« Il faut tourner les jambes tout l’hiver », « on ne met pas le grand plateau avant 2000 bornes » ou encore « l’hiver il faut développer exclusivement sa vélocité » sont malheureusement des préjugés encore trop souvent d’actualité.
Dans les faits, on sait aujourd’hui que la force peut et surtout doit être développée dès les prémices de la préparation hivernale. Vous avez déjà dû commencer par une courte période de reprise sur 2 à 4 semaines sur des braquets moyens (80 tr/min environ) vous permettant de retrouver une bonne coordination musculaire. En ce début d’année civile, il est désormais opportun d’entreprendre conjointement un développement de la force et de la vélocité. La puissance étant le produit de ces deux facteurs il est évident que celle-ci s’en trouvera améliorée.
Comment développer la force et la vélocité ?
Mais comment procéder ? Doit-on développer les deux facteurs dans la même séance ? Dans le même cycle ? Comment combiner efficacement ces formes de travail ?
Force et vélocité pour être en forme cet été | © Vélo 101
La vélocité, la base du travail de la puissance
Pour pouvoir développer de la puissance, il faut, quelque soit le braquet utilisé, pouvoir tourner les jambes et emmener le développement choisi à une cadence suffisante. Ce n’est pas pour rien si les records de l’heure ont été battus avec des cadences de pédalage très élevées (100 à 110 tours par minute).
Il est vrai que l’hiver se prête bien au travail de la vélocité : l’intensité est moins présente, les sorties collectives sont moins rapides et permettent une dominante petit plateau. Ce qui ne doit toutefois pas empêcher le développement spécifique de cette qualité, souvent dans la semaine et sur home trainer pour les cyclistes travaillant aux heures de bureau. Pour cela, les exercices sont multiples, à commencer par des phases d’hypervélocité lors de l’échauffement et du retour au calme : à 110-120 tours par minute vous allez rapidement retrouver une bonne coordination et détendre les groupes musculaires, rendant ainsi le « geste cycliste » plus économique en termes de coût énergétique aux allures courantes.
D’autre part le travail de sprint en hypervélocité est particulièrement indiqué à cette période : sur des phases de 7 à 20 secondes sur des braquets très limités, assis sur la selle ou en danseuse, cherchez à atteindre une cadence maximale sur des durées d’effort très limitées : vous développerez ainsi vélocité, explosivité et solliciterez vos fibres rapides. N’hésitez pas à monter au-delà des 140 tours par minute, jusqu’à avoir l’impression de « sauter » sur la selle : vous êtes sur la bonne voie.
En revanche, pensez à observer des phases de récupération suffisante, de l’ordre de 3 min minimum entre ces efforts explosifs, ceci même si la fréquence cardiaque ne monte pas lors ce cet effort très bref, afin de ne pas tomber dans un travail « lactique ».
Comment travailler sa force
Pouvoir tourner les jambes à une cadence élevée sans se fatiguer et en atteignant un haut degré d’efficacité est nettement insuffisant si parallèlement vous n’arrivez pas à « passer la plaque ». 110 tours par minute sur 39×19 ou 53×15 n’ont de point commun que la cadence !
Consacrez donc des séances à dominante « force » en cette phase foncière. Pour cela, commencez par des séquences de 5 à 10 min de « tout à droite », si possible vent de face pour apporter une résistance suffisante et optimiser votre travail. A 50 voire 40 tours par minute, vous utilisez un « sur braquet » et vous vous positionnez ainsi nettement sur le vecteur force. Si ces séances ne laissent pas de traces (douleurs au niveau du tendon rotulien notamment), vous pourrez passer sur un travail de renforcement naturel : pour cela, dessinez un parcours très vallonné et montez toutes les côtes assis sur la selle, grand plateau avec une couronne correspondant à votre condition physique, sans vous déhancher et sans tirer sur le guidon, tout en récupérant en vélocité lors des descentes et replats. Au cours de la progression, n’hésitez pas à descendre encore les pignons pour à terme être capable de monter des bosses de 1 à 2 km à 5% sur 52×16, voire 52×12 pour certains. Bien évidemment dans ce cas il ne faut absolument pas rechercher la vitesse d’ascension afin de ne pas ajouter un travail cardiaque trop intensif à ce travail musculaire. Idéalement, il faut quasiment être capable de parler normalement (seuil aérobie).
A terme, vous serez capables de « tirer » plus de braquet sans fournir plus d’efforts au niveau cardiaque et vous irez donc plus vite à une même intensité d’effort.
Puissance = force x vélocité
De nombreux exercices sont possibles, faites preuve d’imaginsation | © Vélo 101
Ceci dit, la puissance est le produit deux facteurs abordés précédemment. Aussi, développer chacun d’entre eux indépendamment restera insuffisant : il faut combiner les formes de travail pour permettre un réel impact sur la puissance et donc une progression de la vitesse pour une même intensité cardiaque ! Et contrairement à une opinion très répandue dans les pelotons du dimanche matin, il est très efficace et donc conseillé de travailler ces qualités – à priori antinomiques – durant la même séance.
