Pendant les Jeux Olympiques de Londres, Vélo 101 part à la rencontre d’athlètes olympiques ou d’anciens champions pour découvrir leur attachement pour le cyclisme. Passé à la postérité pour avoir bousculer les habitudes et porté aux sommets l’équipe de France de handball, en qualité d’entraîneur, Daniel Constantini a décroché avec son groupe la médaille de bronze des Jeux de Barcelone (1992) et deux titres de champion du monde (1995 et 2001).
Daniel, dans vos souvenirs, associez-vous aisément le cyclisme aux Jeux Olympiques ?
Non, ce n’est pas le rapprochement le plus évident pour moi. Le vélo, oui, puisque mon père était en 1ère catégorie dans les années 40. J’ai été initié à la culture du vélo, mais j’ai préféré faire du sport co pour d’autres raisons. Mes premières images de cyclisme aux JO, je dirais que c’est l’époque de nos pistards, des cyclistes français qui étaient capables de gagner. La route, elle n’est pas médiatisée depuis autant de temps.
Vous avez baigné dans la culture cycliste, disiez-vous…
Je suis né il y a bien longtemps, en 1943. Mon idole, gamin, c’était Louison Bobet. La fameuse période 1953, 1954 et 1955, les trois Tours de France victorieux de Louison Bobet, je n’ai pas d’images précises dans la tête, il n’y en avait pas à l’époque, mais j’ai encore des souvenirs de ce champion hors normes.
L’avez-vous rencontré ?
Malheureusement, non. J’ai vu son frère un peu plus tard et je lui ai témoigné mon admiration pour Louison. Je n’avais pas assez de notoriété à l’époque pour espérer le rencontrer.
Le vélo, vous n’en pratiquez plus ?
Je vais vous contredire, j’ai fait du Vélib’ dans Paris ! J’en ai beaucoup pratiqué et je l’ai utilisé récemment en guise de rééducation après une opération d’un genou, qui est foutu, et qui me vaut aujourd’hui une prothèse. Le vélo a pris une place capitale. Je n’ai jamais oublié mon amour pour la petite reine.
On connaît l’importance du foncier dans tous les sports, pour le handball aussi. Vous est-il arrivé d’amener vos guerriers faire du vélo ?
Moi pas, mais je le regrette. A l’époque où j’étais aux affaires, on savait très bien que les judokas pratiquaient beaucoup le vélo, avec un certain succès. Mais nous on a toujours eu peur de la spécificité de l’utilisation de la masse musculaire. Parfois, le vélo est assez spécifique par rapport aux sports co, qui nécessitent un équilibre parfait entre les agonistes et les antagonistes. Je regrette de ne pas avoir eu cette ouverture à l’époque. Le vélo permet de se changer les idées. C’est la nature, c’est une respiration. Et puis musculairement on s’aperçoit que ce n’est pas du tout incompatible. Je sais qu’aujourd’hui, quand ils vont se préparer en altitude, les handballeurs font beaucoup de VTT. C’est désormais intégré dans l’entraînement moderne.
Quelles sont les similitudes et dissemblances entre le handball et le cyclisme ?
Les similitudes, c’est qu’il faut des gens de grand talent. Au bout du compte, ce sont eux qui font gagner la course ou le match. Mais ils ne sont rien sans leurs partenaires. Un champion qui serait obligé de chasser tous les échappés dès le début de la course ne serait plus là à l’arrivée. En sport co, c’est un peu pareil, bien qu’on ne dise pas qu’il y ait des gregarii et des vedettes, ce qui serait péjoratif. Mais il faut cette saine acceptation du rôle qui vous est dévolu dans l’équipe : respecter la commande et faire en sorte que tout le monde pousse dans le même sens.
Vous avez coaché Jackson Richardson. S’il vous fallait le comparer à un type de coureur, lequel serait-ce ?
Richardson, ce serait plutôt un sprinteur. De par son originalité et, quelque part, l’égoïsme propre au sprinteur. Jackson nous a beaucoup servis collectivement, mais c’est parce qu’il est allé au bout de ses idées personnelles. Avec un grimpeur, la métaphore est un peu plus délicate. Le grimpeur implique une connotation de souffrance. Or je ne suis pas sûr que les handballeurs fréquentent la souffrance comme un cycliste. Peut-être penserai-je à Didier Dinart, le pilier de la défense, obligé de porter la maison sur ses épaules. Psychologiquement il aurait les qualités d’un grimpeur. Pas physiologiquement, avec ses 107 kg !
Et un rouleur, quelqu’un capable de se mettre dans une bulle ?
J’aimerais bien que Daniel Narcisse, notre jeune star réunionnaise, le soit. Le talent pur, comme Jacques Anquetil. Quelqu’un qui puisse faire abstraction de la difficulté qu’il a à franchir, de se concentrer.
Le poste de gardien, dans quel domaine le mettriez-vous ?
Le gardien, c’est quelqu’un qui n’a finalement pas de dépense énergétique à fournir. Il a peut-être moins besoin d’entraînement que les autres, mais il doit avoir une intelligence. Pour moi, le gardien, ce serait le capitaine de course, celui capable de faire économiser ses partenaires à un certain moment.
En tant que coach, vous êtes-vous inspiré de managers cyclistes ?
Pas énormément. Mais l’un avec lequel je me sens beaucoup d’affinités, c’est Jean-René Bernaudeau. Grâce à RMC, on s’est parlé quelquefois. Il est plein de respect pour les autres sports et les sports co en particulier, ça fait plaisir.
Vous avez suivi le Tour de France ?
Oui. Je le suis assidûment. Des fois, ma famille m’engueule un peu parce que je me cale devant la télé en pleines vacances. Je préfère les étapes qui ne sont pas diffusées en intégralité, sinon la famille fait la gueule ! Mais j’ai bien suivi le Tour 2012, que j’ai apprécié modérément par rapport au suspense, les Sky étant tellement au-dessus. Mais les numéros des Europcar et de Thibaut Pinot m’ont réjoui. On se dit que dans les années à venir on peut avoir un Français capable de secouer le peloton.
Aurez-vous un regard sur les épreuves cyclistes olympiques ?
Bien sûr. Je me suis promis d’aller au moins une fois au vélodrome. Mais j’ai peur que l’accès soit difficile. Ici, la piste est sacrée ! Et en tribune de presse, même si on peut y accéder, il faut qu’il reste des places ! Mais j’espère pouvoir passer une bonne après-midi au vélodrome. J’espère que le vélo va contribuer à ramener des médailles. Et en or. C’est ça l’obsession, plus que cinquante médailles ! J’espère que les troupes de Florian Rousseau seront capables de bousculer les Anglais. Et si Chris Hoy n’était que médaillé de bronze, ça ne me dérangerait pas.
Propos recueillis à Londres le 29 juillet 2012.