Alain Descroix, patron de Campagnolo France depuis 2012, a toujours privilégié le travail en groupe, cherché à prendre les bonnes roues, freiné pas trop souvent mais à non escient. En un mot, et vous nous avez vu venir, Alain n’aura jamais fait de croix sur l’aspect humain, les relations chaleureuses avec son équipe commerciale comme avec ses clients. Aujourd’hui Campagnolo France change de disque, bienvenue à Eric Foury qui, lui, change de roue, d’une marque Française en jaune et noir à Campagnolo France.

L’occasion pour Vélo 101 de croiser, non pas la chaîne, mais leurs regards à l’occasion de cette transmission de témoin, officielle désormais et fêtée à l’occasion du passage du Tour à Saint-Etienne et après, lors des Pro days. La fête promet d’être belle.

Quelles sont tes premiers souvenirs de Campagnolo ? Combien de vitesses possédaient-ils ?

Éric : Ce sont mes premiers groupes, c’est à l’époque un Centaure que j’avais monté sur un Peugeot trois tubes collés et ça a été mes premiers tours de roues en campagnolo. Ils avaient 8 vitesses peut être 9.

Alain : Moi j’ai la chance qu’il n’y avait que du Campagnolo donc c’était difficile de rouler avec un autre vélo et comme c’était le must, à l’époque, dans les années 80, mon premier vélo que j’ai eu en minimes était un Campagnolo que j’avais acheté d’occasion. Et au fil de temps, j’ai toujours utilisé cette marque. J’ai commencé avec 6 vitesses puis 7, puis 8, 9 et maintenant 12.  

Quel regard en tant que concurrent spécialiste de vélo avez-vous eu sur Campagnolo tout au long de votre histoire ? 

Éric : J’ai toujours vu Campagnolo comme une marque de prestige et de très haut niveau de performance et de qualité.

Eric Foury, nouveau patron de Campagnolo FranceEric Foury, nouveau patron de Campagnolo France | © Vélo 101
Alain, vous avez vu évoluer le marché..  des japonais ou encore des Américains sont arrivés, globalement, pour rester dans le coup, comment avez-vous fonctionné avec la concurrence ? 

Ce qui a modifié la stratégie pour la marque c’est l’arrivée du VTT. Et le VTT ça n’a pas été réussi parce qu’il fallait avoir une croyance dans ce marché-là et à l’époque Campagnolo est resté très haut de gamme tandis que Shimano a su se faire connaître dans la discipline. C’est un petit peu comme en automobile, il y a des marques prestigieuses, Italiennes et Campagnolo en fait partie.

Les roues Campagnolo : performance et qualitéLes roues Campagnolo : performance et qualité | © Vélo 101

Vous arrivez de la concurrence puisque de Mavic en Espagne, quel regard aviez-vous sur votre concurrent qui a cette époque-là était Campagnolo ? 

Éric : Beaucoup de respect pour ce concurrent, encore une fois très porté sur le premium et la qualité avec une qualité produit, service et le sérieux. C’était des concurrents que nous respections énormément.

En quelle année êtes-vous rentré à la tête de Campagnolo France et comment avez-vous vu évoluer le ou les métiers de cette marque ?  

Alain : Je suis rentrée au sein de Campagnolo France au premier semestre 2012 et j’ai vu une évolution énorme dans le remplacement de tous les groupes. Avant nous étions avec le 11 et 10 vitesses tandis que maintenant est arrivé le 12 vitesses avec le SuperRecord mécanique et l’EPS qui est utilisé par toutes les équipes professionnelles.  

Le vélo de la formation Movistar équipé en Super record epsLe vélo de la formation Movistar équipé en Super record eps | © Vélo 101

Vous avez vu arriver la vente en ligne, comment avez-vous jaugé et jugulé ça ?

Alain : La vente internet c’est quelque chose qui existe et que tout consommateur utilise et en plus on peut comparer les prix. Je pense qu’il y a des choses qui se vendent très bien sur internet mais que certaines choses ne peuvent pas. Vendre des groupes de composants sur internet, ce n’est pas quelque chose qui rapporte au consommateurcar pour ensuite monter du Campagnolo, il faut vraiment un technicien pour faire le montage.

Comment voyez-vous évoluer votre rôle à la tête de Campagnolo France du point de vue vente en ligne et des réseaux ?

Éric : La vente en ligne est aujourd’hui un canal incontournable. Après, il faut pouvoir offrir sur ce canal des niveaux de service en lien avec le produit et comme on le disait, des groupes nécessitent une expertise technique et mécanique qu’un consommateur n’a pas. Nous misons avant tout sur le réseau détails et expert proche de la marque et bien formé.

Dans le milieu, on voit apparaître des magasins dédiés par exemple avec Specialized, Giant.. L’idée d’un magasin Campagnolo c’est quelque chose d’invisageable ? 

