Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre son analyse à travers cette chronique. Suivez également Cyril Saugrain via Twitter : @cyril_saugrain.

Cyril, on a vu dimanche au Tour des Flandres l’équipe Omega Pharma-Quick Step échouer en dépit de son surnombre au sommet du Taaienberg. Comment l’expliquer ?
Je pense que c’était l’équipe la plus solide, avec plusieurs coureurs capables de s’imposer, mais qu’elle a présumé de ses forces et qu’elle est finalement tombée sur plus fort. Les Omega Pharma-Quick Step, qui avaient parfaitement contrôlé la course dans un premier temps, ont sans doute présumé le fait de pouvoir suivre Fabian Cancellara dans le dernier enchaînement Vieux Quaremont-Paterberg. Ils auraient dû devancer son attaque en envoyant des flèches plus tôt au lieu de s’évertuer à contrôler. Ils se sont contentés de suivre les différentes attaques, toujours avec Stijn Vandenbergh, qui est chez OPQS le plus faible au sprint. Il aurait mieux valu envoyer un Stybar ou un Terpstra, voire Tom Boonen lui-même, qui savait très bien qu’il n’aurait peut-être pas la jambe pour suivre Fabian Cancellara dans les derniers monts. Ils ont finalement péché à trop vouloir courir sur leur unité.

Ils seront dimanche en quête de rachat sur un Paris-Roubaix dont le parcours se prête peut-être davantage aux courses d’équipes que celui du Tour des Flandres ?
Même s’il faut un minimum de forces sur un secteur pavé, il est en effet parfois plus facile de suivre dans la roue sur Paris-Roubaix que dans un mont pavé. Je pense que Tom Boonen sera bien mieux sur Paris-Roubaix et que son équipe aura davantage les moyens de mettre ses adversaires en difficulté. Encore faut-il qu’ils ne reproduisent pas la même erreur que dans les Flandres. Comme beaucoup d’équipes, il va leur falloir attaquer de plus loin car s’ils arrivent groupés dans les derniers secteurs, ils se heurteront à Fabian Cancellara et Sep Vanmarcke, les deux coureurs capables de faire la différence sur la force pure sur les secteurs pavés.

Comment s’y prendre pour distancer Fabian Cancellara et Sep Vanmarcke ?
La seule façon de peut-être les battre, c’est de les piéger. Il faut leur faire comprendre qu’on est prêt à perdre la course avec son leader pour la gagner avec un outsider. Faire sortir un second couteau quitte à le faire gagner est une stratégie valable pour toutes les équipes. L’objectif, c’est d’inciter les autres à travailler pour revenir, d’obliger Cancellara à faire l’effort pour boucher une ou deux minutes. Rappelons-nous que l’an passé il avait fourni un gros effort pour rentrer avec Stybar sur Vanmarcke et Vandenbergh mais n’avait pas su les faire sauter dans le Carrefour de l’Arbre. C’est une chute qui a éliminé Stybar et Vandenbergh dans ce secteur. Je le répète, il faut parfois être prêt à perdre pour gagner. Maintenant, ça reste un pari. Mais vu la force de Cancellara et Vanmarcke, si on ne prend pas de risques on connaît le résultat.

De son côté, comment Fabian Cancellara, qui n’a peut-être pas l’équipe pour l’épauler, doit-il courir ?
Au Tour des Flandres, Fabian Cancellara s’est vite retrouvé sans équipier mais il ne faut pas oublier que Yaroslav Popovych et Stijn Devolder, son plus gros lieutenant, ont été jetés au sol. Je pense qu’il aura dimanche un équipier de plus dans le final. Son équipe doit pouvoir mieux répondre à Roubaix qu’au Ronde. Sa pièce maîtresse reste Stijn Devolder. Maintenant on a vu dimanche qu’il avait su profiter du retour des Cannondale pour que tout rentre dans l’ordre.

Les exemples de Knaven en 2001, O’Grady en 2007, voire Vansummeren en 2011, prouvent qu’un outsider peut parfois profiter d’une situation de course favorable. Peut-on imaginer un tel scénario se produire sur l’édition 2014 ?
Depuis le début de saison, on assiste à une multitude de vainqueurs sur les Flandriennes : Stannard, Boonen, Terpstra, Sagan, Degenkolb, Cancellara… Personne n’a réalisé de doublé pour l’instant. Fabian Cancellara marche très bien mais il n’a pas montré sur le Vieux Quaremont la capacité à faire sauter Sep Vanmarcke, qui a même accéléré sur le sommet du Paterberg. On peut imaginer qu’ils seront les plus forts dimanche, d’où l’importance d’attaquer de loin en plaçant des hommes aux avant-postes et de ne pas avoir à subir l’accélération de Cancellara. Il faut éviter d’avoir à devoir le suivre.

Bradley Wiggins se montre très ambitieux pour Paris-Roubaix. De quoi le pensez-vous capable à Roubaix ?
Bradley Wiggins est capable de tout. Il a été champion du monde et olympique sur la piste. Il a fait du Tour de France un objectif et l’a gagné. J’imagine qu’il s’est mis Paris-Roubaix en tête depuis un certain temps. C’est quelqu’un qui sait rouler très vite et mettre du braquet. Paris-Roubaix, c’est ça. Sur des pavés certes mais de très bons rouleurs s’y imposent parfois. Il s’est classé 32ème du Tour des Flandres dimanche, il n’est pas à la rue. C’est aussi quelqu’un de très malin. Il a pu rester attentiste au Ronde pour ne pas éveiller les soupçons. Je m’en méfierais, même si pour moi le plus gros outsider, sur ce que j’ai vu aux Flandres, c’est une fois de plus Alexander Kristoff.

On annonce du soleil et une quinzaine de degrés dimanche, mais ni boue ni poussière. Peut-on parler de conditions idéales pour cette édition ?
Il n’a pas plu depuis trois jours, il fait soleil et la route est sèche. Je vais faire une petite reconnaissance aujourd’hui avec l’équipe FDJ.fr afin d’échanger avec eux par rapport au textile b’Twin. Les secteurs vont être plutôt propres, secs. Pour ceux qui aiment le beau temps et les courses rapides, ce sera idéal, mais quelle que soit la météo, la course est dure sur Paris-Roubaix. Un pavé sec va davantage ouvrir la course. Ce sont des conditions qui laissent présager un beau Paris-Roubaix, avec beaucoup d’attaques. On a vu une superbe course la semaine dernière au Tour des Flandres, et je pense qu’on aura une course hyper animée également sur ce Paris-Roubaix.