Depuis qu’ils sont partis de Galice le 24 août dernier, les coureurs du Tour d’Espagne ont grimpé, beaucoup grimpé. À la veille de l’arrivée à Madrid, les organisateurs n’en ont pourtant pas fini de maltraiter leurs organismes. Comme ils ont pris l’habitude de le faire, ils ont placé une étape de montagne et une arrivée au sommet, la veille de la parade madrilène. Seulement, on ne parle pas de n’importe quelle étape, pas de n’importe quelle arrivée en altitude. Il règne un doux parfum d’excitation chez les suiveurs, comme on peut presque lire la peur sur le visage des coureurs à l’évocation de l’Angliru, ce monstre des Asturies long de 12,5 kilomètres à 10,2 % de moyenne, un chemin uniquement emprunté par les bergers avant que la route ne soit goudronnée, et emprunté pour la première fois par la Vuelta en 1999.
Si la bataille entre favoris est attendue par tous, certains sont bien loin de ces considérations. On parle bien sûr de tous les non-grimpeurs qui s’apprêtent à souffrir une dernière fois. Mais aussi de ceux qui cherchent une victoire d’étape ou un maillot distinctif. Nicolas Edet (Cofidis) le sait. S’il veut ramener le maillot à pois à Madrid, il lui faut à tout prix prendre des points sur les trois ascensions qui précèdent l’Angliru. La mission est accomplie. Le Sarthois prend, comme hier, la bonne échappée, comme une bonne partie du peloton. Ils sont en effet trente-deux dans ce groupe d’attaquants qui devra lutter de longs kilomètres pour prendre ses distances avec le peloton. Trop conséquent, le groupe se réduit aux seuls Kenny Elissonde (FDJ.fr) et Paolo Tiralongo (Astana).
C’est dans l’avant-dernière difficulté placée juste avant le terrible Angliru que les deux hommes se font la malle, espérant décrocher une victoire d’étape mythique. Les adversaires de Chris Horner (RadioShack-Leopard), eux, ne mettront pas à profit l’Alto del Cordal, mais ce sont les coéquipiers de Joaquim Rodriguez qui forcent l’allure. Le Team Katusha sacrifie ses hommes un à un pour écrémer le peloton. Dernier étage de la fusée, Daniel Moreno réalise un travail énorme pour son leader catalan sur les premières rampes de l’Angliru. Les cadors n’ont même pas découvert les pourcentages diaboliques qu’ils sont déjà entre eux. À peine sont-ils une dizaine dans le groupe maillot rouge à sept kilomètres de l’arrivée, quand la route s’élève brutalement pour ne jamais s’adoucir jusqu’au sommet, jamais passer sous la barre des 12 %.
L’explication entre favoris n’empêche pas Kenny Elissonde de réaliser l’exploit
Seulement trois secondes séparent Vincenzo Nibali (Astana) de Chris Horner, mais l’Italien n’a pas de temps à perdre. Il attaque dès les premiers passages difficiles de l’Angliru et joue son va-tout. Derrière lui, le Maillot Rouge ne réagit pas immédiatement, mais reviendra au train avec Joaquim Rodriguez dans sa roue. Nibali ne s’avoue pourtant pas vaincu et accélère plusieurs fois, sans parvenir à décrocher le vétéran de 41 ans de sa roue. Alejandro Valverde (Movistar Team) est lui un peu plus loin, mais reviendra à son rythme, fidèle à ce qu’il avait annoncé au soir de l’étape précédente. Sa tâche sera d’autant plus aisée que le groupe où figurent Horner, Nibali et Rodriguez, plus occupés à se regarder, a considérablement ralenti l’allure.
L’autre grand bénéficiaire de ce ralentissement, c’est Kenny Elissonde ! Le Francilien est toujours en tête et il est seul… depuis que Vincenzo Nibali a demandé à Paolo Tiralongo de l’attendre. Son avance, réduite à 1’30 » à 4 kilomètres du sommet, raugmente alors. Les favoris se regardent et le jeune grimpeur de 22 ans file vers l’exploit. Grimaçant sur les rampes infernales plongées dans un brouillard épais, Elissonde va décrocher la quatrième victoire française sur cette Vuelta après les deux succès de Warren Barguil et celui de son coéquipier Alexandre Geniez. Mais celle-ci est sans doute la plus belle. Le coureur formé au CC Etupes met un mythe à ses pieds, à 22 ans à peine, pendant que son coéquipier Thibaut Pinot se classe dans le Top 10 du général. Une performance tout simplement hors-norme !
