Saugrain Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable communication vélo sport et responsable des partenariats techniques chez b’Twin. Il nous livre son analyse à travers cette chronique. Suivez également Cyril Saugrain via Twitter : @cyril_saugrain.
Cyril, vous avez découvert vous aussi le tracé du Tour de France 2016 il y a dix jours. Qu’en retenez-vous en un mot ?
Je trouve ce parcours assez inédit quant au tracé et aux sites d’arrivée qui nous seront proposés. Il est innovant quant à sa structure et à mon avis usant et propice aux attaquants.
Le Tour 2015 s’est joué dès la première étape de montagne, le tracé ainsi défini peut-il écarter un tel scénario au profit d’une course à suspense ?
Nous devrions à mon sens avoir un scénario différent de celui de 2015. Je n’imagine pas quelqu’un reproduire dans la première étape de montagne ce qu’a fait Chris Froome à la Pierre-Saint-Martin, que ce soit dans le Cantal avec l’arrivée au Lioran au cinquième jour de course ou dans les Pyrénées avec celle du Lac de Payolle. Ces étapes devraient réserver davantage de surprises, avec une échappée au long cours et des attaquants qui viendront jouer les troubles-fêtes et ne permettront pas aux favoris de se positionner tout de suite en tête du classement général. Dès lors je pense effectivement qu’on s’orientera vers un Tour de France à suspense.
Quelle influence auront les deux contre-la-montre musclés placés à six jours d’intervalle ?
Ce seront des points de passage obligatoires pour les leaders, qui devront y répondre présent. Il faut souligner que ces deux chronos sont placés au lendemain d’une étape de montagne avec arrivée au sommet, le Ventoux pour Bourg-Saint-Andéol-La Caverne du Pont-d’Arc, Finhaut-Emosson pour Sallanches-Megève. Ce sera un élément important car il s’agira de gérer. Les meilleurs rouleurs auront tendance à se ménager en montagne pour préserver de l’énergie quand les moins bons contre la montre auront tout intérêt à rendre la course très difficile sur ces deux étapes de montagne préliminaires et entamer les forces des rouleurs. Ce sera à double tranchant mais les étapes de montagne ainsi placées vont laisser la possibilité aux non spécialistes de rendre la course plus difficile la veille des chronos.
La troisième semaine dans les Alpes comportera des étapes moins connues. Qu’est-ce que cela peut changer ?
J’évoquais en préambule un Tour inédit, mais cela va-t-il changer quelque chose dans le comportement des leaders ? Je ne crois pas trop. Tout le monde va prendre le temps d’aller reconnaître ces routes sur lesquelles ils n’ont jamais posé les roues. En apparence car si elles sont nouvelles sur le Tour, ces routes ne sont pas complètement inconnues. Ce qui est sûr c’est que la façon dont vont s’enchaîner ces étapes peut potentiellement changer la donne, si on veut rendre ce Tour plus mouvementé, avec des attaques, et peut-être plus difficile à contrôler. On aura beaucoup de moyenne montagne sur ce Tour 2016, ce qui devrait permettre à davantage de coureurs de s’exprimer pour rendre la course plus vivante.
Bernard Hinault estime que pour gagner ce Tour, « il faudra être entreprenant et présent partout », partagez-vous ce sentiment ?
A 100 %. Je ne pense pas que cette édition soit favorable aux attentistes. Ce sera plutôt un Tour de mouvement. Il faudra être vigilant dès le départ en Normandie, où personne ne sera à l’abri de surprises, puis à partir du Cantal avec des étapes compliquées. Il faudra prendre des risques, entreprendre des choses.
A la faveur peut-être des coureurs français qui, pour gagner le Tour, devront impérativement passer par une course de mouvement…
Oui. Mais on sait par expérience qu’il faut savoir gérer les lendemains. Si c’est passer à l’offensive pour prendre une cartouche le lendemain… Maintenant, il sera en effet impératif, pour les Français mais aussi des coureurs comme Vincenzo Nibali par exemple, de prendre des risques. Car à la vue des derniers Tours de France, le seul capable de s’appuyer sur les contre-la-montre et les arrivées au sommet, c’est Froome. Il sera en mesure de faire des différences conséquentes sur les deux chronos puis de gérer les arrivées au sommet. A ses adversaires de trouver la faille, qui passera nécessairement par une course de mouvement.
Plus qu’ils ne l’ont fait cette année ?
Ce ne sont pas tant les Sky qui ont gagné le Tour mais les Movistar qui l’ont perdu. Ils ont eu des opportunités de faire le break sur les deux dernières étapes de montagne, mais ils ont été trop préoccupés par garantir un podium à Alejandro Valverde. De fait, ils ne se sont pas livrés dans la bataille pour aller gagner le Tour de France. Si Valverde revient sur le Tour en 2016, j’espère que ce sera pour faire gagner Nairo Quintana.
Côté règlement, que faudrait-il faire pour que le Maillot Vert soit bel et bien le meilleur sprinteur à la fin du Tour ?
Il faut d’abord se mettre en tête qu’on identifie le maillot vert comme le maillot des sprinteurs quand il est bien celui du classement par points, donc de la régularité. Maintenant, pour favoriser les purs sprinteurs comme c’était le cas il fut un temps, il faudrait mettre beaucoup moins de points dans les sprints intermédiaires et davantage aux arrivées des étapes de plat, car là où Peter Sagan fait la différence, c’est quand les sprinteurs ne sont plus là. Dans des étapes de montagne où il va parvenir à prendre l’échappée du matin pour rafler tous les points du sprint intermédiaire voire encore marquer des points aux arrivées.
Quatre arrivées en altitude, deux contre-la-montre, des descentes, des massifs intermédiaires, où se fera selon vous la décision ?
On sait que les chronos feront des écarts, mais je mettrais bien une pièce sur les massifs intermédiaires, avec des coureurs du type Bardet ou Nibali, qui pour moi ont vraiment le profil pour créer du danger sur ce type de route.