L’étape du jour : Mulhouse – La Planche des Belles Filles (160,5 km)profil étape 6 tdf 2019 | © ASO
On y est ! En ce jeudi 11 juillet 2019, le Tour s’apprête à prendre un nouvel élan, celui insufflé par la montagne. Un changement de rythme et de braquet qui fera cesser les prédictions entre les performances à venir des différents favoris et livrera un verdict certain et implacable.
La Planche des Belles Filles accueille la Grande Boucle pour lui offrir le théâtre de la première bagarre tant attendue entre les ténors des cieux. Parmi les personnages, le héros local, Thibaut Pinot, qui rêve de s’imposer en ses terres, juste au-dessus de sa maison. Mais face à lui s’opposent les méchants de l’histoire, les deux coleaders du Team INEOS, désignés pour poursuivre la dynastie de maillots jaunes au sein de la formation britannique. Et puis les autres protagonistes, ceux qui ont aussi une belle carte à jouer sur les pentes franc-comtoises, de Jakob Fuglsang à Adam Yates en passant par Vincenzo Nibali et Steven Kruijskijk, sans oublier Romain Bardet.
Tant de noms à faire frissonner n’importe quel suiveur qui auront en premier lieu à franchir une série ahurissante de cols vosgiens, avec le Markstein (10,8 km à 5,4%), le Grand Ballon (1,3 km à 9%), le col du Hundsruck (5,3 km à 6,9%), le ballon d’Alsace (11 km à 5,8%) le col des Croix (3,3 km à 6,1%) et le col des Chevrères (3,5 km à 9,5%) avant de se départager sur les terribles voire cauchemardesques pentes de la Planche des Belles Filles (7 km à 8,7%) et son fameux dernier kilomètres avec des tronçons où la déclivité de la route dépassera le seuil des 20%.
Que dire face à un tel programme ? L’excitation de le découvrir sous les roues du peloton prévaut à toute parole. Elle s’ajoute également au désir de voir se dessiner une première hiérarchie entre les favoris, et à la curiosité de connaître l’identité de l’homme qui lèvera les bras au sommet du col franc-comtois, s’inscrivant ainsi comme un prétendant majeur à la victoire finale. Bref, vivement l’heure du départ !
La Grosse Cote du Jour : Steven Kruijswijk
Il n’est pas le coureur le plus connu ni celui au palmarès le plus fourni, mais il est celui qui a été le plus en vue en ce début de Tour de France. Troisième au classement général, à seulement 25 secondes du leader Julian Alaphilippe, vainqueur du contre-la-montre par équipes avec la formation néerlandaise Jumbo-Visma, il est le ténor des cieux qui a le mieux réussi ses cinq premières étapes.
Trop méconnu, Steven Kruijswijk pourrait exploser aux yeux du grand public sur les pentes aigues de la Planche des Belles Filles. Pourtant rappelez-vous, l’homme au maillot rose qui a chuté au cours de la 19e étape du Giro 2016 dans la descente du col d’Agnel, poussé à la faute par Vincenzo Nibali, c’était lui ! L’auteur de l’incroyable raid solitaire de 70 kilomètres sur la route de l’Alpe d’Huez l’an passé, devenant même quelques instants virtuel maillot jaune, c’était encore lui ! Le garde du corps de Primoz Roglic sur la Grande Boucle 2018, qui a contribué autant au podium sur les Champs-Elysées de ce dernier que le slovène lui-même, c’était toujours lui !
Steven Kruijswijk, ou le coureur au nom imprononçable, a désormais tous les voyants au vert pour cette 106e édition de la Grande Boucle. Débarrassé de la tutelle du sauteur à ski, trop émoussé après un Tour d’Italie harassant, il est cette année le seul et unique leader du Team Jumbo-Visma en montagne. L’homme aux 6 tops 10 dont 3 tops 5 en Grands Tours a d’ailleurs réalisé la saison parfaite dans cette optique. Plus frais que jamais avec seulement 26 jours de course cette saison, pour des places de troisième, cinquième et sixième aux classements généraux des Tours d’Andalousie, de Catalogne et de Romandie, il pourrait bien être la révélation de cette première étape décisive du Tour 2019 en devançant en Haute-Saône les Thomas, Bernal et consorts.
L’œil sur le dossard 101
Nouvelle journée sans encombre pour Adam Yates ! S’il avait pu s’attendre à une étape compliquée, mouvementée voire piégeuse, il n’en a rien été, transformant l’étape en longue procession vers l’arrivée à Colmar. Sous l’impulsion des équipes Etixx Quick-Step, Bora-Hansgrohe et Sunweb, les velléités d’attaques ont été sérieusement mises à mal, gardant la meute groupée en une grosse soixantaine d’unités jusque dans les rues de la ville alsacienne. C’est ainsi une place de 52e sur la ligne qui conclut la journée du britannique, bien au chaud dans le peloton jusque dans les derniers kilomètres. Idéal pour rester frais pour l’étape décisive d’aujourd’hui !
