Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre son analyse à travers cette chronique.
Cyril, Fabian Cancellara réfléchit actuellement à l’idée de s’attaquer au record du monde de l’Heure l’an prochain. L’encourageriez-vous à s’attaquer à ce défi ?
Oui, clairement. Un rouleur hors pair comme l’est Fabian Cancellara se doit de tenter le record du monde de l’Heure. Je ne pense pas qu’il y ait de risque pour lui à se concentrer sur ce record. Si Fabian Cancellara se lance ce défi, il intégrera cela intelligemment dans son programme. Il peut préparer les classiques printanières puis ensuite se concentrer sur cet objectif !
En attendant, voilà un défi qui semble revenir à l’ordre du jour. Comment expliquer que ce record pourtant mythique soit tombé en désuétude vis-à-vis des meilleurs spécialistes du chrono ?
Le record du monde de l’Heure ne bénéficie pas de couverture médiatique, cet événement n’est donc pas un objectif pour une équipe. Seul le coureur qui souhaite s’y attaquer peut présenter ce type de projet à son team, lequel devra lui médiatiser le rendez-vous… Mais si Fabian Cancellara s’y colle, ce sera médiatisé ! Souvenez-vous quand Francesco Moser, avec ses partenaires, s’était lancé le défi en 1984. Il y avait eu une grosse couverture médiatique. En revanche Ondrej Sosenka a battu le record dans le plus strict anonymat en juillet 2005, certes en plein Tour de France, mais pourquoi l’événement n’a-t-il pas été couvert ? Il faut peut-être poser la question aux médias sportif et spécialisés.
Ne présente-t-il pas en outre un danger pour celui qui hypothèque une partie de sa saison dans cet objectif ?
Il faut le prendre en compte bien entendu. Avant de s’attaquer au record du monde de l’Heure, il faut s’y préparer et donc faire l’impasse sur une partie de la saison. Pour un groupe sportif ça présente peu d’intérêt. En fait il faudrait envisager cet événement comme on prépare un Vendée Globe Challenge. Trouver un sponsor qui accompagnerait le projet, mais les temps sont durs pour tout le monde.
Les contraintes de l’UCI, qui oblige les coureurs à faire usage d’un vélo traditionnel, ne sont-elles pas un frein supplémentaire quand les marques pourraient en faire un enjeu en matière de développement technologique ?
Je pense que si on veut des points de comparaison, il faut avant tout donner un cadre de jeu. Et en cela le vélo traditionnel est un cadre intéressant. Les composants évoluent, les matières progressent, l’entraînement se perfectionne… Dès lors avoir une règle telle que celle du vélo traditionnel est à mon avis une bonne règle. Mais pourquoi ne pas ouvrir un second record laissant libre la technologie et les inventifs s’exprimer (NDLR : les 56,375 kilomètres de Chris Boardman en septembre 1996 sur vélo non conventionnel ont été rebaptisés meilleure performance dans l’heure). On susciterait alors la curiosité et la couverture médiatique. On se souvient tous de Graeme Obree et son vélo si particulier. Pour moi c’est la voix à suivre.
Ce type de défi a-t-il encore sa place dans le cyclisme contemporain ?
Oui, sans aucune hésitation ! Et en plus cela fera avancer la recherche.
S’il s’y attaquait l’an prochain, Fabian Cancellara serait-il capable de battre, sur vélo traditionnel rappelons-le, la marque de 49,700 kilomètres détenue par Ondrej Sosenka depuis juillet 2005 ?
Je pense qu’il doit être capable de passer au-dessus des 50 kilomètres. Fabian Cancellara est une machine à rouler ! J’ai pour souvenir que tous ceux qui s’y sont collés ont souffert du fait de devoir tenir une position pendant une heure. Or si on le regarde lors de ses chronos, Cancellara est très peu souvent en train de relancer…
Tony Martin et Bradley Wiggins n’ont pas repoussé l’idée de s’y attaquer un jour, pourrait-on finalement assister à une résurgence du record du monde de l’Heure ?
Si il y a un intérêt médiatique et financier… Car si ce n’est que pour mettre son nom au palmarès, c’est certes très glorifiant mais ça ne rapporte rien ! Le sport de haut niveau ne se fait pas que pour la gloire. Souvenez-vous les paroles d’Ibra (NDLR : Zlatan Ibrahimovic, l’attaquant du Paris Saint-Germain), qui disait ne pas être intéressé par le Ballon d’or. Il n’a pas besoin de ce titre pour savoir qu’il est le meilleur. Ses paroles sont à confirmer mais le fond est là.