Depuis notre dernier jdb comment se passe ta saison sportivement ? Ta progression en chrono et sur les cyclos ?
– Je réalise une saison régulière jusqu’ici. En moyenne je cours un week-end sur deux. Ce qui me donne plus de fraicheur et un goût de la course prononcé.
Sur les cyclos j’ai pu accrocher 4 fois le podium (au général) sur 5 participations.
En chrono je sens que j’apprends sur chaque départ. Je commence à être de plus en plus à l’aise. L’effort me convient bien et les résultats sont très encourageants. Là aussi 5 départs (4 top 5) et une belle 8ème place au championnat Auvergne Rhône Alpes Elite. J’ai également participé à une manche UCI World series en Slovénie (3ème au clm, 5ème en ligne).
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Ton choix de te lancer dans le contre la montre est-il concluant ?
– Je trouve qu’alterner entre les 2 disciplines est vraiment sympa tant en course qu’à l’entrainement. Le côté ludique, nouveauté, apprentissage… dans l’enchainement des saisons apporte une attraction que je cherchais. Pour les épreuves à l’étranger, cela permet aussi de faire le déplacement pour 2 départs.
Il est certain que j’ai acquis de nouvelles qualités (comme la force sur le plat et faible pourcentage) au détriment d’autres (grimpeur en grand col). Je m’entraine avec autant de régularité mais le volume est moins important car mes séances spécifiques chrono ne dépassent pas 2h30. Ma morphologie a aussi évolué (+2 cm de tour de cuisse), et mon affûtage a été retardé (d’où ma peine en fort pourcentage).
Quel est ton programme pour la suite ?
– Je suis justement en période d’affûtage et de préparation pour les championnats de France master. 15 jours ciblés avant ce double objectif (CLM et circuit).
Ensuite je devrais participer à l’étape du tour chez mes voisins de Val Thorens (toujours sous les couleurs de La Toussuire et La Maurienne quand même !!! sic). L’un des initiateurs, Marc Hudry (qui organisait La Bourgui) est un ami. Même si mes orientations sont autres cette année je vais revenir dans l’effort que j’ai tant aimé ! J’enchainerai d’ailleurs fin juillet avec La Chambérienne et le tour de Tarentaise (sur 4 jours). Le mois d’août n’est pas encore défini mais il sera articulé en vue des mondiaux en Pologne.
On voit que tu es bien centré sportivement, que tu prends encore du plaisir avec un dossard. On imagine la somme de tes entrainements, à l’heure où d’autres auraient levé le pied… Comment expliques-tu cette motivation ?
– Celles et ceux qui connaissent mon histoire ou lu mon livre «contrôlé : Bâtard ! », savent d’où m’est venue l’inspiration pour remonter tardivement sur un vélo…J’ai trouvé par ce moyen d’expression, un outil fabuleux aux multiples facettes qui m’a apporté un bénéfice inestimable pour ma reconstruction et mon bien-être. Je dis souvent que le sport a été l’ami de ma vie !
Comme chacun peut l’imaginer, différentes approches sont heureusement envisageables dans la pratique d’un sport. Pour moi, l’envie d’épingler un dossard s’est rapidement invitée, et les explications sont aisément identifiables. Le besoin de se mesurer, de se prouver, de se surpasser, de se rassurer, de se battre, de se surprendre… et surtout de jouer à ce jeu en endossant un nouveau rôle. Un esprit de compétition que j’ai eu la chance de rassasier sans ‘’mauvaise pression’’ et sans objectif précis. Tout ce que j’ai réalisé progressivement l’a été sans contrainte jusqu’ici. Je gagne certains paris, j’en perds d’autres… Parfois un brun de déception s’invite, mais toujours éphémère lorsque je replace la chance qui m’est accordée d’évoluer dans cette aventure privilégiée. Je pourrais remplir des lignes pour analyser ces heures de selles et cette envie de modeler ce chemin. La recherche de vérité est un vecteur primordial dans mon action.
Ma nouvelle orientation vers l’effort solitaire est la suite parfaite qui me manquait. Se retrouver vraiment face à soi même, sans les artifices de la stratégie et autres comportements trop calculateurs, fait qu’on se rapproche encore un peu plus de sa vérité…
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Et toujours pas de coup de gueule ?
– Lors de mes posts FB sur mes périples sportifs, rarement je suis revenu sur le passé. Jamais ce soit disant esprit de compétition ne m’a fait pencher vers la rancœur ou les regrets. Une seule fois le goût amer a persisté et m’a déstabilisé. C’était aux Mondiaux de Varese et cette 5ème place que je n’acceptais pas. Il y a des signes que l’on ressent et celui là m’a fait douter. Je n’ai pas aimé me voir réagir ainsi alors que la situation ne le méritait toujours pas. Une alerte pour me dire qu’il était sans doute temps de passer à autre chose. Puis l’étincelle du chrono est revenue m’animer. Aujourd’hui, je sais pourquoi cette journée m’est restée en travers !
