Cela devait être un week-end explosif. Deux journées mythiques dans les Dolomites où les rescapés du Giro devaient faire une indigestion de montagne. Des sept cols initialement prévus hier et aujourd’hui, un seul sera franchi. Les organisateurs ont déjà dû se passer de Stelvio, du Gavia et du Giau, alors pas question de passer à côté des Tre Cime di Lavaredo. Ce qui sera finalement la Cima Coppi de ce Tour d’Italie particulier devra être grimpée après un peu moins de 200 kilomètres. Mais la grande journée de montagne va se résumer à une course de côte vers ce sommet mythique du Trentin. Il faudra une bonne dose de courage pour monter là-haut, à plus de 2300 mètres d’altitude alors que la neige couvre les bas-côtés de la route.
C’est là huitième fois que le Tour d’Italie fait escale aux Trois Cimes. Mais l’arrivée est rentrée dans la légende dès sa deuxième apparition. Ceint du maillot arc-en-ciel, le jeune Eddy Merckx construit sur ces pentes le premier de ses cinq succès sur la course rose en 1968. Si l’on se replonge 45 ans en arrière, c’est parce que le Cannibale remportait cette étape sous la neige. En 2013, les conditions sont similaires. Le froid polaire et la neige n’épargneront pas les coureurs. Si l’on parle de 1968, c’est aussi pour oublier que la dernière fois que le Giro s’était rendu aux Tre Cime di Lavaredo en 2007, l’étape était remportée par Riccardo Ricco et Danilo Di Luca, en rose au sommet, était sur le point de remporter le Tour d’Italie. Six ans plus tard, le Cobra est banni à vie du monde du cyclisme, et l’Abruzzais a été exclu de la course hier pour un énième contrôle positif.
Si le maillot rose restera vraisemblablement sur les épaules de Vincenzo Nibali (Astana), il reste deux enjeux majeurs : les places d’honneur et le maillot blanc pour lequel Carlos-Alberto Betancur (Ag2r La Mondiale) et Rafal Majka (Team Saxo-Tinkoff) se livrent à une belle bataille. Surtout, il reste une belle victoire d’étape à aller chercher. Alors quand Pavel Brutt (Team Katusha), Giairo Ermeti (Androni Giocattoli), Adam Hansen (Lotto-Belisol) et Yaroslav Popovych (RadioShack-Leopard) prennent les devants, on ne leur donne que peu de chance d’aller au bout. Leur avance approchera les huit minutes, mais le quatuor se cassera les dents sur le faux plat interminable qui mène les coureurs au pied de l’ascension finale.
Nibali en patron alors que la neige redouble d’intensité
Dans le peloton, on visse dès le pied du passo Tre Croci, préambule aux Tre Cime di Lavaredo. Très vite, ils ne sont plus qu’une vingtaine de coureurs dans le groupe Maillot Rose. Carlos Betancur, victime d’une crevaison, est temporairement distancé du peloton des favoris tandis qu’à l’avant Pavel Brutt tente un dernier baroud d’honneur. Le Russe sera finalement repris après le sommet du Tre Croci par Pieter Weening (Orica-GreenEdge), Stefano Pirazzi (Bardiani Valvole-CSF Inox), Gianluca Brambilla (Omega Pharma-Quick Step) et Eros Capecchi (Movistar Team). L’Italien se débarrasse d’abord de Brutt et du meilleur grimpeur du Giro, avant de lâcher Brambilla et Weening pour aborder seul en tête les 4 derniers kilomètres, les plus difficiles de l’ascension.
Parfaitement emmené par ses équipiers, Vincenzo Nibali est le premier à passer à l’attaque dans la dernière partie de la montée. Plein de panache l’Italien souhaite remporter son premier Giro en cueillant cette victoire d’étape ô combien prestigieuse, comme pour ajouter un peu plus d’envergure à son succès. Peut-être aussi pour prouver que personne ne pouvait contester sa suprématie sur ces deux derniers jours tronqués des plus grandes difficultés. Il reste encore 3 kilomètres à parcourir quand le Sicilien porte l’estocade. Personne ne peut le suivre, tout le monde explose : Nibali est seul au monde, insensible au froid et à la neige. Le Maillot Rose entouré de tifosi en folie transperce le brouillard ambiant pour venir remporter cette étape qui entre de plain-pied dans la légende du Tour d’Italie.
