La fiche de lecture la plus facile de l’année ! Deux pages d’une préface signée Jean-Luc Gatellier, que nous avions laissé sur son « Année du cyclisme », et que nous retrouvons ici en trois langues s’il vous plaît : allemand, anglais et français. Sa préface pose le débat. On va de 1947 à la fin des années 70, contrairement à ce que semble indiquer le titre (1940-1970). Avouez qu’il aurait été dommage de manquer les joutes de Luis Ocaña, les envolées de Bernard Thévenet ou l’image d’Eddy Merckx en souffrance après le coup de poing de 1975.

Le cyclisme de ces années-là est-il mieux rendu en noir et blanc qu’en couleur ? Bonne question à laquelle les éditions teNeues semblent répondre par le noir et blanc largement utilisé tout au long de ce livre, en format 35×25 cm. Les photos en double page rendent magnifiquement, celles sur une seule page n’ont rien à leur envier, et les champions de l’époque ne manquent pas. Les situations cocasses non plus. D’autant plus qu’on balaye une époque où les journalistes pouvaient facilement accéder aux coureurs. On y voit Hugo Koblet, la grande classe (même sans couleur), dans la salle de bains, pas loin de la brillantine qui va bien, ou encore Jacques Anquetil au massage avec son masseur torse nu.

Les paysages sont magnifiques et les coureurs, souvent face à leur peine, magnifient un peu plus ces lieux qui sont associés à jamais au vélo. Le Ventoux en 1955 avec guère de spectateurs ; l’Izoard, sa Casse Déserte et les champions qui se sont isolés pour prendre la lumière comme Fausto Coppi en 1951 ; le Galibier et Luis Ocaña en 1973 ; l’Alpe d’Huez en 1979 avec Joop Zootemelk devant Bernard Hinault et Lucien Van Impe… La montagne, mais pas que, la dernière double page montre les coureurs obligés de mettre pied à terre en 1976 sur l’étape Nancy-Mulhouse à cause de… journaux, un comble pour le Tour créé par L’Auto.

Des champions magnifiques, des paysages sublimes, mais pour que le spectacle soit total il faut des spectateurs. Et ils sont là, comme toujours, comme partout sur le Tour. Certes, après la Seconde Guerre mondiale, ils ne sont pas encore entre 12 et 15 millions sur les trois semaines, mais déjà là pour encourager, accompagner du mouvement, arroser copieusement les coureurs (ça part toujours d’un très bon sentiment), et même émoustiller les regards des plus avertis quand les filles ont sorti la crème à bronzer, et surtout les maillots de bain, et dont les formes n’échappent pas aux coureurs qui ont bien retenu la maxime première : lever la tête du guidon.

Un livre dont la Une est faite de Jean Robic arrosé par deux spectateurs enthousiastes dans le col de la Chartreuse en 1947 et qui se termine par le tête-à-tête Anquetil-Poulidor dans le Puy de Dôme le 12 juillet 1964 ne peut pas être autre chose qu’un ouvrage dont les auteurs ont tout compris. On confirme des clins d’œil aux stars de l’époque : Yvette Horner, Line Renaud « toute jeune », Bourvil la clope au bec… Des clins d’œil aussi aux drames subis par les coureurs. On y croise souvent Ferdi Kübler, photogénique certes mais visiblement souvent poissard ; Raymond Poulidor en 1968, nez en sang séché sur la peau. Des moments d’intimité même pas volés. Ce livre est une excellente trouvaille. Une pièce rare pour tous les amoureux de vélo, de photo et de chouettes paysages. Bonne pioche assurée également en guise de cadeaux, y a pas photo !

« Tour de France : l’âge d’or 1940-1970 » (Editions teNeues). 175 pages. 25 €. – www.eyrolles.com