quelles innovations techniques ou stylistiques nous pouvons apporter au domaine en question. »