Devenu méfiant par la force des choses, le cyclisme reste toujours sur ses gardes lorsqu’un coureur sorti de nulle part ou presque se met brusquement à jouer les premiers rôles. Nous n’avions quasiment plus entendu parler de Juan-José Cobo (Geox-TMC) depuis sa révélation aussi spectaculaire qu’éphémère dans le Tour du Pays Basque 2007. Après plusieurs années de discrétion, bien qu’il eut obtenu la 20ème place du Tour de France en 2007 et la 10ème du Tour d’Espagne en 2009, le protégé de Mauro Gianetti, ancien équipier de Leonardo Piepoli et Riccardo Ricco, a donc fait un brusque retour au premier plan ces derniers jours pour s’adjuger à 30 ans l’ultra convoité Tour d’Espagne. Epatant dans les Asturies, c’est là que l’Espagnol aura bâti son succès final, d’abord en attaquant vers les Lacs de Somiedo, ensuite en écrasant la montée de l’Angliru.
Il règne toujours une part de doute, c’est légitime, mais on a tout de même envie d’y croire. A vrai dire, si Juan-José Cobo s’est retrouvé soudain à se battre pour la gagne, c’est que les favoris, au terme d’une saison harassante, ont pris un recul somme toute très naturel. Celui que ses supporters surnomment le Bison n’est d’ailleurs pas l’unique révélation de cette Vuelta, puisque c’est à un duelliste insoupçonné, Christopher Froome (Team Sky), qu’il aura eu affaire jusqu’au bout des 3300 kilomètres de compétition. Là, ce sont seulement 13 secondes qui viennent départager les deux hommes, magistraux mercredi vers Peña Cabarga, mais dont les quatre étapes finales n’auront finalement pas permis de remettre en question la hiérarchie, en dépit de magnifiques joutes quotidiennes. Chris Froome a tenté, il n’a pas réussi, et il s’avoue vaincu avant même une ultime étape qui peut théoriquement encore réserver quelques surprises.
C’est vrai que la course n’est pas complètement pliée alors que reste à disputer l’étape madrilène sur 94,2 kilomètres. Ce matin, le Maillot Rouge estime lui-même que son adversaire est toujours en droit de l’attaquer. Il prend cette ultime étape très au sérieux. Pas Chris Froome, qui sait que pour refaire son retard, il lui faudra passer en tête des deux sprints-bonification de la journée puis finir encore dans les trois premiers de l’étape. Entre la théorie et la pratique, il y a plus qu’un pas à franchir… Il n’y aura donc pas de bataille jusque dans les rues de Madrid, où le circuit de 5,7 kilomètres adopté il y a cinq ans attend le peloton pour douze boucles autour de la Plaza Cibeles. Comme les frères Schleck autour de Cadel Evans sur le Tour de France, les Sky Chris Froome et Bradley Wiggins s’apprêtent à faire l’équilibre visuel sur le podium de la Vuelta.
Bauke Mollema reconquiert le maillot vert à la dernière minute.
Aux abords du circuit madrilène, avant même le premier passage des coureurs sur la ligne d’arrivée, une première échappée se dégage. Trois hommes sont catapultés en tête de course : José-Alberto Benitez (Andalucia-Caja Granada), Damiano Caruso (Liquigas-Cannondale) et Joan Horrach (Team Katusha). Le peloton ne s’affole pas. Il laisse les trois coureurs profiter de l’ambiance du critérium final, leur accordant jusqu’à une cinquantaine de secondes d’avance. Mais pas question de leur laisser franchir le seuil de la minute sur ce circuit qui, comme celui des Champs-Elysées, permet toujours au peloton de garder un œil sur les hommes de tête. D’ailleurs, depuis l’adoption de ce parcours urbain en 2006, jamais personne n’est parvenu à s’opposer aux sprinteurs sur le Paseo del Prado, où se sont successivement imposés Erik Zabel, Daniele Bennati, Matti Breschel, André Greipel et Tyler Farrar. Les attaquants sont repris.
Un dernier sprint clôt le Tour d’Espagne. Les Italiens Alessandro Petacchi (Lampre-ISD) et Daniele Bennati (Team Leopard-Trek) se frottent au coude à coude mais négligent la remontée sur leur côté gauche, en plein centre de la chaussée, du Slovaque Peter Sagan (Liquigas-Cannondale). Désormais capable de sprinter d’égal à égal avec les meilleurs finisseurs de la planète, le jeune homme de 21 ans arrache sur le fil son troisième succès d’étape dans cette Vuelta. Tout de rouge vêtu, Juan-José Cobo franchit la ligne le sourire jusqu’aux oreilles. Le Cantabre a course gagnée, il peut maintenant profiter pleinement du triomphe qui lui est réservé devant la fontaine de Cybèle. Celle-là même où notre Français David Moncoutié (Cofidis) s’en va enfiler un quatrième maillot à pois de meilleur grimpeur consécutif. C’est tout simplement grandiose.