Le beau geste de la veille : les poignées de main de Valverde
On peut crever sans s’énerver, cela est régulièrement démontré par les plus grands leaders du peloton. Mais ce qu’on ignorait jusqu’alors, c’est que l’on peut profiter d’un ennui mécanique pour saluer les spectateurs venus assister au passage du Tour ! C’est en tout cas avec un tel comportement qu’Alejandro Valverde (Movistar) a attendu tranquillement que la voiture de son équipe vienne le dépanner. En effet, à Obernai, village alsacien situé à une centaine de kilomètres de l’arrivée, alors que l’espagnol s’était arrêté le long de la chaussée, il a décidé de serrer la main aux personnes présentes à son niveau, signant alors le beau geste du jour ! Un acte sympathique de la part du coureur de Murcie, qui s’inscrira à vie dans la mémoire des quelques chanceux et participera pleinement à forger la légende du Tour de France.
Une Histoire du Maillot Jaune : La naissance de l’hégémonie Sky
Si cette sixième étape du Tour 2019 marque la quatrième arrivée de la Grande Boucle au sommet de la Planche des Belles Filles, il faut se souvenir que ce col haut-saônois n’a été inauguré qu’en 2012 par la Ronde de Juillet. Le grand public avait alors assisté pétrifié à la naissance de l’hégémonie Sky, encore prégnante aujourd’hui. Mieux : les routes franc-comtoises voyaient alors se mettre en place une technique jamais déjouée jusqu’ici, forme de version 2.0 des méthodes tactiques de l’US Postal, le rouleau-compresseur britannique.
Au pied de la dernière ascension, le peloton reprend les échappés, emmenés par le train infernal imposé par les équipiers de Bradley Wiggins et Christopher Froome. Les Boassen Hagen, Rogers et Porte se succèdent à l’avant de la meute pour empêcher la moindre velléité d’attaque, contraignant tous les concurrents à s’accrocher à la roue qui les précède, avant de lâcher prise un à un. Si cette stratégie diabolique ne parait pas spectaculaire, elle se révèle en revanche terriblement efficace. Isolant les leaders adverses, usant les organismes, épuisant les forces restantes, le train Sky réduit en quelques kilomètres le peloton à une dizaine d’unités, parmi lesquelles figurent encore trois coureurs de la formation britannique. En supériorité britannique, les hommes de Dave Braidford accentuent et intensifient encore un peu plus l’effort, réduisant la concurrence aux simples noms d’Evans et Nibali, médusés par la démonstration de force qu’ils subissent alors. L’un tenant du titre et l’autre vainqueur de la Vuelta 2010 paraissent soudainement totalement impuissants, inoffensifs, désarmés face à l’armée noire des Sky.
Si bien que dans l’ultime raidard de l’ascension, ils se révèlent incapables de suivre l’accélération fulgurante de Christopher Froome, glanant là sa première victoire d’étape sur la Grande Boucle, et permettant à son leader Bradley Wiggins de s’emparer d’une tunique dorée qu’il ne quittera plus jusqu’aux Champs-Elysées. Seul Cadel Evans parvient alors à s’insérer entre les deux au passage de la ligne d’arrivée.
Ainsi, si la Planche des Belles Filles est aussi le théâtre des coups d’éclats de Vincenzo Nibali en 2014 et de Fabio Aru en 2016, elle reste également le col qui a vu surgir de nulle part une véritable armada, se préparant à une domination sans partage jusqu’à la fin de la décennie. Demain, si les noms auront changé, Sky devenant INEOS, les Froome et Wiggins laissant place aux Bernal et Thomas, la démonstration risque d’être similaire et le résultat une impression de déjà-vu des 8 dernières années…
La spécialité du coin : La flammekücheflammeküche | © Cookomix
Deuxième étape partiellement alsacienne et deuxième spécialité de la fantastique gastronomie rhénane : la flammeküche (ou tarte flambée dans la langue de Molière). Ce plat tire son nom de sa recette ancestrale, qui requérait de lécher la pâte et sa garniture par les flammes. Sorte de « pizza alsacienne », elle est composée d’une fine et large pâte à pain sur laquelle sont entreposées oignons émincés et lardons, au milieu d’un mélange de crème légère, d’œufs battus et de fromage blanc.
A l’origine met rustique, la flammeküche, qui a pourtant bien failli disparaître dans les années 1960, est devenue emblématique de la région, au même titre que le kougelhopf ou le bretzel, s’étendant même outre-rhin. Les brasseries offrant aux visiteurs sa recette originale ou de multiples formes dérivées ne manquent pas dans les villages et les cités alsaciens, ajoutant une dose de folklore à la découverte des sublimes colombages et canaux qui décorent ces derniers. La déguster à la bonne franquette accompagnée d’une bonne bière locale ou d’un vin du fantastique vignoble alsacien est une expérience incontournable pour ceux qui décident de faire halte dans la région de la cigogne !