L’apport d’une boisson adaptée à l’effort pourrait également limiter la baisse du taux de coenzyme Q10 | © licence libre
Pouvez-vous nous présenter l’intérêt, les avantages d’une boisson de l’effort?
« Il est intéressant de bien distinguer deux paramètres avec une boisson de l’effort : le rôle énergétique de celle-ci d’une part, et son aspect fonctionnel d’autre part. L’apport énergétique via le glucose est généralement connu et admis par tous les sportifs. Une sorte de carburant pour le muscle. Mais pas seulement. En effet, certains aspects de la boisson et notamment du glucose à l’effort sont souvent méconnus. La prise de glucose à l’effort permettrait de réduire la hausse et donc la production de cortisol par les glandes surrénales. Or cette hormone favorise une dépression du système immunitaire et donc une vulnérabilité momentanée du sportif dans les heures et les jours qui suivent une compétition ou une séance intense. C’est ce que le professeur américain David Nieman a appelé « la fenêtre ouverte aux microbes ». Par conséquent, un sportif qui consommerait régulièrement une boisson adaptée durant ses entraînements et ses compétitions pourrait être moins exposé aux infections (notamment celles de la sphère ORL) en phase de récupération qu’un pratiquant qui ne boit que de l’eau. De plus l’eau plate réhydrate mal à l’effort et expose au risque d’hyponatrémie de dilution (chute du taux sanguin de sodium). L’apport d’une boisson adaptée à l’effort pourrait également limiter la baisse du taux de coenzyme Q10 (composé intervenant dans la production d’énergie), optimiser l’hydratation des cellules de l’intestin et donc limiter l’agression de sa fragile muqueuse (lutte contre l’ischémie intestinale à l’effort et maintien des capacités d’absorption), protègerait l’organisme d’un stress oxydatif excessif (le glucose pourrait avoir un rôle d’antioxydant à l’effort). »
Que contiennent ces boissons? Comment doivent-elles être dosées?
« Ces boissons contiennent en général du glucose sous forme simple ou de polymères (maltodextrines), du sodium et de la vitamine B1 nécessaire au métabolisme énergétique. Le rajout d’acides aminés permet de limiter la casse musculaire pour des efforts de longue durée, celui de glutamine est bénéfique pour le système immunitaire et la muqueuse de l’intestin grêle. Il est très important d’éviter le surdosage du produit. Un apport de 15 à 25 g de glucides pour 500 à 750 ml d’eau ajoutés suffit très souvent et protège le pratiquant des risques de troubles digestifs par surdosage du produit (diarrhées, maux de ventre, vomissements…). La capacité maximale d’assimilation digestive du glucose à l’effort n’excède pas parfois, selon les individus et les conditions (température élevée, atmosphère humide, déshydratation avancée, intensité élevée…), 15 à 20g/heure.»
Boisson isotonique, électrolyte, maltodextrine… pour un novice, qu’est-il important de retenir?
« Hypotonique c’est à dire dont la concentration est inférieure à celle du plasma afin d’éviter un afflux d’eau dans l’intestin et donc des risques de diarrhées et une aggravation de de la déshydratation. Présence de glucose/maltodextrines, sodium, vitamine B1 et éventuellement d’acides aminés/glutamine pour des efforts de longue durée. »
Quelle quantité et quand faut-il boire?
« Une prise de 400 à 500 ml/heure à raison de 2 gorgées toutes les 10 à 15′ peut convenir. Mais une nouvelle fois, tout va dépendre des conditions. En revanche, il me paraît nécessaire de débuter la prise dès l’échauffement et le début de la compétition, sans attendre la déshydratation de l’intestin qui risquerait de porter préjudice ensuite à l’assimilation de liquides et d’aliments. »
Pour une cyclo, 2 bidons de 750 ml suffisent | © licence libre
Quelles boissons conseillez-vous pour une cyclosportive ou un entraînement par exemple?
« Une boisson hypotonique garante des éléments précités. Pour les cyclistes qui entreprennent de longues sorties, je conseille généralement 2 bidons de 750 ml : l’un avec la boisson de l’effort pour les 2 premières heures de la séance, le second avec de l’eau légèrement salée (1 à 2 pincées) pour les 2 heures suivantes durant lesquelles l’alimentation solide interviendra (banane, cakes salés fait maison, pancakes avec farine de riz ou de châtaigne, viande séchée, amandes, barres de céréales…). Pour des cyclosportives, il semble utile de se munir de recharge de boisson (sticks) et de petits sachets de sel récupérés par exemple dans les restaurants collectifs ou achetés en grande surface.»
Est-il possible de faire une boisson de l’effort « maison » aussi « performante » que celles qu’on peut trouver dans le commerce?
« Possible mais risqué à cause des risques d’un dosage inadapté des différents constituants et d’une éventuelle absence de vitamine B1. »
Existe-t-il des boissons adaptées selon les profils?
« Non pas vraiment mais les sportifs qui présentent une sensibilité digestive devront veiller au bon dosage de leur boisson et œuvrer en amont de la compétition, à préparer leur intestin aux contingences de l’effort (changements alimentaires et adaptations diététiques, tests d’aliments à l’effort, détoxinations diverses, rééquilibre du microbiote, régénération de la muqueuse de l’intestin). Ceci afin d’optimiser leur endurance digestive. »
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Stéphane Delage est diététicien avec une spécialité dans la nutrition du sport et la micronutrition et exerce en libéral à Bordeaux. Nageur et triathlète, il est adepte des trails et des courses de montagne et est passionné de cyclisme. Stéphane Delage suit et conseille plusieurs athlètes de haut niveau et intervient auprès d’équipes professionnelles. Il est en outre l’auteur de plusieurs ouvrages sur la nutrition et la diététique.