Une carte sur les genoux, un stylo dans la main, le téléphone portable toujours à proximité, Laurent Biondi scrute le moindre détail. Le moindre indice. Parti en aval de la course, à bord d’un véhicule destiné aux invités des différents partenaires de l’équipe Ag2r La Mondiale, le directeur sportif observe et prend des notes. Dans une heure, le peloton du Tour de France passera sur ces routes qu’il méconnaît bien souvent, en dépit des précisions du road-book. Alors Laurent Biondi annote, griffonne. Tout ce qui lui semble essentiel. L’état des routes, le sens du vent, les points stratégiques : « km 83 traversée de Saint-Gervais étroite et sinueuse » ; « km 87 première partie descente rapide et en lacets au bout de 1,5 km » ; « km 95 vent favorable au bout de 2 km de montée »…
Pendant le Tour, Laurent Biondi est éclaireur. C’est la mission qui lui a été confiée voilà sept ans. Un job important qui s’est développé dans toutes les équipes participant au Tour de France. « Le road-book est assez précis mais il ne tient pas compte de l’orientation du vent, des conditions atmosphériques ou de l’état des routes, révèle le DS. Je note donc tous les éléments qui me paraissent importants, le nez plongé dans le road-book et sur mes notes. » Tout est bon pour étayer ses observations sur le terrain, à commencer par l’agitation des drapeaux des supporters – « je suis pour les drapeaux, il devrait y en avoir plus au bord des routes ! » – pour relever d’où vient le vent.
A mesure que son véhicule progresse sur la route du Tour, Laurent Biondi noircit son bloc-notes. Chaque jour, il prend deux à trois pages de notes, qu’il transmet ensuite par téléphone ou SMS aux directeurs sportifs présents à l’échelon de la course et qui retransmettront à leur tour les informations aux coureurs. « Je prends toujours beaucoup de notes, admet l’éclaireur d’Ag2r La Mondiale. Je suis peut-être trop précis mais je préfère donner un maximum d’informations aux directeurs sportifs. Après ils analysent et ils décident de transmettre ou non l’info aux coureurs. Bien souvent ils leur communiqueront les messages les plus courts et les plus importants. »
Les stratégies sont également susceptibles d’être modifiées en fonction du vent ou des conditions climatiques, bien que les informations qui sont remontées au peloton soient sensiblement les mêmes d’une équipe à l’autre. Il n’empêche qu’en certaines circonstances celles passées par Laurent Biondi se sont avérées essentielles. Ce fut le cas en direction de La Grande-Motte en 2009. « J’avais remarqué qu’en virant à droite on se retrouvait à découvert et qu’il y avait un risque de bordure, se souvient-il. Je l’ai aussitôt signalé. Ce jour-là on a réussi à placer nos coureurs les plus importants devant. Ils ont été réactifs à l’info, ce qui est valorisant. » Tous n’avaient pas eu cette chance. Alberto Contador avait été piégé dans une bordure.
Un travail d’éclaireur important qui vient grandement mâcher le travail des coureurs. Trop peut-être. « Il est vrai que les coureurs aujourd’hui tiennent peut-être moins compte des informations du road-book qu’à notre époque », admet Laurent Biondi, qui continue d’appliquer au poste qu’il occupe sur le Tour de France des principes que lui ont enseignés ses années au cœur du peloton. A une époque où GPS, SMS et oreillettes n’avaient pas la moindre signification.