Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable communication vélo sport et responsable des partenariats techniques chez b’Twin. Il nous livre son analyse à travers cette chronique. Suivez également Cyril Saugrain via Twitter : @cyril_saugrain.
Cyril, dans sa volonté de moderniser le cyclisme sur route, l’Union Cycliste Internationale a permis et permettra encore en 2016 de tester en course les freins à disque. Est-ce une évolution majeure ?
C’est une évolution, oui. Le frein à disque a fait ses preuves dans le VTT, d’où il vient et où son utilisation est légitime. Quant à savoir si ce produit va trouver sa place sur la route, il reste beaucoup de questions en suspens. Si les coureurs professionnels estiment que c’est un réel apport dans leur quotidien, il sera validé et démocratisé pour devenir le produit de demain. Maintenant, il n’est pas dit que le frein à disque trouvera sa place sur route si les pros sont réfractaires à son utilisation, que les mécanos jugent complexe le réglage du frein pendant la course… Ce qu’on sait, c’est que la qualité de freinage est bien meilleure. Mais les coureurs en ont-ils réellement besoin sur la route ? L’avenir nous apportera les réponses. Mais comme pour tous ces produits, on sait que la décision de le démocratiser dépendra des équipes et des coureurs.
L’avez-vous personnellement utilisé ?
A VTT, oui, pas encore sur la route. Le freinage y est logiquement bien plus mordant. Le frein à disque aura forcément un apport intéressant sur des courses pluvieuses et dans de longues descentes. Sur d’autres terrains, je ne pense pas que ce soit si justifié.
En 2016, les patins et les disques vont cohabiter à auteur de plusieurs courses du calendrier, bien que la puissance de freinage ne soit pas la même. Est-ce une bonne démarche ?
Il est toujours complexe d’uniformiser au sein d’un règlement le fait que tout le monde doive utiliser la même chose. On sait qu’aujourd’hui il existe plusieurs fournisseurs de groupes. L’assistance neutre, en cas de problème, doit correspondre au plus grand nombre. Si tout le monde n’est pas équipé du même système de freinage, ça peut effectivement poser problème ! L’UCI devra se prononcer au terme d’une année nécessaire pour réaliser davantage de tests sur tout le calendrier et se faire de vraies convictions et prendre la bonne décision.
L’usage de l’oreillette, qui ne se limitait qu’aux seules épreuves du WorldTour depuis 2011, sera à nouveau généralisé en 2016. Est-ce un progrès ou une régression ?
J’ai un avis tranché sur l’oreillette, qui me donne la sensation de nuire à la spontanéité de la course. Les coureurs sont malheureusement un peu pilotés et disposent des informations en direct. On sait rapidement qui se trouve dans l’échappée. Les coureurs ont alors cette capacité à réagir et à prendre une décision dans la seconde. Sans l’oreillette, il y a encore quelques années, il fallait attendre les informations de l’ardoisier. Ce temps d’information donnait davantage d’opportunités aux coureurs offensifs.
Vous n’êtes donc pas favorable au retour de l’oreillette ?
Disons que j’aurais préféré qu’on accorde une oreillette par équipe, attribuée à un capitaine d’équipe, de manière à ce que l’information et les communications ne passent que par lui, et que les autres coureurs ne soient pas tous au fait de ce qui se passe. Ça donnerait là encore lieu à des courses plus animées et permettrait de conserver la communication naturelle au sein du peloton.
Toujours pour valoriser l’image du cyclisme, l’UCI a décidé d’autoriser sans restriction l’usage des caméras embarquées à compter de 2016. C’est une avancée là encore ?
A partir du moment où les caméras ne gênent pas, qu’il n’y a pas de danger pour les coureurs, je trouve bien que l’on généralise leur utilisation. Ça va nous apporter des images de l’intérieur, permettre à des personnes qui n’ont jamais mis les roues dans un peloton de voir comment ça se passe, comment ça bouge. Un peloton, c’est en permanence en mouvement. Ça fait de superbes images, ça éveille la curiosité, on voit plein de belles choses. Plus encore que de la communication, on apporte une information supplémentaire au spectateur.
On voit également se développer les dispositifs de géolocalisation des coureurs. En quoi cet outil peut-il révolutionner lui aussi le cyclisme du XXIème siècle ?
Nous n’avons pas encore utilisé ce système à l’étude, mais pour nous consultants cela pourrait être très bien de bénéficier d’un écran indiquant la position de chacun. Stratégiquement, ce sont également des informations ultra importantes. Il arrive, par manque de caméras, qu’on perde le fil quand trop de groupes se forment. C’est arrivé l’été dernier sur le Tour de France. Depuis mon poste de consultant pour la RTBF, nous manquions d’informations pour renseigner les téléspectateurs. Cet outil de géolocalisation serait clairement un plus qu’on pourrait pourquoi pas mettre à la disposition de tout le monde.
Toutes ces évolutions vont-elles dans le sens d’un cyclisme sur route en quête d’une image plus sexy ?
Tout ce qui œuvre pour rendre le vélo plus fun est une bonne décision. On le voit dans le VTT, qui a certes une histoire plus récente que le vélo de route, nourri d’histoires et de codes. Mais je pense que le cyclisme sur route doit se moderniser. Et ce qui a pu lui arriver de mieux dernièrement, c’est la victoire de Peter Sagan au Championnat du Monde. C’est quelqu’un qui je pense va apporter cette fraîcheur, ce dynamisme. Et il vient du VTT ! C’est le moment d’apporter un peu de visibilité, un peu de show à la Sagan, sans pour autant tomber dans le sport-spectacle. C’est un équilibre à trouver. A l’image de son champion du monde, le cyclisme sur route est sur la voie de la modernisation. Et c’est une bonne chose.