Nous avons pu intégrer la semaine dernière, par l’intermédiaire de 2 jeunes, un minime et un cadet, l’un des stages « Les rouleurs de mécaniques », sans doute le plus emblématique, le stage montagne « Étape du Tour – Albertville / Val Thorens ».
Organisé chaque année fin juillet sur le parcours de l’Étape du Tour, ce stage itinérant de 6 jours permet aux jeunes de découvrir l’esprit colonies de vacances, sous la tente, en camping, tout pratiquant leur sport favori et en montant les cols gravis quelques jours auparavant par leurs idoles.
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Nous en avons profité pour interviewer Frédéric Meerpoel, sur la genèse et l’organisation de sa structure :
Fred, comment est née cette idée de créer des stages dédiés aux jeunes cyclistes, en quelle année a eu lieu le premier stage ?
Les premiers stages ont eu lieu en 2015 mais j’avais l’idée déjà depuis plusieurs années. J’ai commencé par faire de l’encadrement en montagne lorsque j’avais une vingtaine d’années, puis je me suis mis à faire pas mal de vélo et j’ai passé mes diplômes d’état. J’ai eu l’idée de proposer ce genre de stage parce que ça n’existait pas.
Combien de stages organises-tu chaque année, à quelles périodes et dans quelles régions ?
Nous organisons 4 stages par an, tous concentrés pendant la période juillet-août, pour des raisons pratiques d’organisation et météorologiques.
Un stage dans le Nord pour les plus jeunes, les 9-12 ans, un petit voyage itinérant vers la mer.
Les 3 autres sont réservés aux 13-17 ans, un dans les Monts du Forez dans le Massif Central, un autre autour du Mont Ventoux et enfin le dernier, celui-ci, sur le parcours de l’Étape du Tour et qui change donc chaque année.
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Nous sommes ici sur le stage « Étape du Tour », qui est sans doute ton plus gros stage en termes de participants, tu nous le confirmes ? Combien de cyclistes accueills-tu en moyenne sur chaque séjour et combien sur celui-ci cette année ?
En moyenne on accueille 20 cyclistes par stage mais nous sommes obligés d’en refuser à chaque fois. C’est vrai que ce stage dans les Alpes est particulièrement demandé, nous avons 24 jeunes cette année et nous avons dû nous organiser en conséquence en augmentant le nombre d’encadrants.
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Quelles sont à peu près les répartitions par tranches d’âge, filles-garçons, et par régions ?
Pour nos stages de la tranche d’âge 13-17 ans comme celui-ci, la répartition est à peu près équilibrée, sauf les 17 ans qui sont souvent moins nombreux. Les filles représentent généralement entre 15 et 20% de l’effectif.
Pour ce qui est de la répartition sur le territoire français, les stagiaires viennent de toutes les régions avec une plus grande proportion pour le Nord car c’est notre région, les régions Parisienne et Rhône-Alpes sont généralement très bien représentées. Il nous arrive également d’accueillir des jeunes Belges.
Choisir un parcours itinérant sur le tracé de la plus célèbre des cyclosportives, et par conséquent sur celui d’une étape du Tour de France, c’est un bon moyen d’intéresser les jeunes après avoir séduit les parents ? Qu’est ce qui explique ce succès selon toi ?
Effectivement ce stage est un succès et je pense que la raison est assez simple, c’est la même que pour les parents, c’est assez mythique de rouler sur les mêmes routes que les pros, ils les voient franchir ces cols à la télé, attaquer à certains endroits, ils ont envie de venir rouler sur leurs traces. En plus, nous avons le temps de naviguer autour du tracé, en découvrant d’autres cols, d’autres routes, que finalement le Tour ne voit pas.
Côté encadrement, vous fonctionnez comment ? Combien d’accompagnateurs et avec quel profil ?
Sur ce stage Étape du Tour, nous sommes 5 adultes, dont 3 sur le vélo : 2 coachs diplômés d’état, 1 coach diplômé fédéral, 1 professeur d’EPS dans une école militaire qui s’occupe de la logistique et met un peu de rigueur sur le campement (rires !) et enfin une accompagnatrice également pour l’intendance, les ravitaillements, les photos et la cuisine.
L’équipe d’encadrement des Rouleurs de mécaniques © Vélo 101
Et côté logistique justement, peux-tu nous décrire l’organisation du séjour, le campement, la restauration, les véhicules suiveurs, etc…
Le principe du stage est un parcours itinérant en camping, donc la logistique est assez simple et bien rodée, il faut imaginer une troupe de 30 personnes qui se déplace tous les 2 ou 3 jours avec les vélos et tout le matériel de camping. Les déplacements de ville à ville s’effectuent à vélo mais il faut transporter tous les sacs, les tentes le matériel de cuisine et la nourriture, nous avons plusieurs véhicules et une remorque fermée. Lors de l’arrivée dans un camp de base, tout le monde est mis à contribution pour installer le campement. La cuisine est préparée sur place avec des réchauds, en mode camping, les produits frais et le pain sont achetés chaque jour, sur place. Lors des sorties, un véhicule accompagne chaque groupe avec tout ce qu’il faut pour le ravitaillement et les réparations.
