Comment fait-on pour être maman, cycliste et physiothérapeute ?
C’est pareil pour un papa qui travaille et s’entraîne… Il faut de l’anticipation, une bonne organisation et bien sûr une précieuse aide de la famille. Grâce à une complémentarité idéale dans le couple, nous arrivons à être très efficaces. J’optimalise beaucoup mes transitions famille-boulot-sport pour ne pas perdre trop de temps. Je suis plutôt disciplinée et très vite prête pour m’entraîner sans me poser trop de questions,… même si l’envie n’est pas du moment, si la météo est inappropriée,… j’y vais !!!
Céline Egger | © Dominique Daher
Le cyclosport, tu y es arrivée à quel âge et comment ?
Depuis toute jeune, le vélo a toujours été pour moi un moyen de déplacement pour me rendre sur le lieu de mon école et de mes activités. Il y a un peu plus de 10 ans (2006), je rêvais d’un voyage à vélo et d’aventure seule ou pas !? Dans cette même période, j’ai rencontré un cycliste… à l’époque coursier en parallèle à sa formation de pédiatre, vététiste et aventurier sur la selle car il avait visité déjà pas mal de coins dans le monde notamment avec son papa et son frère. Dans l’année de notre rencontre nous sommes partis 2 mois en Amérique du Sud découvrir 4 pays, vivre plus de 4500 km en autonomie… A notre retour (2007) j’ai acheté mon premier vélo de course et participé à ma première cyclosportive CycloTour du Léman… Pendant ces années jusqu’il y a 4 ans, le vélo était surtout un moyen de déplacement et nous enfourchions nos vtt pour explorer les sentiers battus. J’exprimais mon côté compétitif en course à pied, trail et ski-alpinisme.
Par quels sports es-tu passée avant le vélo ?
A l’âge de 10 ans, je pratiquais l’athlétisme dans un club et mes vacances je les passais la plupart du temps sur l’eau, en Espagne. J’aimais beaucoup la planche à voile. Je me souviens toujours du grément reçu pour mes 10 ans. J’appréciais beaucoup être en plein air, à la montagne ou à la mer. J’ai fait également beaucoup de scoutisme et j’ai découvert la voile avec les scouts marins. A l’âge de 14 ans, j’ai passé mon permis voile-lac et commencé la compétition en équipage avec le Centre d’ Entraînement à la Régate (CER) de la ville de Genève. Je me suis énormément investie dans ce sport. J’aimais être sur le lac ou la mer, la coordination en équipe, l’ambiance des compétitions. J’ai participé à plusieurs Tour de France à la Voile. C’était l’aventure, la vie nomade, les rencontres… En 2005-2006, j‘ai fait partie d’une équipe avec des marins du lac sur des multicoques très puissants (Decision35). Cela me plaisait beaucoup, c’était fort en sensations et à la fois très physique. A la fin de mes années voile, j’ai été de plus en plus attirée par la montagne. Ma dernière saison en multicoque, je l‘ai croisée avec une saison de ski-alpinisme. C’était ma première mais j’étais à fond. J’ai fait énormément de compétitions et terminé brillamment la petite Patrouille Des Glaciers. Le goût de ce type d’effort m’a plongé dans le sport d’endurance. Je passais beaucoup de temps à la montagne les week-ends. La semaine, en plaine, j’avais repris plus intensément la course à pied, le vélo et me suis mise à nager le crawl. J’ai participé à deux petites PDG et une grande PDG équipe féminine en 2014. (2009-2011 j’ai eu mes 2 enfants).
