Tout au long du Tour de France, des personnalités du cyclisme reviennent avec nous sur une édition qui les a marquées, un moment fort qu’elles ont vécu de près ou de loin. Chirurgien orthopédiste spécialisé en chirurgie des sportifs de haut niveau, et grand passionné de cyclisme, Toon Claes intervient fréquemment auprès des champions blessés.
Toon, à quelle édition du Tour de France êtes-vous particulièrement attaché ?
Je dirais le Tour de France 1962 pour rendre un hommage à mon père, qui fut le premier médecin du sport en Belgique, et à Rik Van Looy, dont il a été tout au long de la carrière le médecin, le coach, l’agent et avant tout l’ami. En 1962, Rik Van Looy portait pour la seconde année de suite le maillot de champion du monde, conquis à Berne. Tout le monde était fou de lui et pour l’honorer nous avions organisé une arrivée d’étape à Herentals au deuxième jour. Il était spécialement motivé ce jour-là et avait réussi à sortir du peloton en vue du dernier kilomètre. Mais il s’est trompé de route et André Darrigade a gagné le sprint. Ça a été un drame. Herentals n’a reçu le Tour qu’à cette seule occasion, et tout le monde parle encore aujourd’hui de cet épisode.
1962, c’était la deuxième victoire de Jacques Anquetil dans le Tour de France…
Et aussi le premier Tour de France de Raymond Poulidor, qui avait terminé 3ème derrière Jacques Anquetil et Joseph Planckaert. Poulidor avait pris le Grand Départ de Nancy avec un plâtre pour s’être fracturé l’auriculaire gauche quatre jours plus tôt à l’entraînement. Quant à Jacques Anquetil, il n’avait pris le maillot jaune que deux jours avant l’arrivée finale à la faveur d’un contre-la-montre entre Bourgoin et Lyon. Et puis, le Tour 1962, ça reste aussi le premier porteur britannique du maillot jaune, Tom Simpson.
Rik Van Looy, qui disputait en 1962 son premier Tour de France, aura finalement conquis sept étapes au cours des années suivantes, gagné le maillot vert en 1963 et porté un jour le maillot jaune en 1965. Quel souvenir gardez-vous de ce coureur ?
Je me souviens de la célébration de son premier titre de champion du monde en 1960. Nous avions organisé une grande fête à Herentals avec une procession dans toute la ville. Rik Van Looy paradait dans un grand cabriolet américain. Il était passé dans la petite rue où habitaient mes parents, et chacun avec mes trois frères et sœurs tenions des pancartes qui disaient : « vive », « Rik », « Van », « Looy » ! Ce fut un grand moment.
Qui d’Eddy Merckx ou de Rik Van Looy est à vos yeux le plus grand champion ?
Il m’est impossible de choisir. Eddy Merckx possède sans discussion le plus grand palmarès de tous les temps. Mais ce sont deux personnalités extraordinaires avec deux caractères complètement différents. Ça ne s’est pas toujours bien passé entre eux, surtout au début quand Rik était le patron et qu’Eddy était déjà trop fort pour lui. Ça a donné lieu à des différends, mais il en est souvent ainsi entre deux champions de caractère. S’ils ne sont pas de vrais amis, ils ont toujours eu beaucoup de respect l’un pour l’autre. Aujourd’hui, je suis ami avec Eddy Merckx et nous nous respectons avec Rik Van Looy. Nous avons des relations différentes mais j’ai beaucoup de respect pour l’un comme pour l’autre.
Pour vous, quel reste le plus grand moment de la carrière d’Eddy Merckx dans le Tour de France ?
Ça reste son numéro à Mourenx en 1969. Eddy Merckx disputait son premier Tour de France, qu’il est allé conquérir dans cette étape Luchon-Mourenx. C’était extraordinaire, comme le reste du Tour. J’atais fan de Rik Van Looy de par ses liens avec ma famille mais cette année-là nous nous sommes demandés ce qu’il se passait au Tour.