Comment vois-tu le cyclosport évoluer ?
– Je pense que le cyclosport a déjà largement entamé son évolution et les prochaines années ne feront que la confirmer. On assiste malheureusement à la disparition de certaines « petites » épreuves au profit des « grandes ». Le cyclosportif va souvent préférer faire une épreuve renommée loin de chez lui plutôt que 2-3 belles, plus proches mais moins prestigieuses. Je me souviens, qu’en 1994 je me suis inscrit à la Marmotte, le matin même sur un bout de table. Aujourd’hui, les 8000 dossards partent dans la journée, 8 mois avant le départ !
D’un autre côté, il y a 3 ans je faisais la Roland Fangille en plein mois de juin. Parcours, convivialité, prestations, sécurité, ambiance : tout y était. Nombre de participants au départ: 80. L’organisateur m’expliquait qu’il manquait une petite trentaine de partants pour pouvoir boucler le budget et qu’il n’allait pas pouvoir tenir bien longtemps en mettant ainsi la main au portefeuille, tout ça pour nous faire plaisir.
© Olivier Dulaurent
J’ai l’impression que ces 2 expériences résument un certain mauvais côté entrepris par le cyclosport. Alors, oui quand on fait la Roland Fangille et non l’Étape du Tour, on peut moins la ramener auprès des copains de club. Mais quand même : 80 participants pour faire un superbe circuit de 140 km dans les Cévennes, sans circulation automobile, parfaitement sécurisé et avec une paella maison pour clôturer la journée ? Pourquoi une telle différence de traitement ? Je fais un peu le parallèle avec la course à pieds de masse, discipline pour laquelle il est plus facile de briller aux yeux de la « société » quand on fait le Marathon de Paris ou de New York que celui qui réunit quelques centaines de participants sans faire de vagues.
Par ailleurs, les épreuves où certains portions seulement sont chronométrées, vont continuer à se développer. Plus faciles à organiser probablement, moins stressantes pour les organisateurs à coup sûr.
Le niveau physique global va continuer à progresser avec un resserrement des niveaux à chaque échelle de la course. Ceci est bien évidemment lié à ce dont nous avons discuté sur l’augmentation des connaissances des cyclistes, leur engagement du côté entrainement, matériel, diététique. Il est indéniable que ça roule de plus en plus vite !
© Olivier Dulaurent
Sur le forum cyclosport de Vélo 101, il y a un sujet sur les pionniers du cyclosport, te reconnais-tu dans ces échanges ?
– J’ai lu les échanges de ce topic mais ces pionniers dont il est question ont roulé dans les années 80 alors que j’ai commencé une décennie plus tard. Mais j’ai vraiment aimé lire ces échanges, avec beaucoup de respect pour ces gars et les braquets de l’époque : 41×23 pour jouer la gagne sur la Marmotte ! C’est ici forcément à l’image des cadences utilisées à l’époque. Il est possible que ces cyclistes seraient allés plus vite avec un triple plateau mais il est tout autant probable que cela aurait fait « cyclotouriste » à leurs yeux. Un 30×23 étant équivalent à un 36×28, souvent utilisé par les pros eux-mêmes !
A la lecture des échanges, en plus de l’évolution des braquets, celle des performances chronométriques apparait clairement. Pourtant, Patrick Bruet qui était alors la référence, avait lui-même été pro. Là encore, qualité de l’entrainement et du matériel ont fait la différence sur ces 30 dernières années. Surtout en montagne.
© Olivier Dulaurent
Un homme comme Yan Contat, dont on peut dire qu’il a créé le cyclosport en France, créateur de la Marmotte entre autres, intervient si tu avais une question pour lui ça serait ?
– En retournant sur le topic, j’ai vu que Yan Contat était intervenu début janvier pour raconter son expérience. J’aurais déjà envie de lui dire merci d’avoir permis d’initier le mouvement qui conduit à avoir 150 cyclosportives en France environ. Je pense qu’on doit être le pays qui en compte le plus, avec l’Italie ?
Ensuite, j’aurais aimé savoir comment l’idée lui est venue. S’il s’est appuyé sur Clermont-Aurillac-Clermont par exemple qui est une épreuve antérieure, même si elle ne s’appelait pas « cyclosportive ».
Au niveau du contexte aussi, comment cela se passait en 1982 au niveau législatif et organisationnel pour finalement faire une course de vélo réunissant plusieurs centaines de participants, à cheval sur 3 départements. Je pense que les contraintes sont nettement plus sévères aujourd’hui, et je ne suis pas sûr que Yan Contat le referait dans ces conditions.
J’encourage les lecteurs à aller lire les 3 messages où il est intervenu. 35 ans d’évolution du cyclosport dans l’organisation ça compte aussi !