Céline Egger | © Dominique Daher
Cette année 2014, est charnière. J’ai découvert le trail qui me permettait de courir en déchargeant mes genoux (souffrants d’un syndrome fémoro-patellaire) car je faisais que des trails avec des montées (Vertical Race, Jungfrau marathon,..). C’est aussi l’année pendant laquelle j’ai rencontré des personnes précieuses (Sébastien Grossini et Johann Ferré, fondateurs de SportQuest, avec qui je partage mon activité professionnelle, physio du sport, et ma passion pour le sport outdoor plus particulièrement le cyclisme. Johann est aussi membre du team Velosophe Cycling Brigade. L’année suivante (2015) je me suis testée sur des triathlons régionaux. J’ai adoré enchaîner les trois sports et le jeu des transitions. Je regrette de n’avoir pas découvert ce sport plus tôt. Mes genoux restants fragiles, j’ai dû faire une pause stricte au niveau course à pied et, pour calmer ma frustration, je me suis mise plus sérieusement au vélo. Pas tellement dû me forcer ! J’ai très vite retrouvé ce que je cherche aussi dans l’effort, le dépassement de soi, la cohésion avec la nature, le partage et les rencontres. J’ai découvert la sensation de rouler, d’« avaler » des cols et cette liberté sur la selle… merci le vélo !
Qu’est ce qu’ils t’ont apporté pour ta réussite pro et perso aujourd’hui ?
En parallèle à ma formation en tant que physiothérapeute du sport, ma pratique sportive qui est malgré tout très diversifiée est tout aussi enrichissante qu’une formation continue. J’aime beaucoup apprendre, me questionner, chercher des solutions… cela me nourrit de connaissance. Avec les années d’expérience dans le sport et aux côtés de sportifs, j’ai énormément appris sur la gestion de la douleur, la gestion de l’effort et la patience (pas mon fort). Ce caractère de battante me pousse à me dépasser mais aussi m’apporte du courage et la force nécessaire pour accompagner, aider mes enfants à grandir.
Une semaine type pour toi, ça s’étage comment ?
La semaine je ne fais pas de longues séances mais je pratique une activité régulièrement. Je me déplace à vélo, je planifie 1-2 entraînement vélo spécifique (2h), je pratique 1-2 courtes séances natation pendant les activités de mes enfants et le week-end 1-2 séance plus longue (moy 15h/sem). Pendant la saison hivernale, je varie et privilégie la préparation physique, la natation, la course, le ski-alpin… plutôt que de longues sorties à vélo.
Céline Egger | © Dominique Daher
Tu roules pour une marque de bière, la Vélosophe, comment consommer la bière quand on est cycliste du point de vue de la physio ?
Rouler pour une marque de bière ne veut pas dire que nous poussons à la surconsommation de l’alcool mais plutôt pour mettre en avant la qualité (plus que la quantité) d’une délicieuse bière artisanale qui a son caractère. C’est aussi très important de mettre en avant « la qualité » de ce moment après l’effort, un moment de partage et de convivialité ! Bien sûr qu’il y a un apport glucidique, sels minéraux et vitamines intéressant mais bien que j’apprécie particulièrement la Velosophe j’avoue ne jamais en ouvrir une sans la compagnie ! C’est un moment spécial et amical qui permet de se détendre après que nous ayons tout donné !!! J’insiste sur le fait qu’elle ne remplace pas une boisson de récupération ni l’apport hydrique nécessaire et sa consommation modérée ne nuit pas à la récupération.
En tant que physio, quels sont tes secrets pour performer que ce soit pour la respiration ? La récupération ?
Je n’ai pas de grands secrets ni de recettes. Je suis très à l’écoute de mes sensations. Dans les coups durs, j’inspire profondément en imageant l’oxygène qui approvisionne les muscles qui sont fatigués ou trop contractés. Sur le plan de la récupération, je suis sans arrêt à la recherche de moyen d’optimaliser. Je teste différents moyens (électro, eau froide, compression,…) Tout élément a ses avantages et ses inconvénients mais quand je n’ai pas beaucoup de temps je privilégie l’élévation des jambes, la compression et la douche froide sur les jambes. Je me rends compte en écoutant des athlètes de haut niveau que nous sous-estimons l’importance de la détente et de la qualité/quantité de sommeil. C’est sur ce point que j’aimerais travailler car pour moi c’est ce qui est le plus difficile à gérer. Il faut bien se rendre compte qu’une fatigue qui s’accumule augmente un stress, celui-ci diminue la resynthèse du glycogène et augmente la réponse inflammatoire, les douleurs musculaires. Donc privilégier l’hydratation, l’alimentation et la détente-sommeil.
Tu utilises ou préconises la cryothérapie, pourquoi ? L’hydrothérapie, pourquoi également ? Tout ce qui est stimulation électro pour mieux récupérer ?
