Tsgabu, vous êtes le premier Ethiopien à participer au Tour de France, mais les Éthiopiens sont-ils familiers de la Grande Boucle ?
Oui, tous les ans, le Tour passe à la télé. Cette année, c’est moi que les Éthiopiens pourront voir sur leur écran (il rit). Les gens sont en tout cas très enthousiastes. Les médias en Éthiopie parlent de moi et du Tour de France. C’est un sentiment très particulier d’être au départ. Je veux représenter la nouvelle génération de cyclistes éthiopiens. Représenter mon pays sur le Tour pour la première fois de son histoire, c’est aussi quelque chose que je m’étais imposé de faire un jour. C’est important à la fois pour l’Éthiopie, pour moi et pour ma famille. Mais aussi pour l’avenir ! En quelque sorte, c’est un page de l’histoire que j’écris. Je resterai comme le premier coureur éthiopien à participer au Tour. C’est ce qui fait que je suis aussi enthousiaste, heureux et fier.
Pourtant il y a dix ans, vous étiez vous-même derrière votre écran…
Oui, je me souviens du premier Tour de France que j’ai pu regarder. C’était en 2007. A partir de là, je n’ai plus jamais lâché le Tour et je le regardais tous les ans. A cette époque, j’avais été particulièrement séduit par le comportement offensif d’Alberto Contador, et cette année, je suis finalement au départ avec lui.
Avez-vous déjà eu l’occasion d’en discuter avec lui ?
Je l’ai déjà rencontré à plusieurs reprises oui, mais nous n’avons pas eu beaucoup d’occasions d’en discuter. J’ai énormément de respect pour lui. L’autre coureur qui m’a beaucoup inspiré, c’est Chris Froome. Son histoire me parle. Il est né au Kenya et remporte le Tour de France. Ça semblait quelque chose d’inimaginable et pourtant il l’a fait. C’est mon rêve d’accomplir à mon niveau quelque chose sur le Tour de France. Ça ne sera peut-être pas le maillot jaune comme lui, mais pourquoi pas envisager une victoire d’étape ?
Vous disiez que votre premier souvenir du Tour remontait à l’année 2007, une édition mouvementée. N’avez-vous pas été affecté par le contexte particulier dans lequel ce Tour s’est déroulé ?
Non, j’étais encore adolescent à cette époque. Je n’avais que 16 ans et je n’avais pas conscience de tout ce qui se passait. En plus, le Tour était diffusé en anglais, qui n’est pas ma langue maternelle, et je ne comprenais pas tout ce qui se disait. Je me contentais de regarder les images et d’apprécier la course. Quand Alberto Contador a gagné, il était jeune. C’est sans doute pour ça que je me suis dit : « j’aime bien ce coureur, je vais le suivre. » C’est ce que j’ai fait.
A cette époque, votre culture cycliste se limitait-elle au Tour de France ?
Oui, j’ai appris ce qu’était le cyclisme et l’existence des autres courses un peu plus tard. A cette époque, je ne suivais que le Tour de France. C’est l’époque également à laquelle j’ai commencé à courir, aux alentours de 2008. Mon père était cycliste en Éthiopie, tout comme mon grand frère. Ils m’ont beaucoup aidé à lancer ma carrière, tout comme l’ensemble de ma famille.
C’est relativement tard en comparaison des coureurs européens…
En fait, je suis monté sur un vélo dès mon plus jeune âge, vers six ou sept ans. Mais c’était alors un moyen de transport qui me permettait d’aller à l’école. De toute façon, j’ai grandi dans un environnement cycliste. Mais je n’ai commencé la compétition que lorsque j’avais environ seize ans.
Le vélo est-il populaire en Éthiopie ?
Avoir un vélo revient vite très cher. Surtout à l’époque à laquelle j’ai commencé. Mon père avait son vélo, donc j’ai commencé les compétitions sur son vélo. En cyclisme, on a besoin de tout un équipement. Ce n’est pas comme la course à pied où on a simplement besoin de chaussures. Nous avions également quelques sponsors qui nous ont bien épaulés. C’est encore difficile, ce n’est pas encore parfait, mais peut-être que les sponsors vont changer d’avis et viendront pour aider le cyclisme éthiopien.
Et vous aurez un rôle prépondérant dans cette promotion du cyclisme éthiopien…
Oui, les sponsors pourront être tentés d’investir en voyant qu’un coureur éthiopien dispute le Tour de France. Le gouvernement également à ses intérêts. Je n’ai aucun doute quant au fait que nous pourrions être meilleurs, mais pour l’heure ce n’est pas encore parfait. Nous devons encore lutter pour trouver un vélo, des chaussures et tout l’équipement qui doit être importé en Éthiopie. J’espère changer les choses avec ma présence. Les choses peuvent changer, et je suis sûr qu’elles changeront.