Qu’il semble loin le temps où les sprinteurs avaient tout le loisir de s’exprimer durant la première semaine du Tour qui était leur chasse gardée. La volonté des organisateurs de dynamiser l’épreuve en rendant ces premiers jours de course plus palpitants se fait au détriment des hommes véloces pour qui les occasions de briller ne seront franchement pas nombreuses dans les dix premiers jours et sur la totalité du parcours. Entre le chrono individuel et celui par équipes, les deux arrivées en bosse à Huy et à Mûr-de-Bretagne, et l’étape de Cambrai, il ne reste, en théorie, que quatre occasions pour les hommes rapides de jouer des coudes en première semaine. Pour le reste, il faut ajouter l’étape de Valence, voire celle de Rodez en deuxième semaine avant l’ultime explication sur les Champs-Elysées le 26 juillet en guise de bouquet final.
Dans les faits, les choses pourraient être encore plus compliquées. L’étape de Zélande et celle du Havre sont propices aux bordures avec un final en bord de mer, et cette dernière se conclut par la côte d’Ingouville (800 mètres à 7%) qui pourrait éliminer les purs-sprinteurs. Ce parcours, pas forcément fait pour plaire aux finisseurs, ne les a pourtant pas découragés. Le Tour de France réunit une nouvelle fois ce qu’il se fait de mieux dans le monde du sprint. L’octuple vainqueur d’étape en deux éditions, Marcel Kittel (Giant-Alpecin), en méforme depuis le début de l’année et le sprinteur le plus véloce du Giro, Sacha Modolo (Lampre-Merida) sont les deux exceptions qui viennent confirmer la règle.
Pour le reste, on peut donc difficilement faire mieux. Toute l’attention se porte sur Mark Cavendish (Etixx-Quick Step) et Alexander Kristoff (Team Katusha). Le premier a encore en tête le scénario catastrophe de la dernière édition où il chutait dès la première étape dans la ville où il a grandi. Le Britannique a une belle occasion de poursuivre son ascension dans la légende du Tour. Avec 25 victoires d’étape, il appartient depuis deux ans au Top 3 des coureurs les plus victorieux sur le Tour derrière Eddy Merckx et Bernard Hinault, excusez du peu ! De son côté, le Norvégien est attendu pour confirmer sa nouvelle domination sur le sprint mondial. L’ogre scandinave compte sur le mois de juillet pour garnir un peu plus sa collection déjà riche de dix-huit bouquets depuis le début de l’année.
Cette saison, les deux hommes ne se sont retrouvés qu’à de rares occasions avant le Tour de Suisse où leur duel a été arbitré par un Peter Sagan (Tinkoff-Saxo) retrouvé. Le triple Maillot Vert a laissé derrière lui un printemps compliqué pour se rassurer sur la ronde helvète avec deux succès. Quant à savoir s’il pourra briguer un quatrième classement par points consécutif, rien n’est moins sûr. Le nouveau règlement favorise les victoires d’étape, mais c’est surtout le rôle qu’il tiendra dans la garde rapprochée d’Alberto Contador qui reste la grande inconnue. Depuis 1997, aucune équipe n’a pu ramener et le Jaune et le Vert à Paris. Le parcours vallonné de la première semaine n’aurait pas été pour lui déplaire. Michael Matthews (Orica-GreenEdge) et John Degenkolb (Giant-Alpecin) qui possèdent un profil similaire pourraient en profiter.
Aux côtés de ces stars du sprint, auxquelles il convient d’ajouter le nom d’André Greipel (Lotto-Soudal), lauréat de quatre sprints au mois de juin, les Français auront leur mot à dire. Nacer Bouhanni (Cofidis) après une première expérience ratée en 2013 n’aborde pas le Tour de la meilleure des manières. La chute qui lui a sans doute coûté le titre de champion de France ne l’empêche pas de prendre le départ de la Grande Boucle, mais le Vosgien, touché aux côtes, se présente tout de même diminué à Utrecht. Même en cas de mauvaise passe traversée par le sprinteur de Cofidis, Arnaud Démare (FDJ), 3ème à Lille et à Saint-Étienne sur le Tour l’an dernier, et Bryan Coquard (Team Europcar), auteur de sept Tops 10 et 3ème du classement par points en 2014, se chargeront de représenter la France sur les arrivées groupées.