Séance d’entrainement type pour la vélocité
Pour cela, démarrez par un exercice très simple : alternez 5 minutes en force (50-70 tours par minute) et 5 minutes en vélocité (100-120 tours par minute). Au fil des séances, augmentez les durées d’effort, jusqu’à alternez par exemple des séquences de 20 min durant deux heures, tout en allant peu à peu vers des cadences de plus en plus extrêmes pour tirer vers les 40-50 tours par minute en force, et 120-140 tours par minute en vélocité. Il est à noter que la FC et la vitesse restant stables, cet exercice peut être combiné à une sortie collective !
La puissance maximale étant logiquement développée à 90-100 tours par minute, vous n’en serez que plus à l’aise à cette cadence puisque vous aurez développé chaque facteur la composant. De plus, tout travail de force doit être suivi d’une séquence en vélocité pour transférer ce gain : n’hésitez donc pas à utiliser ces braquets et cadences extrêmes, eux seuls permettent un réel progrès en la matière.
Une fois cet exercice maîtrisé, d’autres formes de travail pourront être entreprises, comme les pyramides. Ces exercices, qui permettent des progrès très rapides, sont toutefois assez difficilement mis en place sur le terrain. De plus, pour être réalisés de manière optimale, le capteur de cadence est un outil quasi obligatoire.
Pour développer votre vélocité, il faut petit à petit augmenter votre cadence de pédalage, ce qui vous permettra, pour un braquet donné, de tourner à terme plus vite les jambes pour un même développement à fréquence cardiaque égale. Par exemple, sur une sortie de trois heures :
– 40 min d’échauffement plutôt en vélocité durant lequel vous monterez la FC jusqu’à 75% de la Fréquence cardiaque maximale.
– 2h de corps de séance, en endurance avec des séquences de +/- 10 min : 95 tpm – 90 tpm – 105 tpm – 90 tpm – 115 tpm – 90 tpm – 125 tpm – 90 tpm – 115 tpm – 90 tpm – 105 tpm – 90 tpm
– 20 min de retour au calme, très souples
Ces séances sont à alterner avec leur jumelle : les pyramides en force. Ces séances, hyper spécifique, vous permettront de tirer un braquet supérieur pour une même cadence optimale (soit 90 tours par minute) à fréquence cardiaque égale. Sur une sortie de trois heures, cette séance pourrait s’articuler ainsi :
– 40 min d’échauffement plutôt en vélocité durant lequel vous monterez la FC jusqu’à 75% de la fréquence cardiaque maximale
– 2h de corps de séance, en endurance, avec des séquences de +/- 10′ : 50 tpm – 90 tpm – 60 tpm – 90 tpm – 70 tpm – 90 tpm – 80 tpm – 90 tpm – 70 tpm – 90 tpm – 60 tpm – 90 tpm
– 20 min de retour au calme, très souples
Ainsi, et au risque de se répéter : pour développer force et vélocité, et donc à terme votre puissance, il ne faut pas hésiter à sortir de la traditionnelle fourchette 70-90 tours par minute, pour aller vers les extrêmes ce qui augmentera votre bagage technique et vous donnera de la marge et de l’aisance aux cadences de pédalage habituelles.
Or, pour cela, une multitude d’exercices sont possibles !
Alors que votre imagination vous permettra d’innover et de créer d’autres formes de travail, nous vous en proposons ci-dessous quelques-unes unes :
- Monter une côte en danseuse en hypervélocité et passer au sommet assis sur la selle tout à droite
- Monter une côte assis sur la selle, en hyper force, et passer le sommet sur le petit plateau, en danseuse, au sprint
- Monter une côte en danseuse, tout à droite, et passer le sommet au sprint, tout à gauche assis sur la selle
- Monter une côte assis sur la selle, petit plateau, et passer le sommet assis sur la selle, tout à droite, etc.
Les descentes peuvent être mises à profit pour faire de la vélocité ou hypervélocité | © DSO Sports
Ces formes de travail, qui combinent parfaitement force et vélocité au sein d’un même exercice sont très efficaces car elles utilisent des braquets extrêmes au sein de mêmes efforts. En composant de la sorte, vos groupes musculaires n’en seront que plus surpris et ils s’adapteront ainsi plus efficacement encore ce qui permettra une progression plus importante !
Conclusion pour développer sa force et sa puissance
Contrairement aux idées reçues, il est tout à fait possible de développer force et vélocité au sein d’un même cycle voire au sein d’une même séance. Dans un premier temps, surtout si vous débutez ce type de travail, il est conseillé de travailler chaque thème indépendamment, tout en les alternant au sein de votre semaine, ou de votre cycle de travail. Néanmoins vous pourrez ensuite combiner force et vélocité dans une même séance. En effet, c’est ainsi, et en vous positionnant sur des braquets extrêmes, que vous aurez un impact réel et intéressant sur votre puissance à votre cadence préférée.
Ceci dit, ne perdez jamais de vue que même si la combinaison des facteurs est une méthode judicieuse pour progresser, vous avez certainement une lacune plus marquée dans l’un des deux domaines : c’est bien dans celui-ci que le travail devra majoritairement s’orienter…
Par Olivier Dulaurent