Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable communication vélo sport et responsable des partenariats techniques chez b’Twin. Il nous livre son analyse à travers cette chronique. Suivez également Cyril Saugrain via Twitter : @cyril_saugrain.
Cyril, Peter Sagan a été sacré champion du monde à Richmond dimanche. Dans quelle mesure, son titre est-il bon pour l’image du cyclisme ?
Peter Sagan va apporter du dynamisme, de la modernité. Les derniers champions du monde sont très forts sur le vélo, mais plutôt discrets en dehors. L’homme attractif de ces dernières années, le Mario Cipollini moderne, c’est Peter Sagan ! Quoi de mieux pour le cyclisme que d’être représenté par son égérie ? Il apporte quelque chose de différent. Il est bankable pour les marques. Miser sur Peter Sagan, c’est se garantir de la visibilité parce que l’homme est suivi, parce qu’il est attractif. Ce n’est pas la même attractivité qu’un Chris Froome. Dans l’esprit, on se rapproche d’un Bradley Wiggins, même s’il n’est pas aussi fantasque ou d’un Mark Cavendish mais qui n’a pas le même panache. Il va donner un coup de jeune au maillot de champion du monde et au cyclisme de manière générale.
Comment peut-il gérer la pression qui accompagne ce maillot ?
Je pense que finalement, le maillot de champion du monde sera plus facile à porter pour lui que pour d’autres. Il a cette capacité à prendre du recul. La pression glisse sur lui. Quand on l’a vu sur le Tour de France, il avait le sourire du matin au soir. Il y a un paquet de coureurs qui auraient été découragés après cinq 2èmes places ! Lui est resté concentré et il y est arrivé sur le Tour d’Espagne. J’ai plutôt l’impression qu’il avait cette pression quand il allait sur les classiques. On attendait de lui à ce qu’il gagne une grande course, chose qu’il n’avait jamais réussi à faire. Il a gagné de belles classiques comme Gand-Wevelgem ou le GP E3, mais il n’avait jamais gagné les plus grandes. C’est désormais chose faite maintenant qu’il a gagné LA plus grande des courses. Ce titre de champion du monde devrait donc être un atout pour lui.
Sur le terrain, les champions du monde sont traditionnellement très surveillés. Ce titre ne risque-t-il pas d’accentuer encore un peu plus le marquage déjà opéré sur Peter Sagan ?
Tout le monde va l’attendre, mais il est habitué à se retrouver dans cette position-là. Tout le monde était déjà sur son dos. Il a toujours osé attaquer, mais peut-être le faisait-il d’un peu trop loin. Ce titre va le mettre dans une position confortable. Il pourra gérer ses courses un peu différemment. Parfois, pour gagner des courses, il faut être prêt à les perdre. L’année dernière, on l’attendait tellement, qu’il n’était peut-être pas encore tout à fait prêt à perdre des courses. Il avait tellement envie de gagner, qu’il n’attaquait peut-être pas toujours au meilleur des moments. C’est ce qu’il a su faire au Championnat du Monde.
Le circuit ne laissait pas de place aux surprises et aux offensives lointaines. N’est-il pas dommage qu’un Championnat du Monde se joue dans les cinq derniers kilomètres ?
On connaît souvent ce genre de choses sur les Championnats du Monde. On a bien senti que la course était figée. Mais tout le monde savait que la course allait être contrôlée par les grosses armadas nationales. Je pense tout de même que nous avons eu un beau Championnat du Monde. La pression est montée crescendo. Le final était haletant au possible. J’ai trouvé que c’était plutôt beau et spectaculaire. Tel qu’il était dessiné, le circuit ne permettait de mettre qu’une ou deux cartouches. Pas plus.
Les circuits des Championnats du Monde dans les années futures devraient-ils s’inspirer de ce qui a été fait à Richmond ?
D’une année sur l’autre, il ne faut pas des tracés qui soient trop similaires pour ne pas avoir chaque année les mêmes scénarios. Il faut aussi laisser l’opportunité à des coureurs aux profils différents. À Richmond, on avait clairement annoncé un circuit destiné aux coureurs de classiques, le classement l’a confirmé. Les organisateurs doivent réfléchir à l’attractivité télévisuelle de leur circuit au moment de dessiner les parcours. L’enseignement que l’on peut tirer c’est que l’on a du spectacle en finissant par une succession de bosses. Mais ces bosses ouvraient des possibilités à des coureurs spécifiques. Quel que soit le circuit, on sait en règle générale que les équipes se structurent pour mettre en avant leur leader au moment opportun du final.
A Richmond, les Français ont été peu en vue et n’ont pas pesé sur la course Elites. Était-ce la bonne stratégie ?
J’ai eu l’impression que la stratégie était claire. Arnaud Démare était protégé par Mickaël Delage. Nacer Bouhanni l’était par Julien Simon et Cyril Lemoine. Tony Gallopin devait avoir autour de lui Sébastien Minard et Florian Vachon. C’est vrai que l’on n’a pas vu les Français courir en unité comme ont pu le faire les Belges, les Allemands et les Néerlandais. On a misé sur trois profils et protégé trois coureurs. Les Français ne sont jamais allés dans les échappées. Jamais ils n’ont roulé à part pour rentrer dans le peloton suite aux chutes. On avait axé la course sur un dernier tour musclé. Au vu des circonstances, la tactique était la bonne. Arnaud Démare sort placé dans la dernière montée de Libby Hill. Dans la 23ème Rue, les trois leaders sont placés. Tony Gallopin doit normalement y aller, mais personne n’a eu les moyens de suivre Peter Sagan. Tactiquement, tout était bien joué, ils étaient présents au moment où il fallait l’être, mais physiquement les Français étaient un peu courts pour suivre Peter Sagan, mais cela vaut pour toutes les nations. C’est la loi du sport.