J’ai toujours apprécié les sensations de l’immersion et selon des études chez des footballeurs, IEF (immersion en eau froide) c’est la méthode la plus efficace (14’ 12 degré). L’effet physiologique de la pression hydrostatique, l’effet du froid et le post-effet relaxant mettent en avant cette pratique régénérante. Personnellement, j’ai eu l’occasion de la comparer à la cryothérapie (3’ à -130 degrés). L’installation est onéreuse et nous n’avons pas tous les avantages de l’immersion dans un liquide avec un effet positif du froid sur du très court terme (15’). La réalité est que nous avons rarement la possibilité matérielle (baignoire) et le temps donc très souvent pour moi cela se résume à terminer avec une douche froide (10’) enfiler des bas compressifs (2h) et me relaxer les jambes surélevées. Le « must » c’est quand j’ajoute sur mes quadriceps de l’éléctrostimulation avec un programme récupération. Ce dernier, tout comme le massage, n’a pas démontré de grands effets d’un point de vue scientifique mais permet de mobiliser, relaxer une musculature fatiguée avec la précaution de ne pas forcer sur les intensités. Personnellement j’apprécie aussi beaucoup l’effet auto-massant du rouleau qui favorise la détente du muscle et le glissement inter-tissulaire.
Céline Egger ©Dominique Daher
En gros, le vélo est-il bon pour le système neuro, cardio, musculaire?
Très bonne question !!!! Les grands atouts du vélo selon moi sont ses bénéfices pour le système cardio et le psychique. En roulant régulièrement nous optimalisons avec efficacité le « moteur de la machine ». En parallèle à celà, le bonheur de l’évasion, du partage et du dépassement de soi sont des apports psychologiques très importants à ne pas négliger… on ne vit qu’une fois !!! Sur le plan neuro et musculaire, je pense à la coordination et à la force… Les coups de pédales apportent un gain de force conséquent dans les jambes mais selon moi la pratique du vélo manque de stimulation et notre corps est très vite formaté dans un mouvement répétitif. Pour pallier ce problème, cela demande d’une part de pratiquer des exercices spécifiques sur le vélo (coordination jambe g/dt, habileté,…) et d’autre part de compléter avec d’autres sports (PPG, natation, jogging, ski…) Dans les périodes intenses d’entraînement je ne fais que rouler et je ne me sens pas dans un équilibre physique… peut être que diminuer les km par année et privilégier la variété pourrait être plus bénéfique ??
Quel est ton meilleur moment de cyclo cette année ?
Ma plus belle expérience cyclo cette année était la Haute Route Ventoux pour plusieurs raisons… cela faisait longtemps que je voulais participer à une course sur plusieurs jours… J’aime l’enchaînement de ces journées d’effort mais aussi l’atmosphère que cela implique, l’esprit d’équipe, les rencontres,… J’ai beaucoup apprécié la beauté du parcours, je me sentais plus détendue et en forme en cette fin de saison. D’autant plus que la deuxième journée, nous avons fait la course avec Damien et Johann. C’était intense et magnifique pour terminer cette saison « team-spirit » !
Et en général, le meilleur moment d’une cyclo ?
Ce que je cherche et que j’apprécie par dessus tout dans une cyclo c’est l’environnement dans lequel nous roulons, les paysages de montagnes etc… bien que je ne l’apprécie pas autant que durant un « bike-trip » mais tant que c’est beau, que cela monte et que la forme me « donne des ailes » j’adore la sensation de pouvoir monter « facilement », enchaîner des cols… Je ne cours pas après le plat. Et comme beaucoup, j’aime ce moment vibrant au passage d’une ligne d’arrivée avec ce sentiment d’avoir pu donner mon maximum.
En Italie, les filles qui performent ont des gregari à côté d’elles (ravitos, …), ça t’inspire quoi ?