La neige redouble d’intensité quand Nibali coupe la ligne. Derrière lui, on se dispute les miettes. Les deux Colombiens Carlos-Alberto Betancur et Rigoberto Uran (Team Sky) sont derrière l’Italien et s’allient. Au-delà de la solidarité sud-américaine, le premier souhaite creuser l’écart avec Majka, le second souhaite distancer Cadel Evans pour lui chiper la 2ème place. Les défaillances du Polonais et de l’Australien faciliteront les choses. Leader du Team Sky depuis l’abandon de Bradley Wiggins, Uran sera le dauphin du Squale demain à Brescia. Demain Vincenzo Nibali a rendez-vous avec son destin en Lombardie. La mission qu’il s’était donnée est accomplie. Il ajoutera un deuxième Grand Tour à son palmarès, deux ans et demi après son succès final sur la Vuelta.
Demain, la dernière étape du Giro se déroule entre Riese Pio X et Brescia sur 197,7 kilomètres.
Classement 20ème étape :
1. Vicenzo Nibali (ITA, Astana) les 210 km en 5h27’41 » (38,5 km/h)
2. Fabio Duarte (COL, Colombia) à 17 sec.
3. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 19 sec.
4. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 21 sec.
5. Fabio Aru (ITA, Astana) à 44 sec.
6. Franco Pellizotti (ITA, Androni Giocattoli) à 48 sec.
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 54 sec.
8. Damiano Caruso (ITA, Cannondale) à 58 sec.
9. Darwin Atapuma (COL, Colombia) à 1’00 »
10. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 1’04 »
Classement général :
1. Vincenzo Nibali (ITA Astana) en 79h23’19 »
2. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) à 4’43 »
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 5’52 »
4. Michele Scarponi (ITA, Lampre-Merida) à 6’48 »
5. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) à 7’28 »
6. Przemyslaw Niemiec (POL, Lampre-Merida) à 7’43 »
7. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 8’09 »
8. Beñat Intxausti (ESP, Movistar Team) à 10’26 »
9. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) à 10’32 »
10. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 10’59 »
Classement par points :
1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 128 pt
2. Mark Cavendish (GBR, Omega Pharma-Quick Step) 117 pt
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 111 pt
4. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 108 pt
5. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 86 pt
6. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 89 pt
7. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 86 pt
8. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 72 pt
9. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) 65 pt
10. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) 62 pt
Classement de la montagne :
1. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) 82 pt
2. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 45 pt
3. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 45 pt
4. Jackson Rodriguez (VEN, Androni Giocattoli) 41 pt
5. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) 37 pt
6. Robinson Chalapud (COL, Colombia) 31 pt
7. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) 26 pt
8. Mauro Santambrogio (ITA, Vini Fantini-Selle Italia) 18 pt
9. Fabio Duarte (COL, Colombia) 17 pt
10. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) 14 pt
Classement des jeunes :
1. Carlos-Alberto Betancur (COL, Ag2r La Mondiale) en 79h30’47 »
2. Rafal Majka (POL, Team Saxo-Tinkoff) à 41 sec.
3. Wilco Kelderman (PBS, Blanco) à 12’06 »
4. Darwin Atapuma (COL, Colombia) à 19’50 »
5. Diego Rosa (ITA, Androni Giocattoli) à 32’55 »
6. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1h15’08 »
7. Fabio Felline (ITA, Androni Giocattoli) à 1h23’31 »
8. Jarlinson Pantano (COL, Colombia) à 1h26’31 »
9. Thomas Damuseau (FRA, Argos-Shimano) à 1h34’42 »
10. Francesco-Manuel Bongiorno (ITA, Bardiani Valvole-CSF Inox) à 2h03’33 »