1/ Marion, comment juges-tu ta saison 2018 ?
Je suis très satisfaite de ma saison 2018 ! J’ai encore progressé pour ma 3ème saison de compétition. J’ai gagné pas mal de cyclosportives (et progressé dans le classement masculin) et j’ai passé un cap en signant dans une équipe professionnelle.Marion Bessone
2/ Quels ont été tes moments marquants, les relatives déceptions ?
Il y a eu plusieurs moments marquants, avec la sélection aux championnats du monde Granfondo sur la Saint-Tropez Cyclo où nous nous sommes menées une belle bataille acharnée avec ma concurrente et amie Marie Dessart.
Ensuite, il y a eu les championnats de France Elite à Mantes La Jolie, où je me suis retrouvée en échappée quasiment tout le long de la course, ce qui était assez grisant puis sympa de se voir à la télévision après ! Je finis à une belle 24ème place.
Et enfin, il y a eu la signature d’un contrat pro avec l’équipe italienne Servetto Stradalli Alurecycling pour la fin de saison. J’ai ainsi pu participer au Giro Rosa féminin, monument du cyclisme professionnel féminin où les meilleures mondiales étaient au rendez-vous. Bien que je n’avais pas la préparation idéale pour 10 jours de courses, c’était une expérience inoubliable. J’ai pu profiter de l’organisation et médiatisation d’une grande course, « visiter » une grande partie de l’Italie (les grands lacs, les dolomites…), pédaler à 50km/h pendant des heures dans un peloton de 190 filles enragées et se faire chouchouter par le staff d’équipe.
Mes relatives déceptions ont été de ne pas pouvoir participer aux championnats du monde Granfondo où j’avais une carte à jouer. Mais je ne pouvais pas tout faire. Et puis l’ambiance dans le peloton féminin pro qui n’est pas toujours très agréable…
3/ Tu viens de l’univers de la montagne (ski de fond ?), en quoi le cyclosport est-il différent et similaire à cet univers-là ?
J’adore le côté nature de la montagne, rencontrer le faune et la flore, le côté sauvage, les beaux paysages… En cyclosport, ce n’est pas toujours facile de retrouver cela car les voitures peuvent être très présentes et les régions très urbanisées (surtout en habitant sur la côte d’azur). Mais on réussit toujours à trouver des petites routes sympas ou aller dans les alpes où la nature est au rendez-vous.
L’effort est quant à lui assez similaire à celui de la montagne (et du ski de fond). Ce sont généralement des sports d’endurance, que l’on pratique en groupe et qui rendent addict. J’ai fait beaucoup de ski de fond en compétition et je retrouve ce même effort et dépassement de soi où l’on donne tout et on s’écroule après la ligne d’arrivée (au sens propre du terme en ski de fond !)
4/ Côté féminines, comment juges-tu l’évolution ? (nombre, niveau, état d’esprit, ….)
Je pense qu’il y a une petite augmentation du nombre de cyclistes féminines mais ce n’est pas flagrant. Il y a de plus en plus de courses cyclosportives réservées aux féminines ce qui peut motiver de plus en plus de filles. C’est super de la part des organisateurs de créer de tels évènements qui ne sont pas toujours facile à organiser et à financer. Les filles sont généralement ravies !
En ce qui concerne le niveau élite, celui-ci s’améliore avec de plus en plus d’équipes professionnelles qui payent leurs coureuses et permettent ainsi de vraiment pouvoir s’entrainer. Il y a toutefois encore du chemin à faire.Marion Bessone | © Mickael Gagne
L’ambiance entre filles au niveau amateur est géniale. Avant (et pendant…) les courses ça papote, il y a du fair-play, et une bonne dose d’esprit de compétition quand il faut franchir la ligne ! Au niveau professionnel, ce n’est pas pareil, je n’ai pas trop apprécié l’esprit « je te pousse dans le fossé, ça fait une concurrente en moins » mais les enjeux sont différents…
5/ Combien de fois as-tu été contrôlée cette saison ? Est-ce normal ?
Zéro fois ! Il est bien dommage qu’au niveau amateur il n’y ait pas de contrôles bien que le problème soit principalement le financement. Et sur mes courses pro, je n’ai pas été tirée au sort pour les contrôles anti-dopages. Mais ceux-ci sont réels, car mes collègues (surtout les russes…) se sont fait contrôler plusieurs fois et même à domicile. C’est une bonne chose pour le cyclisme.
6/ Vu les cas de contrôle positifs (chez les garçons en cyclos ou sur d’autres sports où des cyclos sont concernés) serais-tu favorable à « on paye un euro de plus et les contrôles sont systématisés » ?
Oui je suis totalement favorable à payer quelques euros de plus pour que ces contrôles soient mis en place. Je pense qu’on serait surpris des résultats…
7/ Même question sur le dopage mécanique ? Est-ce une crainte chez toi ?
Même réponse, le dopage mécanique est une réalité, il en sort des centaines chaque année des usines, donc ils sont bien quelque part. Je serais favorable également à un contrôle des vélos.
8/ Tu as couru en pros, sur le Giro Rosa entre autres, tu ne continues pas avec ton équipe Italienne, pourquoi ?
J’ai été un peu déçue du management de l’équipe, mais qui n’est pas spécifique à cette équipe. J’ai vu pas mal de directeurs sportifs hurler sur leurs coureuses. Et le manque de moyens des petites équipes professionnelles est assez dommageable, avec par exemple des difficultés pour se ravitailler sur les courses par manque de personnel…
9/ Dans quelle équipe vas-tu courir en 2019 ? que peux-tu nous en dire ?
J’ai signé avec l’équipe canadienne Macogep-Tornatech-Specialized propulsé par mazda (Ex Macogep Argon18 Girondins de Bordeaux). Ils n’ont pas le statut World Tour, mais cela me permet de participer à des courses UCI quand l’équipe est invitée, de continuer les cyclosportives et autres courses amateurs avec mon compagnon le reste du temps et de pouvoir continuer mon activité professionnelle à l’hôpital. C’est un super compromis.
10/ Quel sera ton programme d’avant saison (stages) ? et en saison ?
Après une coupure d’un mois, j’ai repris le vélo à basse intensité, je fais également du VTT pour changer un peu, et fais de la PPG en complément. Quand la neige sera tombée, j’irai faire du ski de fond, qui est très bon pour le cardio et le renforcement musculaire (haut de corps ++).
Fin Janvier, j’irai faire un stage avec ma nouvelle équipe puis la saison ne tardera pas à commencer fin février.
Pour ce qui est de la saison future, je vais participer à quelques belles cyclosportives, quelques courses UCI aux États-Unis et en Europe avec mon équipe et viserai les championnats de France Elite et master.
11/ Tu vas arriver à combiner quelques cyclosportives là-dedans ou pas ?
Comme dit plus haut, je vais réussir à alterner cyclosportives et courses UCI. J’apprécie énormément les cyclosportives par leurs parcours souvent très jolis (ça change des circuits de 10km à parcourir 15 fois !) et l’ambiance beaucoup plus relax.
12/ L’UCI va installer un salaire minimum pour les féminines en 2020, ton sentiment ? à quel niveau le mettre ?
L’idée est bonne car cela permettra de professionnaliser le cyclisme féminin. Actuellement, la plupart des coureuses ont un boulot à côté et cela ne permet pas de s’entrainer correctement et de rivaliser avec celles qui ont des vrais salaires. Du coup, il y a une grande disparité de niveau sur les courses professionnelles.
La question est de combien sera ce salaire minimum ? Et comment vont faire les petites équipes qui n’auront pas le budget pour payer les coureuses ?