Qui n’a jamais remarqué l’étal de maillots réplicas aux abords d’une grande compétition cycliste ne s’est jamais rendu sur une course. Immanquable, Gianni Marcarini roule sa bosse sur le marché des maillots depuis quarante ans et l’arrêt d’une carrière professionnelle de coureur de douze années. Né à Bergame, en Italie, le 15 mars 1940, puis naturalisé français dans le courant de sa carrière pro en 1966, l’incontournable commerçant ambulant sillonne à longueur d’année les routes de France et d’Europe pour offrir en direct à sa clientèle une sélection des plus beaux ensembles d’hier et d’aujourd’hui. Une petite entreprise qui ne connaît pas la crise, portée par un personnage indissociable des grands rendez-vous cyclistes.
Le commerce, Gianni Marcarini a toujours eu ça dans le sang. « J’ai toujours été un peu dans le commerce, affirme-t-il. A l’époque où j’étais coureur, ce n’était pas comme aujourd’hui, il fallait bricoler, se débrouiller. J’ai donc toujours eu l’âme commerçante. Chez Mercier, on nous fournissait cinq maillots pour toute la saison mais nous pouvions en acheter cent que nous revendions tous. Dès lors nous étions tous des représentants Mercier. C’est comme ça que j’ai commencé le commerce des maillots. »
A sa descente de vélo en 1973, l’Italo-français songe sérieusement à sa reconversion. Il lance son magasin de cycles à Hennebont, dans le Morbihan, sa terre d’élection, où il s’est établi à force de courir en Bretagne. « J’ai gagné beaucoup de courses en Bretagne et j’ai fini par m’y installer, précise-t-il. Mais aujourd’hui je n’y rentre plus souvent. » Et pour cause, Gianni Marcarini passe sa vie sur les routes. A bord de son camion, il parcourt 100 000 kilomètres par an pour être présent sur toutes les courses pros et toutes les grandes cyclosportives, soit au moins 200 rendez-vous annuels qui lui permettent d’élargir sa zone de chalandise par une présence terrain qui passe par les trois Grands Tours, les Championnats de France et du Monde, l’Ardéchoise, la Marmotte etc.
Tandis que la boutique morbihannaise continue de tourner avec un employé à plein temps, désormais spécialisée dans le beau vélo autour de marques comme Giant, Kuota, Pinarello ou Cipollini, Gianni Marcarini crée l’attroupement sur les courses en vendant ses maillots et accessoires du parfait cycliste mais aussi et surtout ses maillots d’époque. C’est sur ce marché qu’il a fait sa niche. La mode des maillots rétros repart en effet de plus belle auprès des cyclos les plus âgés qui renouent ainsi avec l’étoffe qui les faisaient frissonner dans le vieux temps.
« Il y a une grosse crise dans les maillots professionnels, soulève le commerçant. La grande tendance, dans le réplica, ça reste le Saint-Raphaël, le Molteni. Ça reste de grandes marques. Chez les pros, ce qui m’étonne toujours, c’est le gros succès d’Omega Pharma-Quick Step. On se l’arrache quand les autres marques ne bougent pas. Quelques curiosités comme IAM Cycling marchent aussi en ce début d’année. » Le marché dépend aussi fortement des performances et contre-performances des équipes. « Il suffit que le coureur d’une équipe soit suspendu pour que le stock nous reste sur les bras. L’an dernier Andy Schleck n’a rien fait et Frank Schleck s’est cassé la clavicule, si bien que j’ai été obligé de solder mes maillots RadioShack-Nissan. »
Fabriqués en Italie, ces maillots réplicas sont également vendus par correspondance via les bons de commande diffusés dans Vélo Magazine ou plus récemment le site Internet des Cycles Marcarini. « C’est une évolution, remarque Gianni Marcarini. Autrefois, je vendais beaucoup plus par correspondance, avec courrier et tout, notamment grâce à ma publicité dans Vélo Magazine. Ça marche toujours auprès des anciens, qui se méfient d’Internet, mais pour les jeunes nous nous sommes adaptés. »
Aujourd’hui, les Cycles Marcarini génèrent 800 à 900 000 euros de chiffre d’affaires par an. Et les idées continuent d’affluer avec la conception cette année d’un maillot pour marquer le 101ème Championnat de France à Lannilis. A 73 ans, Gianni Marcarini n’est en tout cas pas prêt de raccrocher sa casquette. Il arpentera encore les routes durant quelques années. « Je viens de refaire mon camion à neuf après 115 000 euros de réparation : je suis condamné à continuer. Je peux repartir pour quatre ou cinq ans. »