Profitez-vous des stages pour sensibiliser les jeunes au respect de l’environnement, au respect des autres et à la vie en communauté ? Les ados ont-ils des tâches quotidiennes à effectuer sur le campement ?
Comme tout centre de vacances qui se respecte, on est obligés de mettre en place un projet pédagogique, et dans ce projet, effectivement nous mettons en avant le respect de l’environnement et la vie en communauté. Les stagiaires doivent se respecter entre eux, respecter les éducateurs mais également les autres usagers, que ce soit à vélo sur la route, mais également dans les campings. Pas de détritus sur la route, pas de détritus sur la pelouse du camping !
Il y a beaucoup d’enfants qui n’ont jamais fait la vaisselle de leur vie et pour qui c’est une grande découverte, on espère que ce sera une bonne surprise pour leurs parents lorsqu’ils rentreront chez eux !
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Vos encadrants conseillent-ils les stagiaires pour l’entretien des vélos, la gestion des braquets, mais aussi pour la diététique et la récupération ?
A la différence de certains stages pour adultes, c’est vrai que l’on n’organise pas de cours spécifiques sur la diététique, le matériel, etc… mais ça fait régulièrement partie de discussions informelles avec les jeunes, que se soit pendant les sorties mais également le soir sur le camp.
Évidemment nous les conseillons sur l’utilisation du matériel, des braquets, surtout ici en montagne, on parle aussi de technique de pédalage, de gestion de l’effort, etc…
Pour la diététique c’est un peu compliqué de rentrer dans le détail quand on doit faire manger 30 personnes au camping, on ne parle pas de régime ou de choses comme ça, les enfants sont là avant tout pour se faire plaisir, mais on s’efforce évidemment de leur proposer une nourriture adaptée à l’effort.
En revanche, pour ce qui est de la récupération, on insiste bien sur le fait que le sommeil est la première des récupérations, hors de question d’aller se coucher à minuit ou 1h du matin et de toute façon, bien souvent après une bonne sortie de vélo certains ressentent la nécessité de se coucher tôt voire de faire une sieste dans l’après-midi.
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En quoi consiste une journée type pendant le stage ?
La journée type c’est, vélo le matin en prenant le temps de partir aux alentours des 9h30, retour au camping en début d’après-midi en fonction de la durée de la sortie, le repas est pris en arrivant, le plus tôt possible, justement pour que la récupération soit la plus efficace possible. Ensuite l’après-midi, c’est détente, baignade en rivière ou en piscine et puis parfois même, visite d’un village ou d’une curiosité, en fin d’après-midi c’est temps libre, coup de fil aux parents, etc.. Enfin vient le diner, vaisselle à tour de rôle, jeux de cartes, petit briefing, puis coucher.
Est-ce que, comme sur les stages adultes, vous créez des groupes de niveau ? Si oui, comment ?
Oui comme sur les stages adultes, on crée des groupes de niveau, la répartition est un peu plus compliquée, car en plus du niveau, on tient également compte de l’âge et des affinités, pour ne pas mettre un petit de 13 ans avec un grand de 16, mais souvent malgré tout, les niveaux sont proportionnels à l’âge. Nous leur proposons certains jours des exercices d’entraînement spécifiques adaptés au niveau.
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Les jeunes cyclistes sont fougueux et ont l’esprit de compétition, ce n’est pas trop difficile de les cadrer pendant les sorties, d’assurer leur sécurité ?
Assurer leur sécurité est bien entendu la première de nos préoccupations, ça c’est certain, pour nous une chute c’est un échec, même si ça arrive très rarement, le cyclisme comporte des risques et il faut en tenir compte.
C’est vrai qu’à cet âge-là ils aiment se tirer la bourre, aller vite mais ne voient pas toujours le danger, nous sommes là pour les cadrer. Nous ne pouvons pas les frustrer en faisant toutes les descentes au ralenti mais dans certaines que nous jugeons dangereuses, ils ont la consigne stricte de ne pas doubler le moniteur. Les traversées de villages où de villes sont également bien encadrées et les pistes cyclables sont utilisées dès que possible.
On imagine que le panache montré par T. Pinot et J. Alaphilippe pendant le Tour va amener des jeunes au vélo, quel est ton sentiment d’éducateur sur le sujet ?
Je me souviens en 2011 quand Thomas Voeckler a porté pendant une dizaine de jours le maillot jaune, il y a eu un afflux dans les écoles de cyclisme, notamment dans celle dont je m’occupe dans le Nord, nous l’avions bien ressenti. J’imagine donc qu’avec les belles prestations de Thibaut Pinot et Julian Alaphilippe sur le Tour cette année, les conséquences seront les mêmes et c’est de bon augure, je pense, pour la fréquentation des écoles de cyclisme.
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Pour terminer, quelle est ta vision, tes projets pour l’avenir ? Des nouveaux stages ou plutôt pérenniser et valoriser ceux déjà en place ?
Les deux, nous devons évidemment pérenniser ceux qui sont en place parce que ce sont des produits qui fonctionnent vraiment bien et qui sont attendus chaque année. En même temps je dois malheureusement refuser tellement de demandes, que je réfléchis à la création de nouveaux stages, des projets sont en réflexion mais la difficulté c’est qu’en été il n’y a que 8 semaines et pour l’instant, pour des raisons d’organisation et de météo, nous souhaitons nous limiter à cette période.