© Olivier Dulaurent
Les Championnats du Monde Masters est-ce encore du cyclosport ?
– Au départ, l’idée semble bonne : réunir les meilleurs des meilleurs, sur une journée mais avec un parcours différent chaque année, favorisant alternativement le grimpeur, le sprinteur ou le rouleur. Comme chez les pros donc.
Mais au final, je suis assez dubitatif concernant cette épreuve concernant comme souvent, les dérives que cela peut entrainer. Si Valverde ou un autre professionnel approchant la quarantaine, arrête sa carrière sur une courte période puis reprend pour le plaisir et s’aligne au départ, est-ce qu’il y a un sens à lui donner le titre de Champion du Monde Master ?
Si Frank Schleck, qui continue à rouler et s’investit même dans la discipline avec une cyclosportive à son nom, veut gagner lui aussi. De quoi aurait-il l’air ? Pourtant, il roule même en cyclosport mais, intelligemment ne se mêle pas à la victoire.
Ces situations ne sont pas arrivées sur les Championnats du Monde Master, mais concernant un coureur ayant roulé récemment à haut niveau mais se mettant au cyclosport, est-il légitime qu’il empocher le titre ?
D’un autre côté, j’ai toujours été favorable à ne pas mettre de barrière de niveau : le cyclosport est une épreuve de masse, ouverte à tous. On ne doit pas décider d’exclure telle ou telle catégorie sous prétexte que les coureurs qui en sont issus sont « trop forts ». Sinon, pourquoi ne pas interdire les « plus de 15h de vélo par semaine » ou les « moins de 60 kg » en montagne ? Ça serait ridicule.
Voilà pourquoi je m’interroge, je n’ai pas de réponse tranchée à donner.
© Olivier Dulaurent
Un « champion » sur piste américain en catégorie plus de 90 ans, pris pour dopage en 2018, ça t’évoque quel sentiment ?
– Tout le monde a trouvé ça complètement risible car, à 90 ans on peut penser que ce Monsieur n’a plus rien à prouver et qu’il est devenu un « sage » avec les années. Mais hélas, même pour battre le copain dans une course sans enjeu, certains sont prêts à enfreindre les règles. Pour preuve, les contrôles positifs dans les courses UFOLEP ou encore ce cycliste pris en flagrant délit d’utilisation de moteur dans son cadre.
Je pense que ces personnes qui trichent à 30 ans, sont potentiellement des tricheurs à 90.
Cela veut aussi dire que les contrôleurs ne doivent pas relâcher la pression et qu’à tous les niveaux, les contrôles doivent être plus fréquents.
Tes meilleures années de cyclosport, c’est ? ton col préféré ça reste ? ta cyclo préférée ?
– A 44 ans je ne me sens pas vieux mais je me dis quand même que le meilleur est derrière moi. D’autant que, comme déjà évoqué, je ne participe plus assez à des cyclosportives de montagne pour garder le rythme de ces épreuves. Je dirais donc que mes meilleures années sont autour de 2005-2008 avec un souvenir très spécial de la Marmotte 2008 où j’avais mis 6h16 avec des sensations extraordinaires. Pour autant, en étant en bonne forme je suis encore capable de me « débrouiller » en ayant pu gagner il y a 4 ans la Route Des Helviens après 80 km d’échappée solitaire. Plus récemment, j’ai aussi pu être en bonne forme sur différentes Haute Route, avec là encore des sensations spéciales, l’impression de pouvoir rouler aux limites de son potentiel sans éprouver de souffrance mais seulement le plaisir de maitriser son effort. Le genre de moments pour lesquels on a envie de s’entrainer durement.
© Olivier Dulaurent
A propos du col préféré, je me suis souvent posé la question. Difficile pour moi d’établir un classement mais je mettrais dans une liste :
– Le Galibier (incluant le Télégraphe) pour sa longueur, sa beauté et parce que j’ai une relation spéciale avec la Marmotte en 13 participations.
– La Bonette pour son côté sauvage et « haut ».
– Le col de Chaussy par les lacets de Montvernier pour le côté spectaculaire et jusqu’au sommet, cette petite route qui offre de beaux points de vue.
– Le Cormet de Roselend, un classique parmi les préférés.
– La Hourquette d’Ancizan, tout simplement superbe.
– Le col de Burdincurutcheta et le col de Bavella.
– Le col de Finiels, moins connu mais magnifique aussi.
– Mais au-dessus de tous ces noms, je mettrais l’ensemble des cols des Dolomites (Giau, Pordoi, Valparola, Sella, Falzarego, etc.) et leurs voisins Gavia-Stelvio.
© Olivier Dulaurent