Depuis 2005 Sporta, une agence d’organisation Flamande qui vise à promouvoir une vie plus saine à ses concitoyens, notamment par le sport, a posé ses valises dans le Ventoux et organise la Cannibale, la Cannibalette (dont vous retrouverez le commentaire très vite) cyclo-randonnées ou cyclosportives avec temps pris sur les montées, mais sans classement, ni remise de prix quelle qu’elle soit.
Cette année, événement particulier, l’organisation, en accord avec Joanne Simpson, la fille de Tom disparu le 13 juillet 1967, a choisi de commémorer cette disparition avec la création d’une nouvelle épreuve, si on peut dire. La Memorial Tom Simpson où des passionnés ont versé 170 euros pour avoir le maillot commémoratif, un Peugeot à damiers, avec les drapeaux français et Anglais plus les liserés de champion du monde, un ouvrage, en plus du pack et des cadeaux des épreuves annexes. 150 coureurs ont relevé le challenge et, un oeillet en bandoulière, grimpé le Ventoux, déposé l’oeillet sur la stèle et fini le dernier kilomètre et demi, celui que Tom Simpson n’a jamais pu effctuer, mort d’épuisement et, de déshydratation… Vélo 101 y était, récit d’une journée particulière.
6h30 du matin, la sono donne du AC/DC, plein pot, pour encourager le millier et plus de concurrents partis pour affronter, le Ventoux jusqu’au sommet. Et ce deux fois, une par Bedoin, l’autre par Sault, les voisins ne vont pas être contents d’être réveillés ainsi, mais ils auront l’occasion de participer à la fête finale de week-end Flammand dans le Ventoux. Toux ceux et celles-là partis, place aux Ventouristes, qui vont monter le Ventoux autant de fois qu’ils le peuvent, puis dès 8 heures au Memorial Tom Simpson. Beaucoup de ses anciens équipiers, adversaires et gens du vélo sont là pour fêter celui qui apparaissait tour à tour comme le gentleman du peloton, le farceur ou le gars décontracté. Un des premiers Anglais à venir défier le peloton sur les grands Tours, de France en particulier. En 1967, il était chez Peugeot et l’organisation a choisi le tee-shirt noir à damiers pour ses bénévoles, et dans le sac cadeau coureurs aussi, les damiers sont de mise. Parmi tous ces grands champions, le plus grand, Eddy Merckx a choisi de venir fêter ses 72 ans au Ventoux, loin de la Belgique, mais près de ses amis locaux et Belges à l’ancrage local. Il a le maillot, l’allure, mais pace maker oblige il suivra en voiture tout comme Raymond Poulidor qui va enchaîner bientôt son 55ème Tour de France, record de Jacques Augendre atteint, le maillot jaune des suiveurs est pour bientôt….
Parmi tous ceux qui ont répondu présent, de grands champions du passé, du présent et sans doute du futur avec les petits fils de Poupou, David et Mathieu Van Der Poel. La fête ce soir à Mazan promet d’être belle. Adri Van Der Poel, le gendre et papa, champion du monde de cyclo-cross en France en 1996, qui lui-aussi fête son anniversaire au Ventoux aujourd’hui, est là-aussi. Allure encore très sportive, pas de soucis, il sera au rendez-vous du Ventoux. Joseph Spruyt qui s’inquiétait hier des 2h30 prévus pour la montée, Rolf Wolfshohl venu d’Allemagne, Barry Hobban à qui le peloton accorda la victoire d’étape du lendemain partie de Carpentras, la championne olympique de judo Belge Gella Vandecavey. Et bien sûr Joanne Simpson en personne, elle qui avait 4 ans en 1967 (un peu comme le fils de Fausto Coppi, 5 ans, à la mort de son illustre père) et qui est cinglée du Ventoux depuis 1997, au point d’enchaîner les trois montées le même jour, à peu près tous les 5 ans. Vélo Pinarello, plaque 49 au cadre comme à l’époque, elle est là et va montrer le chemin.
9 heures, les discours finis, tout le monde a son oeillet dans la poche arrière, devant intercalé sous la plaque de guidon. Les motards de la gendarmerie sont là, c’est parti pour 21.5 kilomètres, sous un grand soleil, comme en 1967. Raymond Poulidor a rappelé qu’il faisait entre 40 et 45 degrés le 13 juillet, on en est pas là aujourd’hui, mais même le mistral, fort hier, a baissé pavillon. On va monter tranquillement, solidairement, chacun et chacune à son rythme, damiers oui, mais pas d’échec aux hommes, encore moins aux dames. Les frères Van Der Poel n’oublient pas le boulot, avec leur voiture suiveuse, ils font de l’intervalle training et ont enchaîné avec le parcours de la Cannibale, 175 kilomètres et même 200 ou presque avec la redescente après le sommet. Ravito à mi-parcours, sans doute salvateur pour bon nombre, pas question de subir la déshydratation. Autre temps, autre moeurs, maintenant on sait qu’il faut boire pendant l’effort et même pendant les repas, ça n’a pas toujours été le cas, les ravitaillements ont été autorisés aux coureurs, à partir de 1968 et pas seulement parce que le Tour partait de Vittel !!!
Chacun sa technique pour donner son oeillet rouge en passant devant la stèle, on le tend aux bénévoles qui sont là pour déposer les fleurs sur la stèle magnifiquement remise en état par Soudal, les collaborateurs de la marque tous orchestrés par Thomas De Gendt. Pour des plus humoristiques, à la bouche, façon émail diamant ou tout simplement en s’arrêtant pour la poser avec un moment de recueillement. Même les cyclistes de passage qui ne savaient pas s’arrêtent, font des photos et ont une pensée spéciale pour celui dont cette commémoration, ces témoignages, cette émotion, nous ont fait penser furieusement à Michele Scarponi, lui-aussi blagueur, chambreur, facétieux, et que le peloton tout entier regrette et n’est pas prêt d’oublier.
Pour sûr, tous ces participants garderont bien précieusement le livre, le maillot, la plaque de guidon à l’effigie. C’était une belle journée, de beaux moments de vélo, l’histoire du Ventoux continue de s’enrichir année après année, Tour après Tour. Avec nos amis Anglais les chapitres sont toujours épiques, Chris Froome et son duathlon du 14 juillet en dernier lieu. Decidemment, Ventoux pas col comme les autres, Tom Simpson aurait aimé cette journée.