Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre son analyse à travers cette chronique.
Cyril, le Tour d’Espagne, qui s’est élancé samedi dernier de Galice, n’est-il pas la parfaite occasion pour des coureurs qui ont raté leur Tour de France de rebondir ?
Tout à fait, ça va être le cas de Thibaut Pinot. La fin de saison reste toujours très importante. Il y a le Tour de France, certes, mais la saison ne se termine pas là. Il reste toutes les courses d’après-Tour, soit de belles choses à aller chercher : la Vuelta, de belles classiques et bien entendu les Championnats du Monde qu’il convient de préparer. Je pense qu’il y a encore de quoi rebondir pour ceux qui n’ont pas brillé sur le Tour. Quant à ceux qui ont réussi leur mois de juillet, il faut continuer. C’est ce qu’a su faire Christophe Riblon en performant sur le Tour de Pologne.
Comment se remobilise-t-on pour les derniers mois de compétition à la sortie de trois semaines aussi intensives que le Tour ?
A la sortie du Tour de France, il y a une période de décompression durant laquelle, si on n’arrête pas de rouler, on roule beaucoup plus cool. C’est ce qu’on appelle la surcompensation, après la grosse charge de travail accumulée sur le Tour. Si on ne sort pas trop fatigué du Tour, c’est tout bénef pour finir la saison. Mais si on veut aller au Mondial et qu’on a levé le pied, il va falloir se remettre dans le bain rapidement.
Vous évoquiez la participation de Thibaut Pinot à la Vuelta. Est-ce pour lui la bonne stratégie que de rabattre ses ambitions sur le Tour d’Espagne ?
Je pense que c’était important pour lui de repartir sur un Grand Tour. On attendait énormément de lui au Tour de France. Je ne pense pas qu’il ait péché physiquement mais il a pris un coup au moral en ne parvenant pas à suivre dans les descentes. Psychologiquement c’est dur à encaisser. A partir de là il n’a pas su se remobiliser puis il est tombé malade. Mais il est encore jeune. Je pense donc qu’il est important qu’il ait pris ce recul afin de se relancer sur la Vuelta. Je suis plutôt confiant pour lui. Les qualités de l’homme sont là.
La pression médiatique moindre au Tour d’Espagne peut-elle l’aider ?
La Vuelta, c’est toujours moins dur psychologiquement. Il y a moins de pression pour les Français. C’est une course qui lui convient très bien avec des arrivées au sommet. Ce sera plus simple à gérer, c’est sûr.
Le calendrier reste chargé au mois d’août comme en septembre. De nouvelles épreuves y font leur apparition cette année comme l’Arctic Race of Norway ou le Tour d’Alberta. Est-ce une bonne solution ?
Les équipes sont conséquentes aujourd’hui, avec plus de vingt coureurs pour certaines. Il faut que tout le monde puisse trouver à s’exprimer. A l’époque où je courais, après le Tour de France c’était dur de trouver d’autres courses et de rester mobilisé. Il fallait faire toutes les grandes courses pour garder le rythme et ce n’était pas facile. Désormais il y a des courses un peu partout. Ça permet à chacun de s’exprimer et de trouver le rythme avant de s’aligner sur de grandes épreuves. C’est bien de trouver des courses pour pouvoir garder la condition.
Dans le cadre de la préparation au Mondial, la Vuelta est-elle un passage obligé ?
Il y a tellement de voies possibles aujourd’hui qu’on ne sait plus dire ce qui est obligé. C’est néanmoins un passage important. La Vuelta, ce sont trois semaines de course, beaucoup de volume et de charges conséquentes qui permettent de bien préparer la fin de saison et en l’occurrence les Mondiaux. L’alternative au Tour d’Espagne, c’est le Canada, avec des courses en circuit usantes aux Grands Prix de Québec et Montréal. Ça me paraît de plus en plus incontournable pour préparer le Championnat du Monde.
Qu’attendez-vous de la sélection de l’équipe de France pour les Mondiaux ?
J’attends qu’on ait une équipe qui soit bien organisée. On a des coureurs qui marchent bien et qui peuvent performer. Peut-être ne faut-il pas désigner un leader mais se dire qu’on a des opportunités et courir intelligemment. Beaucoup de coureurs ont su le faire sur le Tour. C’est une manière de courir qui peut profiter aux Français. On sait qu’il y aura des coureurs à marquer, on peut peut-être en sacrifier un, mais à mon avis il ne faut pas canaliser toute une équipe sur un leader. Ce serait risqué.
L’équipe de France disposera de neuf coureurs au départ, autant que la Slovaquie grâce à Peter Sagan, alors que la Belgique n’en comptera que sept. Trouvez-vous cela logique ?
Il y a une règle et un classement UCI établi à cet égard. Maintenant, je ne fais pas les classements. Peut-être faut-il réfléchir à une évolution de ce règlement. C’est sûr que ce n’est certainement pas l’idéal qu’un pays comme la Slovaquie se présente avec neuf coureurs et que la Belgique n’en ait que sept. Deux coureurs en moins, c’est toujours important, mais il suffit d’avoir le bon et ça peut marcher. L’équipe de Belgique pourra moins prendre la course en mains. Elle va devoir être vigilante, mettre certainement des hommes à l’avant pour ne pas avoir à rouler. Des Greg Van Avermaet ou Stijn Devolder aiment les courses en circuit. Quant à Philippe Gilbert il faut toujours s’en méfier.