Vendredi 1er décembre, Turin, la capitale du Piémont accueille la présentation de VéloViso, un projet européen porté par cinq vallées italiennes (Pô, Varaita, Maira, Grana et Stura) et trois vallées françaises (Ubaye, Guillestrois et Queyras). Du sommet de la tour Intesa, la plus haute de Turin, on aperçoit tous les sommets enneigés de la ville olympique (dix ans déjà que Jean-Luc Crétier y a gagné l’or de la descente). Un temps splendide pour aller rouler un 1er décembre. Mais le mont Viso et ses 3841 mètres nous ramène au programme du jour.

« Le vélo comme instrument de fraternité. » En une formule, le fou de vitesse qu’est Eric Barone (223,30 km/h à VTT sur neige, le record mondial) a parfaitement résumé la situation. VéloViso est né d’un constat chiffré. L’économie cyclotouristique représente une manne de 44 milliards d’euros sur l’ensemble de la communauté économique européenne. L’Allemagne en génère 9, la France 6, et l’Italie 3 seulement. Les stations de cette région franco-italienne (102 communes au total, 146 000 habitants, et donc huit vallées) ont longtemps vécu sur l’offre liée aux sports d’hiver. Pourtant, le Giro comme le Tour de France y ont très souvent trouvé leur Cima Coppi, le point culminant, avec le Fauniera (2481 mètres), le Sampeyre (2284 mètres), Agnel (2744 mètres) ou bien sûr la Bonette (2715 mètres pour Restefond, 2802 pour la plus haute route d’Europe).

La nature a révélé ces seize cols majestueux, les grands événements cyclistes les ont magnifiés, il reste aux acteurs économiques à les faire fructifier au mieux, car le potentiel est incontestable dans une région qui concentre le plus haut col d’Europe et le plus long fleuve d’Italie (le Pô prend sa source au pied du Rei di Pietra, le roi de pierre, le mont Viso). La route est longue mais les volontés sont communes. Et les intérêts aussi.

Si le succès est assuré lorsque la région accueille le Giro – dont l’édition 2016 a basculé dans la descente du col Agnel – ou le Tour de France – dont l’étape-reine en 2017, précédée de quatre jours par les cyclos de l’Etape du Tour, partira de Briançon pour rejoindre l’Izoard –, il doit à présent être décliné au plus près des pratiquants. Qu’ils soient en mode compétition ou loisir, à VTT ou sur route, avec ou sans assistance électrique.

Avec le projet VéloViso, la barre est placée haut. Seize cols s’offrent aux passionnés de vélo, dont sept à plus de 2000 mètres (Vars, Izoard, Agnel, Sampeyre, Fauniera, Lombarde, Bonette). Ce sont les fameux 7 Majeurs chers à Patrick Gilles, à l’initiative d’une confrérie qui vise depuis cette année à les escalader tous les sept, de juin à octobre. Un des premiers projets concrets de la mise en valeur des sites majeurs côté français comme italien. Tout en grand, mais rien de grandiose côté chiffres de participation. En 2016, 72 candidats au défi se sont présentés, 14 ont réussi à escalader les sept cols en vingt-quatre heures (330 km, 12000 mètres de dénivelé). A noter que pour chaque inscription, 5 euros sont reversés à l’association européenne contre les leucodystrophies (ELA). Infos sur www.les7majeurs.com.

Les ambitions sont là, les moyens aussi, il reste à transformer l’essai. Chaque commune, station ou communauté d’agglomération a déjà mis au point qui les pistes cyclables, qui les parcs de vélos électriques, qui les hébergements dédiés aux cyclistes… Côté culture comme oenogastronomie, les vallées sont en harmonie. L’ensemble franco-italien regorge de spécialités : les cerises, les abricots, les avocats, les pommes, mais aussi des légumes comme les pommes de terre de montagne qui servent de base aux gnocchi, testés et approuvés par Vélo 101 ! Ajoutez-y les charcuteries, les truffes, les châtaignes et les vins (blanc, rouge ou rosé, pétillants ou pas !). C’est bien connu : les efforts sont là pour justifier les plaisirs de la table, on n’a pas dit les excès. De de ce côté-là, avantage à l’Italie.

Eric Barone côté VTT, et le futur pensionnaire de Sky Diego Rosa, né à Alba, au sud du Piémont, ont apporté la caution des sportifs du haut niveau. Côté organisations VTT, chaque côté du col Agnel apporte sa contribution : la Rampignado VTT créée en 1994, l’Alps Epic ou encore le Raid Vauban depuis 2009 en France. Sur les cyclosportives, la liste est encore plus longue, avec deux cyclos emblématiques. D’un côté la Fausto Coppi (le 10 juillet à Cuneo), dont on fêtera la 30ème édition en 2017. Celles et ceux qui auront 30 ans l’année prochaine pourront préparer 30 euros pour participer à une formule spécialement étudiée… pour le 30 à l’heure, on en reparlera ! De l’autre côté, la Risoul-Queyras (le 31 juillet à Risoul) n’en sera qu’à sa 9ème édition en 2017 mais elle arrive déjà à la moitié de la participation italienne avec 1150 coureurs sur l’édition 2016.

Reste à créer la première cyclo ou épreuve VTT transfrontalière. On connaît les cyclos qui traversent la frontière comme la Quebrantahuesos en Espagne ou la Serre Che Luc Alphand en France, mais une vraie épreuve avec une ou des étapes reste à fonder.

On se lance en dévoilant une ébauche de projet qui reste à concrétiser, Risoul-Saluzzo aller-retour, avec évidemment le col Agnel en point d’orgue. L’épreuve ferait étape tantôt en Italie, tantôt en France. Avec un maillot rose devant, jaune derrière remis à chacun pour la version France vers l’Italie. Un tracé plus facile a priori que l’inverse, avec des châteaux, des points de vue à visiter autour de Saluzzo, donc autant de difficultés pour la partie finale. L’argument décisif : en France on se plaint du faible pourcentage de féminines au départ (2, 3, 4 % maximum) quand les Italiennes sont 10 % au moins. Une autre bonne raison de faire cohabiter la passion du vélo qui relie deux des nations historiques du vélo. Côté médias, on connaît au moins un site Internet que ce beau projet motive, reste à mettre autour de la table un comité d’organisation franco-italien. La voie est tracée, buon auguri.