Roglic à l’attaque
Primoz Roglic à l’attaque dans le Puerto de Almachar | © ASO / Photo Gomez Sport
Si le contre-la-montre final de Saint-Jacques-de-Compostelle devrait jouer en sa faveur, Primoz Roglic en veut plus. Avec seulement 35 petites secondes d’avance sur Enric Mas, son premier rival au classement général, au terme de cette seconde semaine de course, le slovène est conscient qu’il n’est pas à l’abri. Ses récentes défaillances à des moments primordiaux semblent en effet lui rester à l’esprit, développant ainsi cette soigneuse prudence. Dès lors, pour ne pas revivre le cauchemar de la Planche des Belles Filles, le coureur de la Jumbo-Visma se montre étonnamment offensif, en attaquant là où personne ne l’attendait. Sur la route de Rincon de la Victoria, dans une paisible étape promise à l’échappée, il a surpris tout son monde en lançant une puissance accélération à plusieurs bornes du sommet du Puerto de Almachar, unique difficulté de la journée. Prenant de court les formations rivales, il a distancé un peloton encore conséquent, avant de se jeter corps et âme dans une descente tortueuse. Attiré frénétiquement par l’appât du gain, le natif de Trbovlje en a même perdu toute notion du risque, partant inéluctablement à la faute. Si le score final est nul, l’attitude est en revanche à garder en mémoire, d’autant plus que la chute n’y a rien changé. Effectivement, le double vainqueur de l’épreuve a récidivé dès le lendemain, dans le mur de Valdepenas de Jaen, où il s’est arraché pour reprendre Magnus Cort Nielsen, dernier rescapé de l’échappée matinale, distancer Enric Mas dans le sprint final, et empocher les dix secondes de bonification promises au vainqueur. Avec le copieux menu de montagne réservé par l’organisation en troisième semaine, voilà qui promet de l’action !
La révolution n’est pas tue
« Superman » Lopez compte bien voler dans les Asturies | © Movistar
Si le slovène se montre autant à l’attaque, c’est aussi parce qu’il constate tous les jours que ses rivaux n’ont pas dit leur dernier mot. Attaqué par Enric Mas lors de la 9e étape puis par Miguel Angel Lopez au Pico Villuercas, Primoz Roglic sait qu’il va devoir faire face à une Movistar à deux têtes. Souvent piégée par cette stratégie durant le passé, la formation hispanique semble enfin la mettre à son profit, avec deux hommes aux trousses du coureur de la Jumbo-Visma au classement général (+ 36s pour Enric Mas et +1min28s pour Miguel Angel Lopez). On l’a notamment vue en place avec la dernière attaque du colombien dans les Monts de Tolède, lors de laquelle son compère majorquain s’était placé dans la roue de Primoz Roglic, prêt à contrer le slovène s’il faisait l’effort pour rattraper « Superman ». Aujourd’hui, en conférence de presse, Enric Mas n’a d’ailleurs pas caché ses ambitions, déclarant avec détermination « on va attaquer car on veut gagner ». C’est donc avec les yeux rivés sur les Asturies que les Movistar abordent cette troisième semaine de course, en espérant que leurs rampes ardues jouent en leur faveur, eux les purs grimpeurs.
De même, de plus en plus en jambes au fil des jours, Adam Yates compte bien profiter de sa fraîcheur pour monter sur le podium du premier Grand Tour de sa saison, et essayer même d’en détrôner son roi. Son attaque dans le final de la 15e étape témoigne à ce titre de son attitude offensive, récupérant ainsi 15 secondes aux favoris. Dès lors, il pourrait bien faire des forts pourcentages à venir son terrain de jeu pour entamer sa remontada. Et dans cette entreprise, les qualités d’escaladeur de son coéquipier Egan Bernal ne lui seront pas inutiles.
Les joies de l’exil des Français
Romain Bardet, vainqueur au sommet du Pico Villuercas | © ASO / Photo Gomez Sport
Si la première semaine de course n’avait pas offert de bouquets aux tricolores, la seconde a été le théâtre de deux succès coup sur coup, par l’intermédiaire de Florian Sénéchal (13e étape) et Romain Bardet (14e étape), soit les troisième et quatrième victoires françaises en Grands Tours cette année. Or, parmi ces quatre triomphes, trois sont les faits d’exilés, à commencer par les deux hommes cités. Si trois équipes tricolores sont présentes sur cette 76e édition de la Vuelta (Groupama-FDJ, Cofidis et AG2R-Citroën), ce sont bien deux des trois Français courant pour des formations étrangères qui ont levé les bras, puisque Florian Sénéchal porte le maillot des Belges de la Deceuninck Quick-Step et Romain Bardet celui du Team DSM, de nationalité allemande. Et sur le Tour, notre unique triomphe national était issu de l’exploit de Julian Alaphilippe à Landerneau, coéquipier de « Senech » au plat pays. Par conséquent, la seule victoire d’étape 100% bleu-blanc-rouge en Grand Tour cette année est celle de Victor Lafay (Cofidis) sur la 8e étape du Giro.
Quant aux tuniques de leaders, le constat est le même. Si le maillot jaune et la tunique rouge ont chacun été porté une journée par un ressortissant de l’Hexagone, il s’agissait de Julian Alaphilippe sur le Tour et de Kenny Elissonde sur la Vuelta… soit le 3e Français exilé de la course, puisque le francilien courre pour la formation américaine Trek-Segafredo !
On souhaite donc la même chance à Christophe Laporte, récent signataire d’un contrat auprès des Néerlandais de la Jumbo-Visma !
De la puissance du train Deceuninck Quick-Step
Florian Sénéchal, vainqueur à Villanueva de la Serena | © Deceuninck Quick-Step
Sur le Tour, les images du sprint massif de Carcassonne soulignent sans ambigüité la force du train belge. Idéalement lancé par les échelons précédents de la fusée, le danois Michael Morkov, poisson-pilote de Marc Cavendish, avait été contraint de freiner avant la ligne pour laisser gagner le « Cav », puisque personne n’avait été capable de le déborder ! Cocasse, la scène avait nettement mis en lumière l’efficacité du train de la Deceuninck Quick-Step, empereur des derniers kilomètres.
Epreuve différente, coureurs différents, et même constat sur cette Vuelta. Après une semaine de course, la roue de Fabio Jakobsen est devenue le paradis des sprinteurs, si bien que la Groupama-FDJ a décidé d’abandonner son propre train pour laisser Arnaud Démare tenter de se prendre l’aspiration du néerlandais. L’idée était bonne, mais encore fallait-il en est capable. En effet, sur la 13e étape, le rouleur compresseur de Patrick Lefévère a profité des quelques sens giratoires présents dans le final pour faire complètement exploser le peloton et sortir de son sillage la plupart de ses adversaires ! Exit Démare, Matthews ou encore Cort Nielsen… et même Jakobsen ! Incapable de suivre ce rythme infernal, le maillot vert fut irrémédiablement décroché de la roue de Florian Sénéchal, laissant le nordiste jouer la gagne à sa place. Ainsi placé sur le trône, ce dernier n’a pas manqué les lauriers. Solide face à l’italien Matteo Trentin dans un sprint à deux, il s’est adjugé en costaud sa première victoire en Grand Tour, percevant enfin la récompense de l’équipier. Le symbole d’une équipe dont tous les membres sont de potentiels leaders.
Par Jean-Guillaume Langrognet