Éric : Tout à fait. Mais c’est un travail qui doit se réaliser avec des plans et sur ce point là des magasins dédiés Campagnolo, c’est quelque chose que l’on pourrait inscrire à moyen-long terme avec une gamme qui se devrait d’être plus étoffée en misant non seulement sur l’aspect groupes, transmission groupes mais aussi textile, accessoires.

Comment avez-vous appréhendé ce côté formation de votre réseau de technicien mécanique ? 

Alain : On a organisé 7 formations sur la France où on invite nos détaillants, nos clients à venir faire de la formation technique sur cette journée. Le problème aujourd’hui c’est que le magasin de détails ne monte quasiment plus de vélos. Ce qui est important à développer c’est l’artisanat. 

La passage de témoin chez Campagnolo FranceLa passage de témoin chez Campagnolo France | © Vélo 101

Le fait que Campagnolo ne soit pas dans le domaine du VTT, c’est une problématique ? 

Alain : Je dirai que non. Campagnolo a sa stratégie qui est de rester sur le marché de la route : ce qu’ils savent faire depuis 85 ans. Ils avaient essayé de venir sur le marché du VTT mais au niveau produit, ce n’était pas quelque chose de performant par rapport à la concurrence. Aujourd’hui, je vois plus un avenir sur le vélo à assistance électrique donc sur du vélo de route parce que ça va permettre de rouler, à certaines personnes passionnées qui arrivent à un âge où monter un col devient difficile. Peut-être qu’avec une assistance électrique bien pensée sur un vélo de route, on peut trouver un bon développement pour Campagnolo. 

Dans le groupe Campagnolo, il y a Fulcrum qui fait la transition avec le VTT, c’est immanquablement une marque que vous suivez avec un regard particulier ? 

Éric : Bien sûr, une marque faisant partie du groupe qui aujourd’hui, a sa distribution propre, différente de Campagnolo France mais des marques très complémentaires. L’avenir nous dira si ces deux marques doivent s’associer dans la distribution mais à ce jour, rien n’est encore décidé.

Toute la partie textile, c’est quelque chose que vous appréhendez complètement ? 

Éric : Complètement. C’est un point que je souhaiterais développer davantage sur le marché Français. Campagnolo a une très belle gamme textile mais pas assez vue par le consommateur final.

Si vous deviez imaginer que Campagnolo investisse dans un nouveau domaine, ce serait lequel ? 

Alain : Dans la partie assistance électrique.

Éric : Dans une marque globale avec d’autres catégories de produits où l’assistance électrique en fait partie mais peut-être plus encore.

Comment voyez-vous le magasin revendeur Campagnolo dans 10 ans ?

Alain : Le revendeur Campa ça serait obligatoirement un spécialiste performant techniquement, qui ait la passion de la marque et celà demande des formations régulières.

Alain Descroix passe le relaisAlain Descroix passe le relais | © Vélo 101

Imaginez-vous déjà le côté formation des revendeurs ? 

Alain : Avec ses apports technologiques dans les gammes produits, le métier du magasin détaillant expert évolue et ces gens là doivent être soutenus par les marques pour être à la pointe et capables d’offrir le meilleur service à leurs clients.

Vous faisiez combien de kilomètres par an et à présent combien anticipez-vous d’en faire? 

Alain : En vélo je n’en faisais pas énormément parce que ça prend du temps de faire du vélo mais ce que je vais apprécier maintenant c’est d’avoir ce temps. Retrouver une condition plus correcte que j’ai pu avoir ces dernières années pour me faire plaisir tout simplement parce que le vélo c’est le meilleur sport pour la santé.

Éric : J’ai eu la chance de profiter de 6 mois de vacances où j’ai pu atteindre les 6000km. Mon défi c’est de maintenir ce rythme-là mais sérieusement ce sera compliqué. L’objectif c’est de faire progresser la marque Campagnolo.

Comment avez-vous et allez-vous appréhendé votre rôle vis-a-vis des médias ?

Alain : Les médias j’en ai senti la transformation depuis 40 ans. Les médias, la télé, la presse où j’achetais l’Equipe tous les jours parce que c’était ma Bible ont changé. Aujourd’hui je n’achète plus de presse papier, j’ai tout sur mon smartphone en prenant en abonnement et je suis très inquiet pour la presse papier qui reste sur le magazine cyclisme. Pour moi, la presse papier est appelée à disparaître malheureusement.

Éric : il est important d’avoir des médias allant chercher la bonne information, de qualité. Et aujourd’hui je pense qu’on voit trop souvent des informations lâchées comme ça pour faire du buzz, de l’audience. Pour faire le lien avec notre marque, nous privilégions vraiment la qualité produit et je pense que ça doit être la même chose dans l’information. Il faut faire attention à tout ce qui peut se voir sur les réseaux et autres et là, la presse fiable a un rôle à jouer.  

 

Par Jade WIEL