Nous sommes le 3 juin 1999. La 19ème étape du Tour d’Italie relie Castelfranco à l’Alpe di Pampeago à travers 164 kilomètres dans les Dolomites. Ce jour là, Marco Pantani est à son apogée. Il n’a sûrement jamais été aussi fort. Dans les cinq derniers kilomètres de l’Alpe di Pampeago, Maillot Rose sur le dos, en danseuse et les mains au creux du cintre, il s’en va cueillir sa troisième victoire d’étape. Il gagne avec plus d’une minute d’avance sur Gilberto Simoni et près d’1’30 » sur Roberto Heras. Certainement les trois plus grands grimpeurs des quinze dernières années. D’ailleurs, 4 ans plus tard, Gilberto Simoni s’imposait à l’Alpe di Pampeago. En 2008, date du dernier passage du Giro dans ce lieu mythique, Emanuele Sella réalisait un raid solitaire épique… pour un futur moins glorieux, puisqu’il a été contrôlé positif à la CERA suite à cette victoire.
Gagner à l’Alpe di Pampeago est la marque des grimpeurs d’exception. Cette montée de 7,5 km à 10 % est un rêve pour tous les escaladeurs du peloton. Mais aussi un cauchemar. Les quatre derniers kilomètres sont à 12%, quasiment en ligne droite. Alors aujourd’hui, nul doute que la bataille va être rude pour franchir la ligne d’arrivée en tête. Avec 5000 mètres de dénivellation positive, le spectacle de cette étape s’annonce grandiose. Car en plus de cette terrible arrivée, le peloton doit auparavant gravir le Passo Manghen, le Passo di Pampeago – il s’agit de la montée finale prolongée de quatre kilomètres – le Passo Valeze et enfin l’ascension finale vers l’Alpe di Pampeago.
Ce matin à Trévise, les coureurs sont anxieux. En plus de la journée titanesque qui s’annonce, la météo n’est pas au beau fixe. Heureusement, elle s’améliorera sensiblement au fil de l’étape. Bravant les éléments naturels, 18 coureurs prennent le large et constituent l’échappée du jour. Une échappée éclectique puisque l’on retrouve à la fois des coureurs ayant des ambitions au classement général : Sandy Casar (FDJ-BigMat) ; des coureurs visant la victoire d’étape : Thomas Rohregger (RadioShack-Nissan), Stephano Pirazzi (Colnago-CSF Bardiani), Emanuel Sella (Androni Giocatolli) ; et des coureurs cherchant à tout prix à finir dans les délais : Andrea Guardini (Farnese Vini-Selle Italia), Lucas Sebastian Haedo (Team Saxo Bank).
Blessé dans son orgueil, Roman Kreuziger jette toutes ses forces dans l’Alpe di Pampeago.
L’échappée aborde le Passo Manghen avec près de 8 minutes d’avance. Une faible marge en prévision de ce qui se profile. Heureusement pour eux, la Liquigas-Cannondale décide de ne pas enclencher son rouleau-compresseur dès ce col. Et pourtant, Benat Intxausti (Movistar Team), 6ème du classement général ce matin, lâche déjà prise. On apprendra plus tard que l’Espagnol était malade depuis plusieurs jours. L’autre victime de ce début d’étape est José Rujano (Androni Giocatolli). Le Vénézuélien, invisible depuis le début de ce Giro, jette carrément l’éponge. Son équipier Emanuele Sella, quant à lui, se verrait bien refaire le coup de 2008, et s’isole dans la première ascension de l’Alpe di Pampeago en compagnie de Sandy Casar, Thomas Rohregger et Stephano Pirazzi.
Dans ce col, le peloton accélère. Mais le rythme n’est pas infernal, plus de 25 coureurs sont encore présents. Ce n’est par contre plus le cas pour Paolo Tiralongo (Astana) qui perd pied. La dernière chance pour l’équipe Astana d’avoir un coureur dans le top 10 s’évapore. Roman Kreuziger (Astana), lui, compte bien se racheter de sa défaillance vers Cortina d’Ampezzo. Dans le Passo Lavaze, le Tchèque suit une attaque de Dario Cataldo (Omega Pharma-Quick Step). Ces deux là parviennent à rentrer sur les quatre hommes de tête au début de l’ascension finale. Derrière, Ivan Basso (Liquigas-Cannondale) et les autres favoris ne semblent pas pressés d’en découdre. Ils ont 2 minutes de retard sur les échappés à 6 kilomètres de l’arrivée.