Il restait un maillot distinctif non décerné de manière définitive. Deux coureurs se partagent la tête du classement par points ce matin : Joaquim Rodriguez (Team Katusha) et Bauke Mollema (Rabobank). Les trois échappés du jour les privant d’une confrontation au moment des sprints intermédiaires, c’est la place de l’un vis-à-vis de l’autre sur la ligne d’arrivée qui décidera du lauréat du maillot vert. Plus enclin que son adversaire espagnol à se frotter aux meilleurs sprinteurs lors d’une arrivée massive, le Hollandais Bauke Mollema conclut l’étape finale au 9ème rang et reprend possession du maillot vert. Décidément cette Vuelta aura été marquée par l’indécision à tous les niveaux. En plus d’être marquée par le plus petit écart jamais enregistré entre un vainqueur et son dauphin, elle aura vu le maillot rouge valser sur les épaules de neuf leaders avant de se fixer sur celles de Juan-José Cobo.
Classement 21ème étape :
1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) les 94,2 km en 2h20’59 »
2. Daniele Bennati (ITA, Team Leopard-Trek) m.t.
3. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-ISD) m.t.
4. John Degenkolb (ALL, HTC-Highroad) m.t.
5. Nikolas Maes (BEL, Quick Step) m.t.
6. Pim Ligthart (PBS, Vacansoleil-DCM) m.t.
7. Christopher Sutton (AUS, Team Sky) m.t.
8. Koen De Kort (PBS, Skil-Shimano) m.t.
9. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) m.t.
10. Vicente Reynes (ESP, Omega Pharma-Lotto) m.t.
Classement général final :
1. Juan-José Cobo (ESP, Geox-TMC) en 84h59’31 »
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) à 13 sec.
3. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) à 1’39 »
4. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) à 2’03 »
5. Denis Menchov (RUS, Geox-TMC) à 3’48 »
6. Maxime Monfort (BEL, Team Leopard-Trek) à 4’13 »
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 4’31 »
8. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 4’45 »
9. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 5’20 »
10. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 5’33 »
Classement par points :
1. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) 122 pt
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 115 pt
3. Daniele Bennati (ITA, Team Leopard-Trek) 101 pt
4. Peter Sagan (SLO, Liquigas-Cannondale) 100 pt
5. Juan-José Cobo (ESP, Geox-TMC) 92 pt
6. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 88 pt
7. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 78 pt
8. Wouter Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) 71 pt
9. Daniel Martin (IRL, Garmin-Cervélo) 70 pt
10. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 69 pt
Classement de la montagne :
1. David Moncoutié (FRA, Cofidis) 63 pt
2. Matteo Montaguti (ITA, Ag2r La Mondiale) 56 pt
3. Juan-José Cobo (ESP, Geox-TMC) 42 pt
4. Daniel Martin (IRL, Garmin-Cervélo) 33 pt
5. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 32 pt
6. David De La Fuente (ESP, Geox-TMC) 24 pt
7. Nico Sijmens (BEL, Cofidis) 22 pt
8. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 21 pt
9. Chris-Anker Sörensen (DAN, Saxo Bank-SunGard) 20 pt
10. Koen De Kort (PBS, Skil-Shimano) 19 pt
Classement du combiné :
1. Juan-José Cobo (ESP, Geox-TMC) 9 pt
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 16 pt
3. Bauke Mollema (PBS, Rabobank) 17 pt
4. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 21 pt
5. Daniel Martin (IRL, Garmin-Cervélo) 26 pt
6. Wouter Poels (PBS, Vacansoleil-DCM) 38 pt
7. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 39 pt
8. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 48 pt
9. Chris-Anker Sörensen (DAN, Saxo Bank-SunGard) 51 pt
10. Denis Menchov (RUS, Geox-TMC) 52 pt
Classement par équipes :
1. Geox-TMC (ESP) en 254h32’28 »
2. Team Leopard-Trek (LUX) à 10’19 »
3. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 16’44 »
4. Team Katusha (RUS) à 43’18 »
5. Ag2r La Mondiale (FRA) à 43’27 »
6. Rabobank (PBS) à 54’32 »
7. Astana (KAZ) à 58’56 »
8. Liquigas-Cannondale (ITA) à 1h01’51 »
9. Movistar Team (ESP) à 1h05’11 »
10. Team Sky (GBR) à 1h09’45 »