L’énorme machine Tour de France a beau se mettre en marche dans le nord de l’Angleterre, où le vélo semble cette semaine avoir supplanté le ballon rond pourtant ici chez lui, confer l’énorme succès populaire de la présentation des équipes orchestrée hier dans les rues de Leeds, l’esprit des suiveurs n’est pas encore disponible à 101 % pour le Tour. Une fois n’est pas coutume, la salle de presse débauchera ce soir à 17h00, heure de Big Ben. Non pas pour prendre le thé mais pour se masser dans les pubs de la ville autour des écrans qui diffuseront la rencontre France-Allemagne. Un quart de finale de Coupe du Monde qui, 90 minutes durant, laissera le Tour de France sur la touche.
« Bien sûr que je vais le regarder, s’enthousiasme Jérôme Pineau (IAM Cycling), mordu de foot et supporter régulier du stade de la Beaujoire. On a la chance d’être hébergés à Harrogate dans un hôtel tenu par un Nantais, comme moi, et passionné de football. On va pouvoir installer une télé dans la salle à manger. Je ne vais pas rater une miette de ce match comme je n’ai quasiment manqué aucun match de la Coupe du Monde jusque-là. » L’ambiance à l’hôtel, que l’équipe IAM partage avec les Omega Pharma-Quick Step d’un autre féru de football, Tony Martin, promet d’être aussi chaude qu’au Maracanã.
2-1, ce n’est pas le score du match, mais le rapport de forces au sein de l’équipe Lotto-Belisol, où Tony Gallopin fera carrément bande à part face aux deux coureurs allemands, André Greipel et Marcel Sieberg. « L’espace de 90 minutes nous ne serons plus coéquipiers, fait-il savoir. Bizarrement mes coéquipiers allemands sont persuadés que nous allons gagner ou leur mener la vie dure. Ils estiment que la Mannschaft joue moins bien désormais. L’équipe de France est agréable à regarder. Elle joue bien et j’espère qu’elle va aller plus loin. »
C’est aussi le sentiment de Vincent Lavenu, le manager de l’équipe Ag2r La Mondiale qu’un malheureux chevauchement du calendrier privera du quart de finale, le groupe étant retenu à cette heure-là en conférence de presse. « J’ai regardé l’Allemagne jouer contre l’Algérie lundi soir, je l’ai trouvée fébrile, estime-t-il. La France, elle, n’a pas rencontré d’équipe extraordinaire jusqu’à présent. Ce sera très serré entre les deux. Je pense maintenant que la France est dans une phase ascendante. Je vais la jouer cocorico : 2-1 pour la France. » « Ce soir, ce sera champagne, augure lui aussi Jean-Marc Marino (Cannondale), dont la compagne est Allemande. Je vois la France planter un but en prolongation, qu’elle atteindra sur un score de 1 partout. »
Côté allemand, c’est un autre discours. Le double champion d’Allemagne André Greipel entrevoit un match serré qui débouchera sur la victoire de l’Allemagne, mais pas avant d’avoir recouru à la séance de tirs au but. Marcel Kittel (Giant-Shimano), lui, se voit éteindre la télé plus tôt après avoir assisté à la victoire de son équipe 2 à rien.
Des pronostics qui n’affectent en rien le soutien de Jérôme Pineau pour les joueurs de Didier Deschamps. « J’ai toujours été derrière les Bleus, que ce soit au Brésil ou ailleurs. On est Français, on ne va pas supporter une autre équipe tout de même ! Je suis à fond derrière les Français. Je ne suis pas de ceux qui disent : on gagne, ils perdent. Cette équipe-là donne envie. Matuidi, Griezmann, ça mouille le maillot et c’est beau à voir. Je me reconnais en cette équipe qui a du panache. »
Quelle que soit ce soir l’issue de France-Allemagne, le Nantais ne perdra pas le fil de la Coupe du Monde jusqu’à la finale le 13 juillet prochain. « Dans l’équipe, les gars ne regardent pas tellement le foot. Martin Elmiger suit ça, Sylvain Chavanel subit. Il dit qu’il n’aime pas ça, parce que ça fait bien de dire qu’on n’aime pas le foot quand on fait du vélo, mais il va suivre la Coupe du Monde avec moi. De toute façon il n’aura pas le choix : il va m’entendre gueuler dans la chambre jusqu’au 13 juillet. » Le ciel de Leeds, lui, a déjà choisi son camp. Couvert de gris hier encore, il s’est teinté de larges trouées bleues ce matin.