Daniel, avant de rejoindre Kilomètre 0, quel a été ton parcours ?
Je suis Argentin et j’habite en France depuis cinq ans. J’ai fondé le projet SFS Performance il y a un peu plus de trois ans. Il s’agit d’un système d’étude posturale. J’ai été formé chez Specialized quand je travaillais pour eux en Angleterre. J’ai eu la chance de travailler avec des pros, des équipes continentales. Sans être impliqué directement, j’ai travaillé avec l’équipe Saxo Bank à l’époque des frères Schleck. Puis j’ai déménagé à Paris. C’est là que je me suis lancé sur les spécifications de l’étude posturale. Les systèmes ouverts au public sont très corrects, mais cela n’est ni approfondi ni personnalisé. J’ai donc développé une nouvelle méthode qui s’appelle SFS Performance.
Comment t’es-tu rapproché de Kilomètre 0 ?
Le contact s’est fait par l’intermédiaire d’un de mes clients qui connaissait Gregory Mollet-Vieville. Il m’a fait découvrir Kilomètre 0. Quand ils m’ont fait une proposition, je me suis dit « pourquoi pas ? ». Nous sommes dans le même esprit et nous travaillons donc en bonne collaboration. Je travaille également pour l’Echappée Belle à Asnières-sur-Seine. J’ai également des clients qui me contactent directement. Je me rends à leur domicile avec mon matériel pour intervenir.
Quelle est ta clientèle type ?
C’est très varié et c’est ce qui fait tout le charme de cette activité. Je travaille avec des amateurs de DN1 comme avec des cyclistes qui se remettent au vélo. Je me retrouve donc avec des clients de différents âges, de différents niveaux. Ça ne pose aucun problème puisque le système est travaillé autour de la personne.
En quoi consiste une séance type ?
Il y a deux interventions dans la séance. La première dure entre trois et quatre heures où l’on fait la majorité du travail, c’est à dire l’adaptation du vélo à la personne. Ensuite, pendant quatre à six semaines, la fibre musculaire doit s’adapter à la nouvelle position. C’est à ce moment que je retrouve la personne, généralement à l’extérieur. Je suis alors moi aussi sur mon vélo et nous roulons ensemble. Cette sortie sert à effectuer les derniers petits réglages.
Il y a donc une grosse part de dialogue dans ce travail.
Tout à fait. Je pose toute sorte de questions. L’important est de connaître la personne et son parcours. Je dois connaître ses intentions, savoir les raisons pour lesquelles elle est là, comprendre ses besoins. Il y a beaucoup d’interaction. Je m’intéresse à l’historique physique, clinique. Je dois également savoir ses objectifs car la personne s’est peut-être fixé une échéance pour une cyclosportive, par exemple. On peut toujours orienter ce travail vers ces objectifs et c’est généralement le cas.
Tu interviens également sur des parties de l’équipement auxquelles on ne pense pas forcément, comme la semelle.
Tout à fait, l’étude posturale doit se faire de A à Z. L’ergonomie prend en compte trois points d’appui sur le vélo : la selle, les pédales et les chaussures et tout ce qui concerne le guidon. J’interviens sur ces trois points. Les chaussures sont donc importantes. De grandes marques comme Specialized ou Sidi ou d’autres proposent des semelles intégrées pour que le pied s’adapte au mieux. Je conseille donc le client en lui disant quelles sont les chaussures qui, selon moi, sont le mieux adaptées pour lui. Les cyclistes ont tout intérêt à creuser ce sujet. Ce n’est pas considéré comme une priorité et c’est à mon sens une erreur. Les chaussures ne sont pas seulement une question esthétique, c’est aussi une question d’ergonomie. Les podologues interviennent de plus en plus sur ce domaine.
Quels conseils pourrais-tu donner aux cyclistes qui passeraient au pignon fixe en hiver ou qui, tout simplement, changeraient de pédales ?
Il faut veiller à doser ses efforts quand on commence à rouler sur un nouveau vélo. Passer au pignon fixe en hiver est un très bon entraînement. Mais il faut adapter sa mémoire musculaire à sa nouvelle position. Il faut essayer d’avoir des cotes et des périphériques similaires. Il faut aussi faire attention à son textile. En hiver, on a tendance à rouler avec des cuissards longs. Une petite différence de 2 ou 3 mm en raison d’une différence dans l’épaisseur de la peau de chamois peut provoquer des tendinites à la sortie de l’hiver parce que l’on est trop haut sur le vélo. C’est la même chose pour les pédales dont la hauteur peut varier selon les marques et les modèles. Ce n’est pas une mauvaise idée de changer de vélo, mais il faut prendre son temps pour bien organiser cela.
À quelle fréquence recommandes-tu de faire une étude posturale ?
Jusqu’à 25-30 ans, sans avoir d’accident, on peut faire une étude posturale tous les sept, huit, dix ans. L’étude posturale doit simplement servir de guide pour changer de vélo et s’adapter à la nouvelle géométrie. Ensuite, le corps change et c’est là qu’il faut faire attention. J’ai 43 ans et je sais que tous les ans j’adapte ma position en changeant 2-3 mm par-ci par-là, mais c’est mon métier. À partir de 45 ans, je conseillerais à un cycliste ayant une activité régulière de faire une étude posturale tous les trois ans.
Selon toi, est-il nécessaire de passer par une étude posturale à chaque changement de vélo ?
Une étude posturale, pas nécessairement, mais pour réadapter le vélo. On peut facilement copier et calquer les mêmes cotes, mais il est difficile d’obtenir les mêmes sensations parce que la géométrie du cadre est différente. L’énergie n’est donc pas dépensée de la même manière.
Les sensations dépendent-elles également des matériaux utilisés dans la composition du cadre ?
Oui, le mouvement d’une boîte de pédalier sera différent selon que l’on roule sur un cadre en titane ou sur un cadre en carbone. Mais on peut toujours adapter, en jouant sur le recul de selle par exemple. Aujourd’hui avec les vélos aérodynamiques c’est typiquement le cas. On ne peut pas être posé sur un cadre aéro de la même manière que sur un cadre classique. La position peut également changer selon la longueur de manivelles ou avec l’utilisation d’un plateau ovale, par exemple.