Tandis que Roman Kreuziger lâche ses compagnons d’échappée à 3 bornes du but, Ivan Basso accélère enfin. Mais c’est surtout Michele Scarponi (Lampre-ISD) qui assume ses responsabilités. L’Italien sait que s’il veut gagner le Giro il doit reprendre du temps à ses adversaires aujourd’hui. Alors il attaque, trois fois. Et cela finit par payer puisque seul Ryder Hesjedal (Garmin-Barracuda) peut prendre sa roue. Le Canadien est très fort, il relance même. Joaquim Rodriguez (Team Katusha) n’est pas très loin derrière mais Ivan Basso cède du terrain. Et sur les pentes à 12 %, Roman Kreuziger se tort de douleur mais résiste au retour de Hesjedal qui finit par lâcher un Scarponi à bout de souffle. Le Tchèque signe là sa plus belle victoire et surtout affiche une réaction d’orgueil digne des champions. Joaquim Rodriguez termine 3ème de l’étape mais doit concéder 13 secondes au Canadien qui revient à 17 secondes au classement général. Des écarts qui apparaissent limités à la vue du profil du jour. A l’Alpe di Pampeago, les grands favoris se tiennent en 35 secondes. N’est pas Pantani qui veut.
Le classement peut encore être chamboulé demain avec l’étape entre Caldes et le Passo di Stelvio, pour une arrivée à 2700 mètres d’altitude.
Classement 19ème étape :
1. Roman Kreuziger (TCH, Astana) les 197 km en 6h18’02 »
2. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Barracuda) à 19 sec.
3. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 32 sec.
4. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 35 sec.
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Colnago-CSF Inox) à 43 sec.
6. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 55 sec.
7. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 57 sec.
8. Mikel Nieve (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 1’18 »
9. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Bardiani) à 1’22 »
10. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 1’23 »
Classement général :
1. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) en 84h06’12 »
2. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Barracuda) à 17 sec.
3. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) à 1’39 »
4. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 1’45 »
5. Rigoberto Uran (COL Team Sky) à 3’21 »
6. Domenico Pozzovivo (ITA, Colnago-CSF Bardiani) à 3’30 »
7. John Gadret (FRA, Ag2r La Mondiale) à 5’36 »
8. Thomas De Gendt (BEL, Vacansoleil-DCM) à 5’40 »
9. Sergio Henao (COL, Team Sky) à 5’47 »
10. Damiano Cunego (ITA, Lampre-ISD) à 6’09 »
Classement par points :
1. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 138 pt
2. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 125 pt
3. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Barracuda) 93 pt
4. Domenico Pozzovivo (ITA, Colnago-CSF Bardiani) 75 pt
5. Michele Scarponi (ITA, Lampre-ISD) 69 pt
6. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 58 pt
7. Andrey Amador (CRC, Team Movistar) 52 pt
-. Ivan Basso (ITA, Liquigas-Cannondale) 52 pt
9. Martijn Keizer (PBS, Vacansoleil-DCM) 48 pt
10. Paolo Tiralongo (ITA, Astana) 43 pt
Classement de la montagne :
1. Matteo Rabottini (ITA, Farnese Vini-Selle Italia) 65 pt
2. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Bardiani) 44 pt
3. Michal Golas (POL, Omega Pharma-Quick Step) 34 pt
4. Andrey Amador (CRC, Team Movistar) 28 pt
5. Domenico Pozzovivo (ITA, Colnago-CSF Bardiani) 26 pt
6. Jan Barta (TCH, Team NetApp) 24 pt
-. Miguel-Angel Rubiano (COL, Androni Giocattoli) 24 pt
8. Ryder Hesjedal (CAN, Garmin-Barracuda) 22 pt
9. Sandy Casar (FRA, FDJ-BigMat) 20 pt
-. Thomas Rohregger (AUT, RadioShack-Nissan) 20 pt
Classement des jeunes :
1. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) en 84h09’34 »
2. Sergio-Luis Henao (COL, Team Sky) à 2’26 »
3. Gianluca Brambilla (ITA, Colnago-CSF Bardiani) à 4’57 »
4. Diego Ulissi (ITA, Lampre-ISD) à 15’51 »
5. Peter Stetina (USA, Garmin-Barracuda) à 33’51 »
6. Damiano Caruso (ITA, Liquigas-Cannondale) à 33’57 »
7. Tom-Jelte Slagter (PBS, Rabobank) à 34’37 »
8. Tanel Kangert (EST, Astana) à 36’13 »
9. Stefano Pirazzi (ITA, Colnago-CSF Bardiani) à 53’41 »
10. Jon Izaguirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 1h25’55 »
Classement par équipes :
1. Team Movistar (ESP) en 232h14’01 »
2. Lampre-ISD (ITA) à 8’37 »
3. Astana (KAZ) à 30’53 »
4. Euskaltel-Euskadi (ESP) à 39’16 »
5. Team Sky (GBR) à 44’35 »
6. Colnago-CSF Bardiani (ITA) à 48’01 »
7. Liquigas-Cannondale (ITA) à 49’04 »
8. Team Katusha (RUS) à 53’19 »
9. Garmin-Barracuda (USA) à 54’35 »
10. Vacansoleil-DCM (PBS) à 1h10’05 »