Mais n’oublions pas que la Vuelta s’est également jouée sur l’Angliru. Le Vincenzo Nibali sublime qui avait dompté les Tre Cime di Lavaredo sous la neige au mois de mai ne peut rien faire face à Chris Horner, maître de l’enfer. Les deux hommes se livrent à un sublime mano à mano, mais c’est l’Américain qui sort vainqueur. En patron, le leader de cette Vuelta augmente le tempo et fait craquer son dauphin sicilien. Plus impressionnant encore que sur Peña Cabarga, Horner mène le dernier kilomètre d’ascension à une vitesse supersonique. Il lève un poing rageur au moment de franchir la ligne 26 secondes derrière Kenny Elissonde. À 41 ans, l’Américain va devenir demain le vainqueur de la 68ème édition et le plus vieux lauréat d’un Grand Tour… et n’a pas fini de faire parler les sceptiques
Demain, la Vuelta prend fin avec la 21ème étape entre Leganès et Madrid (109,6 km).
Classement 20ème étape :
1. Kenny Elissonde (FRA, FDJ.fr) en 3h55’36 »
2. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) à 26 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 54 sec.
4. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) m.t.
5. Andre Cardoso (POR, Caja Rural) m.t.
6. Dominik Nerz (ALL, BMC Racing Team) m.t.
7. José Mendes (POR, Team NetApp-Endura) à 1’15 »
8. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 1’45 »
9. Serge Pauwels (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 1’52 »
10. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 1’59 »
Classement général :
1. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) en 81h52’01 »
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 37 sec.
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 1’36 »
4. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 3’22 »
5. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) à 7’11 »
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 8’00 »
7. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 8’41 »
8. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 9’51 »
9. Leopold König (TCH, Team NetApp-Endura) à 10’11 »
10. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 13’11 »
Classement par points :
1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 152 pt
2. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 126 pt
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 125 pt
4. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 122 pt
5. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 119 pt
6. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 111 pt
7. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 80 pt
8. Bauke Mollema (PBS, Belkin) 75 pt
9. Maximiliano Richeze (ARG, Lampre-Merida) 72 pt
10. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 67 pt
Classement de la montagne :
1. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 46 pt
2. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 32 pt
3. Daniele Ratto (ITA, Cannondale) 30 pt
4. Andre Cardoso (POR, Caja Rural) 26 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 23 pt
6. Amets Txurruka (ESP, Caja Rural) 22 pt
7. Kenny Elissonde (FRA, FDJ.fr) 21 pt
8. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 19 pt
9. Vasil Kiryienka (BLR, Team Sky) 18 pt
10. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) 17 pt
Classement du combiné :
1. Christopher Horner (USA, RadioShack-Leopard) 5 pt
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 13 pt
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 17 pt
4. Nicolas Roche (IRL, Team Saxo-Tinkoff) 17 pt
5. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 27 pt
6. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 32 pt
7. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) 38 pt
8. Leopold König (TCH, Team NetApp-Endura) 39 pt
9. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) 42 pt
10. André Cardoso (POR, Caja Rural) 51 pt
Classement par équipes :
1. Euskaltel-Euskadi (ESP) en 245h17’26 »
2. Movistar Team (ESP) à 1’02 »
3. Astana (KAZ) à 1’30 »
4. Team Saxo-Tinkoff (DAN) à 9’56 »
6. Caja Rural (ESP) à 33’51 »
5. Team Katusha (RUS) à 45’21 »
7. RadioShack-Leopard (LUX) à 46’54 »
8. Team NetApp-Endura (ALL) à 52’32 »
9. FDJ.fr (FRA) à 1h01’24 »
10. BMC Racing Team (USA) à 1h56’49 »