J’ai déjà vécu quelques journées étonnantes où tout semble aligné pour être fort ou même gagner. Un parfum spécial qui fait que vous n’êtes même pas surpris du scénario. Il peut s’effondrer sur une crevaison, sur une chute, sur une erreur tactique… mais lorsque rien ne vient obstruer cet élan magique, la bataille doit avoir lieu. Ce jour là ce parfum était si embaumant et la bataille tellement inégale que le sentiment m’a gêné, au point d’avouer ma déception et au risque de paraitre ridicule. Je l’ai enfin mon explication : L’extraterrestre Espagnol qui nous a atomisé ne pédalait pas seul !
Contrôlé à l’EPO, ce triste individu est désormais déchu. Il a été rattrapé sur une course annexe tout comme un Italien dans une autre catégorie et comme un Belge l’an dernier (tous vainqueurs aux mondiaux masters). En cyclo l’an dernier, il y a eu le Colombien 2ème de l’étape du tour. Plus tard 2 français d’un niveau anecdotique sont tombés également.
Oui on en a tous perdu quelques unes et certains podiums auraient été différents, même s’ils restent tous sans grand lendemain. Faire 3ème ou 2ème de La Marmotte ne va pas changer la face du monde ! « Toi qui triches d’une manière ou d’une autre, directement ou indirectement, je sais que tu es malheureux d’être dégueulasse et faux. »
Affronter les comportements injustes a souvent bercé mes choix de vie notamment professionnels. Les conséquences pesantes n’ont pas été de tout repos… Je m’étais un peu promis de ne pas réagir face aux quelques tricheurs que j’allais inévitablement croiser ici aussi, dans ma vie parallèle de sportif. J’avoue que ma perception de ces gars à évolué.
Et je ne peux pas rester complètement muet devant l’inefficacité ou la lenteur des institutions et organisateurs pour tenter de limiter et combattre ces pratiques dans le cyclosport. Depuis 2014, j’ai 160 départs et seulement 3 contrôles (dont 1 en Italie qui a vu le déclassement d’un ancien pro qui me devançait sur le podium).
J’ai horreur des sempiternels débats sur le dopage que l’on voit sur les réseaux et qui souvent partent dans tous les sens, salissant encore un peu plus le cyclisme. Les discours extrêmes et peu fondés qui associent systématiquement le dopage à notre sport me fatiguent. Je suis conscient que mes phrases vont sans doute alimenter ces dérives et j’en suis désolé.
Vous savez le : « tous dopés ». Comme si un automobiliste soufflant à 2 grammes voudrait dire qu’on est tous alcoolisés au volant ! A contrario, se taire n’aidera en rien à la mise en place d’améliorations dans les courses amateurs, alors je voulais (à mon niveau) pousser un coup de gueule pour que nos courses du dimanche ne deviennent pas du grand n’importe quoi…
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Plusieurs cyclosportifs ont tiré la sonnette d’alarme, à l’image de Fred Ostian qui s’est exprimé cet hiver avec habileté. Des solutions sont envisageables. Des coureurs compétents et passionnés pourraient en être le relais. Le cyclosport pourrait même devenir un laboratoire de sanctions et règles expérimentales. Déjà envoyons un message fort à tous les coureurs qui ont accumulé les casseroles et qui n’ont jamais conçu leur sport autrement : « Vous n’êtes pas les bienvenus ici ! » La liste est facilement réalisable (et pas forcément longue d’ailleurs). Lorsque l’un d’entre eux est sur un podium arrêtons ‘’d’aimer’’ ces clichés. Aussi arrêtons de se gargariser avec des médailles (tellement douteuses), même si elles sont internationales et qu’elles font remonter au tableau des nations…
D’ailleurs bien souvent, c’est vers ce genre de courses à enjeu (comme l’étape du tour) ou à ‘’maillots’’ (championnats) que certains apparaissent, après s’être adjugés une bonne série de courses de fédé. Avant d’aller glaner ces maillots distinctifs qui rappellent l’exploit et donnent fière allure, apposons leur une pastille colorée pour un dossard distinctif lui aussi, qui rappelle leurs travers en leur donnant l’allure qu’ils méritent.
Certains hésiteraient alors peut-être à s’aligner sur un support cyclosportif qui revendique une certaine éthique. Systématiser et renforcer de vrais contrôles complets sur ces épreuves est urgent. Idem pour la tricherie mécanique. Ex : quand je me rends à l’arrivée d’une épreuve UCI world series et que je signale, en mon nom, que tel dossard a un moteur dans son vélo, j’attends mieux qu’un simple sourire. J’ai la chance de côtoyer de temps en temps la jeune génération Française en devenir. J’aime les entendre et les voir évoluer. Ils m’inspirent par l’éducation sportive bien différente qu’ils reçoivent. J’espère, je rêve et je pense que le cyclisme de haut niveau (en France) n’a jamais été aussi propre.
Alors par respect ou pour l’exemple : que nos magnifiques cyclosportives et autres championnats se parent d’une image plus glorieuse que les quelques exemples désolants que l’on voit passer ça et là, alors même que les contrôles sont quasiment inexistants.
Conscient que les efforts et les contraintes pour organiser ses épreuves sont déjà colossaux, mesdames et messieurs les initiateurs d’événements ou responsables de fédérations, ce message ne doit pas être pris comme une critique facile et vous n’êtes en rien responsables de ces agissements. En revanche pour la crédibilité à venir de ces courses il va falloir se mobiliser, tous ensemble.