C’est un sujet très sensible… auquel je suis impliquée car cela m’arrive de participer à une cyclo et que l’on observe que dans les premières femmes certaines étaient dans la roue de leur lièvre ! C’est une évidence que ce n’est pas la même stratégie de course mais il faut aussi tenir compte que cela n’est pas facile de suivre un rythme plus élevé que le sien… ce n’est pas donné à tout le monde de suivre donc cela serait faux de dire qu’elles n’ont aucun mérite ! Le fait d’être arrivée derrière mais aussi de passer devant des filles accompagnées et surtout mon expérience lors du 2ème stage de la HR avec mes coéquipiers, m’oriente sur cette opinion qui en laissera sûrement plus d’un perplexe. Je pense qu’à un certain niveau et on le voit aussi lors de marathon des femmes dans les baskets d’un homme c’est un plus, certes, mais pas n’importe quelle fille arrive à tenir.
J’apprécie de rouler avec mes coéquipiers du team, mais avant tout dans un sens « team-spirit ». Peut-être que ce sujet n’est pas assez clair mais une chose est sûre c’est que tu as beau rouler avec un gregario quand tu n’en peux plus tu n’avances plus !
On commence à voir des cyclos 100% féminines, ton avis là-dessus ?
Je n’ai rien contre les cyclo féminines c’est plutôt positif et plus équitable vu qu’il y a une aide masculine pour aucune de nous. Ce n’est pas pour autant que j’aimerais participer uniquement à des courses féminines… J’encourage malgré tout la mixité, et ne voudrais pas que le fait d’organiser parallèlement des courses 100% féminines donne l’impression que nous sommes limitées, « hors catégorie ». Je ne veux pas prétendre que nous pouvons être toutes aussi fortes mais plutôt que nous sommes capables de vivre l’expérience d’une cyclo ensemble avec chacun ses atouts. J’accepte le fait que je sois moins costaude que certains hommes (et autres femmes !) mais mes expériences sportives me montrent que cela ne m’empêche pas de partager et d’apporter mes capacités dans un team mixte.
Au contraire, encourages-tu les organisateurs à être « women friendly » avec des départs légèrement anticipés pour celles qui frottent moins ?
Concernant l’organisation des courses… je ne pense pas qu’il faille organiser des départs spéciaux. Durant mes cyclo 2018 j’ai eu des départs plus compliqués que d’autres mais cela forme et il faut oser se lancer.
Un team avec que des garçons, tu préfères où tu souhaiterais avoir d’autres féminines avec toi ?
Avant tout, je suis très reconnaissante d’être intégrée au sein du team et acceptée telle que je suis. Je serais très contente d’intégrer d’autres filles dans le team. Comme pour les hommes mieux vaut être seule que mal accompagnée… J’ai eu de très belles expériences en tant que seule femme et aussi en équipe féminine (pdg). J’ai conscience que ce que je vis est particulier et que c’est aussi parce que depuis tout jeune je partage mes passions dans un milieu plutôt masculin… donc oui mais pas n’importe laquelle !Céline Egger | © Dominique Daher
Quelle cyclo rêves-tu de faire un jour ? Un col que tu souhaites grimper ?
Mon rêve serait de participer à un Swissman… une aventure cyclo en montagnes (180k/3000D+) avec quelques km de natation et un marathon trail pour terminer …en résumé un Xrem-Triathlon! Si mes genoux me l’interdisent je rebondirais sur une course type Transalp ou un ultracycling.
Beaucoup de cols m’attirent, c’est mon réel plaisir à vélo et j’en ai déjà une bonne liste à découvrir sans m’évader forcément très loin : Emosson, Iseran, Bonnette ou du côté des Hautes-Pyrenées (Aubisque,…) Des grands classiques m’attirent tout comme partir à la découverte de terrains plus sauvages en Sicile, Norvège, Autriche,… Rejoindre la mer en passant par les cols est aussi un projet que je souhaiterais réaliser un jour.
Quel sera ton programme pour la saison 2019 ?
Ma saison 2019 est en pleine planification…Je suis déjà inscrite sur certaines courses, un triathlon d’hiver (vélopodole) dans ma région et l’Etape du Tour. Je me réjouis de partager de beaux événements cyclo avec mon team Velosophe Cycling Brigade. Avec mon mari, nous organisons chaque année un « packlight – travel far » bike trip, challenging et palpitant. A ce programme très enthousiasmant, je souhaiterais peut-être ajouter un petit triathlon de montagne… pour me rapprocher d’un grand rêve !?