Professionnel de 1994 à 2003, vainqueur d’une étape du Tour de France au lac de Madine en 1996, Cyril Saugrain est aujourd’hui responsable du développement des partenariats techniques chez b’Twin. Un vendredi sur deux, il nous livre sa chronique.
« Dimanche, Francis Mourey va s’attaquer une fois encore au Championnat du Monde de cyclo-cross, avec l’espoir d’un podium voire mieux. Je pense que c’est faisable et je le lui souhaite vivement, même si on sait que ça va être très compliqué avec l’armada belge. Francis Mourey a cette année les qualités qui doivent lui permettre d’aller chercher cette victoire. Reste la question du circuit. Certains disent que c’est très roulant, mais entre le gel et le dégel, ça peut devenir un bourbier. Pour Francis, il faut que ce soit un peu le bourbier, un peu dur, tout en force physiquement. Il a les capacités pour un titre mondial, il a prouvé dans différentes Coupes du Monde que plus c’était dur et plus il était au niveau des meilleurs.
L’autre atout à sa réussite, c’est l’organisation de ces Mondiaux aux Etats-Unis. On sait que le cyclo-cross est une pratique montante là-bas. Il y a un vrai engouement autour de la discipline et il faut s’attendre à trouver un vrai public de connaisseurs, mais ce n’est pas le public flamand, et le fait qu’il y ait beaucoup moins de Belges autour du circuit peut tout à fait aider Francis Mourey.
En Belgique, le vélo et le cyclo-cross font partie de la culture. En France des jeunes s’y intéressent, aiment cette pratique, mais on les accompagne moins à un moment quand de vraies structures sont mises en place chez nos voisins belges, avec des équipes dédiées au cyclo-cross. La discipline nécessite un gros encadrement, plusieurs mécanos, plusieurs vélos, il faut mettre des structures adéquates, ce qui manque en France. Ce qu’il faut noter aussi, c’est que la Belgique est un petit pays géographiquement. Tous les soirs, les coureurs peuvent rentrer chez eux et repartir sur une course le lendemain. Cela permet aux meilleurs de courir ensemble tous les week-ends. En France, le territoire est tellement grand que ce n’est pas envisageable.
En tant qu’ancien cycliste, je regrette qu’on n’emmène que deux ou trois coureurs par course à Louisville. Certes, combien sont capables d’être au niveau sur un Mondial ? Mais il est toujours dommage de limiter l’éclosion d’une pratique par rapport à un budget. La fédé ne s’est pas déplacée sur toutes les Coupes du Monde. Ça complique la hausse du niveau et c’est malheureux car je pense qu’il y a un réel avenir dans le cyclo-cross. C’est pour moi une des disciplines qui va continuer d’éclore, peut-être plus dans les pays traditionnels, mais vu l’engouement qu’il rencontre aux Etats-Unis ou en Angleterre, il n’y a pas de raison que le cyclo-cross ne devienne pas un sport à la mode.
Pour progresser, beaucoup de jeunes se rapprochent donc de la Belgique. Du fait que les meilleurs mondiaux soient là-bas et courent ensemble tous les week-ends, il faut se confronter à eux si l’on veut atteindre ce niveau. On ne peut pas prétendre devenir champion du monde si l’on court des courses régionales tous les week-ends. Il y a un dicton qui dit « dis-moi qui tu bats, je te dirai qui tu es », je pense qu’il est important pour ces jeunes de se confronter au top niveau. Ils verront ainsi les étapes qui leur restent à accomplir pour gravir le dernier échelon. Après, c’est de l’investissement financier…
Quand je vois les résultats d’un Clément Russo ou d’un Julian Alaphilippe, je suis plutôt confiant pour l’avenir du cyclo-cross français. Il y aura un après-Mourey dans les années futures. J’ai l’impression qu’il y a une recrudescence de jeunes qui se spécialisent et qui mettent toute l’énergie pour arriver à faire quelque chose de bien en cyclo-cross. Oui, je suis confiant.
Mais pour l’heure, Francis Mourey est en place. Dimanche, je le donne gagnant, disons devant Niels Albert et un Jonathan Page car les Américains, chez eux, seront forcément forts. Pour moi, c’est difficile de faire un autre pronostic. Quand je regarde une course avec des Français au départ, je suis pour eux. Je pense que Francis a réellement la capacité de gagner, ça va être dur c’est sûr, mais je n’ai pas envie de faire un autre pronostic que Mourey champion du monde. »
Cyril Saugrain