Le troisième, Alejandro Valverde, n’a, il est vrai, participé qu’une seule fois au Tour d’Italie où il a remporté une étape et terminé sur le podium (3e en 2016) mais sans endosser la tunique rose. La deuxième place de l’Italien au Tour de Burgos est le signe d’un retour au premier plan, à 31 ans.
La Vuelta 2015 est restée dans les mémoires pour le renversement de situation, à la veille de l’arrivée. Une édition marquée par un duel de deux athlètes au physique opposé – le grand rouleur Tom Dumoulin, 6 jours avec La Roja, contre le petit scarabée Esteban Chaves – qui se sont vu couper l’herbe sous le pied par Fabio Aru, champion prédestiné dont la trajectoire rappelait Vincenzo Nibali : « Il Cavaliere dei 4 mori » (le chevalier des 4 Maures) est originaire d’une île, la Sardaigne, comme « le requin » a tiré son surnom du détroit de Messine, entre sa Sicile natale et l’Italie continentale, et surtout, les deux hommes ont en commun d’avoir inscrit La Vuelta comme le premier Grand Tour à leur palmarès (Nibali cinq ans avant Aru).
Porteur du maillot rose du Giro en 2015 (une journée), Aru, vainqueur sur le Tour de France 2017 à La Planche des Belles Filles comme Nibali en 2014, demeure le seul à avoir dépossédé le grand Chris Froome et son intouchable Team Sky du maillot jaune, fut-ce pour deux jours seulement. Ça s’est également produit en 2017, à la faveur d’un final tranchant vers Peyragudes. Aru aime les Pyrénées. Il a un faible pour l’Espagne et son identité. C’est un homme de lettres, qui a étudié au lycée classique. Il connaît l’histoire et la culture méditerranéenne qui relie la Sardaigne à la Catalogne. Le drapeau d’inspiration catalane flotte encore à Alghero, au nord-ouest de l’île.
Fabio Aru – Vuelta 2017 | © Brendan Ryan
Le début de son histoire avec La Vuelta remonte à sa victoire d’étape, le 3 septembre 2014, à San Miguel de Aralar (11e étape). Où il mit dans les cordes le leader de l’épreuve, Alberto Contador, et l’impressionnant parterre de favoris composé alors de Chris Froome, Alejandro Valverde et Joaquim « Purito » Rodriguez, mais plus de Nairo Quintana, contraint à l’abandon ce jour-là à deux pas de son domicile européen de Pampelune (vainqueur du Giro cette année-là, il courait chez Movistar).
Au commentaire, Pedro Delgado avait lâché un cri de surprise teinté de compliments quand le jeune Italien, 24 ans à l’époque, révélé au grand public trois mois plus tôt par sa victoire d’étape à Plan di Montecampione sur le Giro, avait accéléré à 2 km du sommet de la raide ascension navarraise. Il plaça sa première véritable attaque à 1,5 km du but, toujours avec Contador aux aguets, et il s’envola seul vers sa première victoire à l’étranger, alors qu’il restait 400 mètres de montée.
« Vous avez vu qui j’ai battu ? », s’émerveilla Fabio Aru à sa descente de vélo. Effectivement, le classement, derrière lui, avait de la classe : 2. Alejandro Valverde, 3. Joaquim ‘Purito’ Rodriguez, 4. Alberto Contador, 5. Chris Froome, 6. Rigoberto Uran, 7. Samuel Sánchez, 8. Dan Martin ! « Aru me rappelle moi-même quand j’étais jeune, commenta ce jour-là Alberto Contador qui s’apprêtait à remporter sa troisième et dernière La Vuelta. Il a le même coup de pédale et la même manière de courir que moi. Le même changement de rythme en côte aussi. Et c’est un courageux ! Il sera l’étoile des prochaines années. » Quatre jours plus tôt, Contador avait lancé dans le peloton un « comment ça va ? » à Aru, qui avait cru que le Madrilène s’adressait à leur ami commun Paolo Tiralongo. « Tu te rends compte, Paolo, c’est à moi qu’il parlait ! », s’étonna-t-il.
© Graham Watson
Cette victoire n’allait pas être sans lendemain puisqu’une semaine plus tard, il s’imposait de nouveau, à Monte Castrove en Meis (18e étape), avant de compléter la ronde espagnole en cinquième position au classement final établi à… Saint-Jacques-de-Compostelle – tiens, un signe du destin pour son retour sur La Vuelta 21 dont le bout du chemin est le même ? Après son triomphe de 2015, Fabio Aru a terminé 13e de La Vuelta 17, qu’il avait abordée fatigué après son très beau Tour de France, puis 23e en 2018. On l’a vu pleurer à un départ d’étape en 2019 avant son abandon (13e étape) car il ne pouvait s’exprimer pleinement. Il a souffert du dos et connu divers soucis de santé.
« C’est un plaisir de le voir revenir en forme juste avant La Vuelta, s’enthousiasme le directeur général de La Vuelta Javier Guillén, car Fabio Aru nous a laissé d’excellents souvenirs quand il était l’un des grands protagonistes. Comme le disait Alberto Contador, c’est un courageux. En pleine possession de ses moyens, il pratique un cyclisme spectaculaire. Il est complètement dans l’esprit de La Vuelta. »